Première de "Lella" ce jeudi 4 janvier à 19h30 au Théâtre municipal. Pour son nouveau spectacle, Amina Srarfi revient vers les traditions soufies avec une hadhra de femmes venues de Tunis, Bizerte et Djerba, la complicité artistique de Nabiha Karaouli et Leila Chebbi et l'apport chorégraphique de Khira Obeidallah. Un spectacle total mis en scène par Hafedh Khalifa qui innove encore une fois... Il fallait oser et, une nouvelle fois, Amina Srarfi l'a fait! Cette musicienne de talent vient en effet de créer un spectacle de grande envergure en invitant un ensemble féminin à interpréter des chants soufis. C'est en quelque sorte une "hadhra" de femmes qui sera à l'oeuvre sous l'impulsion de l'artiste Amina Srarfi. L'idée était dans l'air depuis un moment et devrait se concrétiser à travers cette oeuvre intitulée "Lella". Musique soufie et voix féminines "Lella" sera donnée en première ce jeudi 4 janvier à 19h30 au Théâtre municipal de Tunis. Avec un ensemble orchestral et choral dirigé par Srarfi, ce spectacle sera aussi l'occasion de retrouvailles avec la chanteuse Nabiha Karaouli et sa voix d'une pureté absolue. De même, la comédienne Leila Chebbi sera aussi de la partie et interprétera des séquences où le texte sacré des traditions soufies sera à l'honneur. L'ordonnancement chorégraphique de "Lella" sera l'oeuvre de Khira Obeidallah et la mise en scène de Hafedh Khalifa. Comme on peut le constater, toutes ces énergies devront se conjuguer pour le succès de cette "hadhra" au féminin qui en soi est une première à saluer. En effet, depuis le lancement au début des années 1990 de ce concept adaptant la musique sacrée à l'espace scénique, plusieurs artistes ont exploité ce modèle établi par Fadhel Jaziri et Samir Agrebi. Depuis, les fameuses "hadhra" se sont multipliées et ont été déclinées selon les répertoires ou les régions. Ces derniers temps, le spectacle "Ziara" de Samir Lejmi a fait un véritable tabac et a été représenté un peu partout. De même, Fadhel Jaziri présentait durant le mois de Ramadan dernier une version new look de la "hadhra" des origines. Amina Srarfi met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et apporte une nouvelle touche originale à l'édifice en ayant recours à un orchestre féminin. Le principe de tous ces spectacles consiste en général à avoir recours aux chants traditionnels qui se sont développés dans les espaces sacralisés des "zaouia" confrériques. Ces chants sont doublement adaptés avec en premier lieu des arrangements qui incluent une nouvelle distribution musicale et ensuite une adaptation scénique qui transforme en spectacle ce qui n'est initialement que liturgie. C'est de la sorte que les soulamiyas d'hier ont été relues à l'aune d'une modernité musicale qui dépoussièrait ce patrimoine. Et c'est au tour de Amina Srarfi de s'inscrire dans ce sillage créatif avec "Lella", un spectacle pour lequel elle a invité des chanteuses traditionnelles de plusieurs régions à l'instar de Tunis, Bizerte et Djerba. A la recherche du patrimoine musical Pour ce rendez-vous avec la musique des tréfonds, Srarfi, son ensemble et les artistes invités chanteront et danseront au féminin pluriel, faisant renaître le tourbillon des musiques sacrées avec des voix de femmes. De la sorte, Amina Srarfi poursuit un parcours initié il y a quasiment un quart de siècle avec la fondation de l'emblématique orchestre El Azifet, première formation féminine de musique tunisienne. Cet ensemble a été vite adopté par le public et s'est aussi produit sur les scènes du monde entier. Regroupant nos meilleurs musiciennes, optant pour un look traditionnel pour les costumes de scène, El Azifet est ainsi l'ambassadeur de charme de la musique tunisienne. Après une période consacrée aux reprises de standards tunisiens arrangés pour un choeur féminin, Amina Srarfi est passée à la vitesse supérieure et a inscrit plusieurs de ses propres compositions au répertoire de l'ensemble. Au fil des ans et des participations aux festivals les plus réputés, l'orchestre El Azifet s'est orienté vers deux directions. En premier lieu, l'orchestre allait vers la tradition tunisienne et toutes les musiques orientales en proposant des spectacles à thème. Dans cette optique, des spectacles ont été dédiés par exemple à la diva Saliha ou encore aux patrimoines de la valse et ses lectures orientales. De même, la plus récente des créations de Srarfi met en exergue les chansons tunisiennes des années 1920 sous l'intitulé "Mademoiselle". Tous ces spectacles ont pour éléments fédérateurs la distribution musicale et les nouveaux arrangements. Parfois, des apports chorégraphiques viennent amplifier le côté visuel de ces oeuvres qui ont toujours été adoptées par le grand public. Une démarche ouverte et raisonnée Car la démarche de Srarfi permettait de retrouver des pans parfois complètement oubliés de notre patrimoine en les remettant au goût du jour et dans la touche artistique qui est particulière à cette artiste. En outre, Amina Srarfi développe cette démarche dans deux autres directions. D'abord celle du violon, instrument dont elle aussi bien une virtuose reconnue que l'héritière de la tradition inaugurée par son père Kaddour Srarfi. En ce sens, elle créait avec "Le Violon de mon père", l'un des plus beaux hommages musicaux à ce grand maître. Ensuite, Amina Srarfi ouvre de nouvelles perspectives en se tournant vers les fusions musicales. Dans cette optique, elle créait en 2015 à Carthage le spectacle "Mosaique" pour lequel elle était entourée de plusieurs musiciennes venues de tous les continents. La même démarche de fond demeure présente dans toutes ces initiatives: celle qui consiste à opter pour des ensembles strictement féminins. Pour "Lella", Amina Srarfi confirme cette méthode et l'amplifie. Avec un plateau qui comprend une Nabiha Karaouli toujours au sommet de son art et une Leila Chebbi profondément en phase avec le verbe poétique, "Lella" promet d'être un moment entre art et sacré qui marquera ce début d'année. Rendez-vous au Théâtre municipal pour découvrir ce nouvel opus de Srarfi, toujours présente, inventive et pleinement dédiée à la musique.