Cela fait un bon moment que le mouvement islamiste d'Ennahdha se fait tout discret. Même lorsque le pays a connu, il y a une quinzaine de jours, de grands mouvements de protestation il a préféré jouer dans la subtilité et a laissé les autres faire le sale travail. Toutefois, cette attitude détachée et assumée, a fini par exaspérer les Nahdhaouis qui viennent de reprendre les devants de la scène. L'information remonte à vendredi dernier mais elle n'a été dévoilée que dans la soirée du lundi au mardi où nous avons appris que l'ancien ministre de l'Intérieur, ancien chef du gouvernement et actuel député et vice-président d'Ennahdha, Ali Laârayedh, a été convoqué par la justice militaire dans le cadre de l'affaire de la haute trahison de l'Etat dans laquelle est impliqué le très controversé Chafik Jarraya. Entendu par le procureur-général auprès du Tribunal militaire de Tunis en tant que témoin, Ali Laârayedh a été suivi par son ancien chef de cabinet et ancien ministre de l'Intérieur, Hadi Majdoub. Ce dernier comparaît pour la seconde fois devant le Tribunal militaire pour la même affaire. Ces convocations ont été adressées dans le but d'approfondir les enquêtes sur les relations entre Jarraya et quelques hauts cadres du ministère de l'Intérieur. Rappelons ici que Saber Ajili, ex-directeur général de la brigade antiterroriste d'El Gorjani et ancien responsable de la sécurité touristique, et Imed Ben Achour, ancien directeur-général des services spéciaux, sont toujours en état d'arrestation dans le cadre de la même affaire. Même s'il a comparu en tant que témoin, cet incident représente une première pour Ali Laârayedh qui a toujours défié la justice. Convoqué à plusieurs reprises par la justice civile dans le cadre de l'affaire de l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, l'ancien ministre de l'Intérieur a toujours refusé de se soumettre à la justice. Mais quand il s'agit du Tribunal administratif, les islamistes sont obligés de se soumettre aux ordres ! Le lendemain de cette convocation, un conseiller fraîchement nommé par le ministre de la Santé, Imed Hammami, a, pour sa part, été arrêté dans le cadre, dit-on, de la même affaire... Par ailleurs, cette convocation peut, éventuellement, expliquer les récentes déclarations de l'ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale constituante, Mehrzia Laâbidi, qui a annoncé, auprès de nos confrères d'Assabah News, que certains dirigeants d'Ennahdha ont évoqué lors des dernières réunions de leur bureau politique l'éventualité de se retirer du gouvernement d'union nationale. Une hypothèse qui était, à peine quelques semaines de cela, impensable pour les Nahdhaouis et qui devient, soudainement, de plus en plus ouvert à cette éventualité. Les premières déclarations expliquent que cela n'aura plus de sens qu'Ennahdha continue à faire partie du gouvernement d'union nationale pendant que son principal allié, le mouvement de Nidaa Tounes, clame haut et fort qu'il a rompu avec le mouvement islamiste. Une explication qui ne peut être prise au sérieux parce qu'à son annonce, les Nahdhaouis en rigolaient presque et expliquaient, tout bêtement, qu'il s'agit d'une manœuvre électorale qu'on ne peut reprocher. Ce changement soudain d'attitude et son timing qui coïncide avec la convocation de Laârayedh laissent penser que le temple bleu commence à s'agiter réellement dans le but de faire le maximum de pression sur les autorités concernées pour qu'elles laissent tomber une éventuelle avancée des enquêtes qui pourrait nuire à certains... Par ailleurs, l'affaire de l'annulation de la participation du président de la République, Béji Caïd Essebsi, à Davos n'a pas été expliquée officiellement. La présidence de la République n'a pas également démenti la version qui affirme que le chef de l'Etat a annulé sa participation et s'est fait remplacer par le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jihnaoui, à cause de l'invitation qui a été adressée au chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi. Un recoupement de ces données ne peut aboutir qu'à une seule conclusion : Ennahdha peut très bien se retrouver dos au mur à tout instant et cela fera certainement apporter beaucoup de chamboulements à l'échelle nationale et notamment sur la scène politique. Affaire à suivre !