La Banque Centrale a noté avant-hier que la situation actuelle est propice au recours au marché financier international pour répondre aux besoins de financement, d'autant que la pression étouffante sur les avoirs en devises d'une part et sur la liquidité du marché financier local d'autre part ne fait que s'accentuer. Selon le communiqué publié par la BCT, cet emprunt s'inscrit dans le cadre de la mobilisation des ressources au profit du budget de l'Etat conformément aux dispositions de la loi de finances 2018 et pour répondre aux besoins du pays en apports de devises, aussi bien au titre du financement du déficit budgétaire que du déficit des paiements courants. Toutefois, l'incertitude politique actuelle pourrait impacter négativement sur les réformes et ne pourrait en conséquent favoriser le sauvetage de l'économie nationale. Donc, est- ce vraiment le moment opportun de chercher à sortir sur le marché international ? A ce propos, Ezzeddine Saidane, l'expert en économie nous a confié qu'au point où nous en sommes, il n'y a pas de bon moment pour sortir sur le marché financier international. Et d'expliquer : « Actuellement, nous vivons une situation extrêmement difficile. Toute mesure qui est prise peut avoir des aspects positifs mais peut avoir aussi obligatoirement des aspects très négatifs. Aujourd'hui, nous avons une loi de Finances qui a prévu la mibilisation de 9,5 milliards de crédit nouveau, qui a configuré aussi un remboursement principal et intérêt de 8 milliards de dinars. Nous disposons de réserves en devises qui suffisent tout juste à 76 jours d'importation, sachant que les importations de produits alimentaires, des médicaments et d'énergie, qui sont d'une acuité extrême, nécessitent à eux seuls l'équivalent de 90 jours d'importation. Donc, la Tunisie, qui devait sortir sur le marché international pendant la 2ème moitié de Mars, n'a pas pu le faire et se trouve aujoud'hui acculer à le faire compte tenu de tous les indicateurs dont nous disposons. Maintenant, la Tunisie sort sur le marché international avec des indicateurs qui se sont gravement détériorés, avec deux agences de notation : « Moody's et Fitch », qui ont revu à la baisse la notation souveraine de la Tunisie et avec une crise politique avérée ». Par ailleurs, M.Saidane nous a indiqué qu'en sortant sur le marché finacier international aujourd'hui, la Tunisie prend un double risque extrêmement important. « Le premier risque est de ne pas pouvoir mobiliser le montant sollicité qui est de 1 milliard de dinars et ça c'est très grave. Nous en avons eu la même expérience en avril 2017, nous étions allés sur le marché pour solliciter 1 milliard d'euro, nous n'avions ramassé que 850 millions d'euro et à un taux d'intérêt excéssif. Le deuxième risque, c'est qu'on peut trouver le montant ou une partie du montant mais avec un taux d'intérêt qui est encore plus lourd que celui de l'année écoulée. En 2017, on avait emprunté avec une marge de 6%. Si on arrive à trouver le montant sollicité, cette fois-ci, la marge serait supérieure à 7%, ce qui est vraiment excessif », a-t-il souligné. A titre de rappel, l'économiste a fait savoir que la dernière opération faite par la Tunisie sur le marché financier international avant la révolution, était en 2008 et elle s'est faite avec une marge de 0,78%. Et d'ajouter : « Cette fois-ci, la sortie sur le marché nous coûtera cher, le taux d'intérêt sera presque à 10 fois plus qu'en 2008. Aujourd'hui, l'Etat n'a pas d'autres choix, elle doit sortir sur le marché financier international même si c'est trop risqué ».