Manger des fruits et des légumes frais constituerait-il un danger pour la santé ? C'est du moins ce qu'affirment certains médias qui ont relayé, en termes alarmistes, les propos d'un des responsables de l'Agence Nationale de Contrôle Sanitaire et Environnemental des Produits (ANCSEP), tenus lors de la rencontre sur "l'utilisation des pesticides dans la production agricole entre l'efficacité économique et la santé humaine". Selon ces déclarations, "Plus de 50% des pesticides en Tunisie ne sont pas utilisés de manière rationnelle". Le point avec Hamadi Dekhil, directeur du contrôle environnemental des produits à l'ANCSEP. De par le monde, la demande croissante en produits alimentaires issus de l'agriculture a mené, au fil des années, à une utilisation accrue des pesticides. Pour un rendement qualitatif et quantitatif, le recours à ces produits chimiques serait incontournable. Mais est-il sans risque ? Oui, affirment les experts si les produits utilisés sont certifiés comme inoffensifs à court et long termes et si les dosages sont respectés. Toutefois, le risque zéro n'existe pas. Les intoxications aigues dues aux pesticides occupent la deuxième place, après les médicaments, des causes des intoxications et représentent 13,3% du total des intoxications par les produits chimiques. De même, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que le nombre de cas d'intoxications graves s'élève, dans le monde, à 3 millions par an et on compte environ 220 000 décès. En fin, selon PAN Africa, près de 750 000 personnes contracteraient chaque année une maladie chronique telle qu'un cancer suite à une exposition à des pesticides. C'est dire l'importance d'une utilisation rationnalisée et d'un contrôle régulier pour éviter toute catastrophe. Qu'en est-il au juste en Tunisie ? Interrogé sur l'utilisation des pesticides dans le domaine agricole, Hamadi Dekhil a affirmé que contrairement aux autres produits chimiques dont l'usage n'est pas assez rigoureusement réglementé, les pesticides sont des produits soumis à une réglementation claire et doivent répondre à des normes strictes d'homologation et de qualité. Le problème réside selon lui dans la manière d'utiliser ces produits par les agriculteurs qui sont nombreux à l'ignorer de façon volontaire ou involontaire. En effet, il n'est pas rare , souligne-t-il, qu'un pesticide destiné aux vignes soit également utilisé pour les agrumes ou autres. De même, la question du dosage est d'une importance extrême puisque s'ils sont présents en quantités minimes, ces produits ne constituent aucune menace pour la santé des humains et des animaux. C'est donc cette ignorance des codes du bon usage des pesticides qui peut être à l'origine de dangers. La solution, selon Hamadi Dekhil, passerait notamment par la sensibilisation des agriculteurs aux bonnes pratiques de l'utilisation de ces produits afin de rationnaliser leur usage. De même, il est conseillé aux consommateurs de tremper leurs fruits et légumes pendant un quart d'heure, voire une demi-heure, dans l'eau afin de se débarrasser de toute trace éventuelle de résidu de pesticide pouvant mettre en danger leur santé. Conscients de cette problématique, les experts de l'ANCSEP ont initié, cette année, un plan de surveillance, qui s'étalera sur cinq ans, dédié au contrôle des résidus des pesticides. La première phase de ce projet a porté sur les céréales et les résultats des recherches et analyses devraient être prêts d'ici la fin de l'année. De même, l'Agence planche actuellement sur la mise en place d'une plateforme électronique abritant un système de vigilance portant sur les dangers plausibles des pesticides. Cet espace regroupera toutes les données scientifiques relatives aux pesticides. Elle sera régulièrement actualisée et servira de référence à tous les intervenants dans ce domaine. De même, une base de données identifiant 125 produits chimiques préoccupants, ayant de graves impacts sur la santé de l'homme et des animaux, a été initiée. Enfin, selon Hamadi Dekhil, un projet d'arrêté régissant les dispositions relatives aux limites maximales appliquées aux résidus des pesticides sera bientôt publié au JORT.