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Le tsunami Lehman Brothers, dix ans après
Publié dans Le Temps le 29 - 09 - 2018

« Quand un pont s'effondre, l'intérêt se focalise sur le dernier camion qui l'a traversé, alors que le vrai sujet devrait être la fragilité du pont » Nassim Nicholas Taleb. Ecrivain, statisticien et essayiste.
Il y a tout juste dix ans, le 15 septembre 2008, la faillite de la banque Lehman Brothers plongeait l'économie mondiale dans une crise financière sans précédent depuis celle de 1929. Après la chute de Lehman, puis la contagion de la panique sur les places financières, le commerce mondial a plongé de 20%. Quelque « 80% » des pays sont tombés en récession.
Dix ans après, même si la planète finance a en partie tiré les leçons de la crise et que l'Union européenne et les Etats-Unis ont beaucoup fait pour réguler les banques, le système financier demeure instable et personne ne peut dire si à l'avenir le monde sera à l'abri de nouvelles crises. Bilan de ce qui a été fait (et ce qui n'a pas été fait) dans l'objectif d'éviter à l'économie mondiale un nouveau séisme.
Ce qui a été fait:
1- La chute de Lehman Brothers a mis en évidence la fragilité des banques. Celles-ci n'étaient pas suffisamment capitalisées, c'est-à-dire qu'elles ne disposaient pas d'assez de capitaux propres en regard des crédits octroyés. Pour y remédier, les accords de Bâle III (adoptés en 2010) obligent les banques à augmenter le niveau et la qualité de leurs fonds propres et assurer un meilleur encadrement de leur liquidité.
Des fonds propres
de meilleure qualité
Si les accords de Bâle III sont plus exigeants en matière de fonds propres des banques, c'est parce que la crise bancaire de 2007-2008 a eu des conséquences énormes pour la société en termes de destruction de richesses, de hausse du chômage et d'augmentation du niveau de la dette publique. Elle a également démontré que les fonds propres des banques étaient insuffisants. Il faut rappeler dans ce cadre, que l'effet de levier est aux banques ce que la profondeur des fondations d'un immeuble l'est pour le promoteur immobilier : moins les fondations sont profondes, plus son bénéfice sera élevé, mais plus l'immeuble sera fragile. L'effet de levier d'une banque mesure le rapport entre ses actifs et ses fonds propres. Si l'effet de levier est élevé, la banque détient beaucoup d'actifs pour des fonds propres donnés. Un levier élevé augmente donc la rentabilité potentielle de la banque, mais aussi ses pertes potentielles. Toutes choses égales par ailleurs, un effet de levier plus élevé implique toujours un risque plus grand.
Théoriquement, si nous prenons le cas de la Tunisie, le montant des actifs qu'une banque peut posséder en fonction de ses fonds propres est limité par l'exigence minimale des 10% (le fameux ratio de solvabilité), ce qui signifie qu'elle doit financer avec 100 dinars de fonds propres au minimum chaque actif (prêt par exemple) de 1 000 dinars. Toutefois, dans les règles de Bâle, le ratio des fonds propres n'est pas appliqué au total des actifs, mais aux actifs pondérés en fonction des risques, un montant adapté pour prendre en compte le risque de chaque actif. Il en résulte que les banques peuvent investir beaucoup plus d'argent en actifs considérés peu risqués qu'en actifs plus risqués ; des obligations d'Etat par exemple.
Encadrement de la liquidité
des banques
L'activité bancaire traditionnelle implique ce que l'on appelle la « transformation » : les banques empruntent de l'argent à court terme à l'aide d'instruments liquides et utilisent cet argent pour acheter des actifs non liquides à long terme. Par exemple, une banque pourra emprunter de l'argent pour 3 mois sur les marchés des capitaux pour financer des prêts hypothécaires à 20 ans pour ses clients. La banque court cependant le risque d'avoir du mal à renouveler ses emprunts à court terme et de devoir les rembourser avant de pouvoir récupérer l'argent de son investissement à long terme. C'est ce qu'on appelle le risque de liquidité. En échange, les banques gagnent une marge, provenant de l'écart entre les taux d'intérêt à court et long terme, qui augmente (et devient donc plus rentable pour la banque) à mesure qu'augmente l'écart entre les échéances.
Au cours des années précédant la crise, certaines banques ont poussé à l'extrême la transformation en empruntant parfois sur une semaine pour acheter des actifs non liquides à long terme, augmentant considérablement leur risque. En conséquence, plusieurs banques ont été confrontées à une crise de liquidité en 2008 et après.
Afin de remédier à ce risque, le régulateur (les accords de Bâle III en l'occurrence) a décidé d'introduire deux ratios de liquidité bancaire obligeant les banques à conserver une réserve de liquidité minimale. Le premier est le ratio de liquidité à court terme (Liquidity Coverage Requirement), qui vise à assurer que les banques disposent de ressources de financement suffisantes pour les 30 prochains jours : il impose aux banques de posséder suffisamment d'actifs liquides pour couvrir les sorties nettes d'argent prévues pendant les 30 prochains jours.
Le deuxième ratio de liquidité, appelé ratio structurel de liquidité à long terme (Net Stable Funding Ratio). Son but est d'assurer à tout établissement financier un « financement stable qui lui permette de poursuivre sainement ses activités pendant une période d'un an dans un scénario de tensions prolongées.»
2- En matière de supervision. Terminés les superviseurs nationaux. Mise en place, en 2014, d'une supervision unique dans la zone euro. La crise de 2008 a montré que fardeau des dettes bancaires a été en grande partie sanglé sur le dos des contribuables. Pour pallier cette situation, moralement indéfendable, le continent adopte le principe de « résolution » bancaire fin 2015. Ce principe prévoit de responsabiliser les parties prenantes privées, en faisant « passer à la caisse » les actionnaires et les détenteurs d'obligations de la banque avant tout recours aux fonds publics. L'objectif affiché du mécanisme de résolution bancaire européen est de mettre fin à la prise en charge publique des conséquences financières des défaillances de banques qui, entre fin 2008 et fin 2011, auront coûté aux contribuables européens quelque 1.600 milliards d'euros (soit 13% du PIB des pays de l'Union européenne). Il s'agit aussi de mettre fin à un état d'aléa moral qui se caractérise par le fait que les acteurs privés sont incités à prendre des décisions risquées dans la mesure où ils peuvent en espérer des gains élevés, alors que les coûts d'une éventuelle faillite provoquée par la matérialisation du risque est supportée par la sphère publique.
3- Obligation est faite aux banques européennes de procéder périodiquement à des tests de résistance, appelés également « stress tests ». Ce qui consiste à simuler des conditions macro-économiques et financières négatives afin de mesurer leurs conséquences sur les banques. L'objectif est d'évaluer leur capacité de résistance face à de telles situations.
4- Rendre plus transparent et plus sûr le marché des produits dérivés. Ces instruments sont créés pour permettre aux entreprises de se couvrir contre différentes types de risques financiers.
5- En matière de rémunération variable (bonus), la faillite de Lehman Brothers a révélé au grand jour le mode de rémunération des traders. Leurs bonus étaient calculés en fonction des gains à court terme, ce qui les pousse à prendre des risques inconsidérés afin de gonfler leur rémunération. L'Union européenne impose désormais un plafonnement des bonus des dirigeants de banques et des traders. Rien de tel aux Etats-Unis.
6- Sur les agences de notation (Moody's, S&P...). Des règles plus strictes ont été édictées pour éviter les conflits d'intérêts. Mais ces agences restent payées par les entreprises qu'elles notent. Or tout le monde sait que personne n'ose mordre la main qui le nourrit.
Ce qui n'a pas été fait
1- La tentation de la titrisation. La crise des subprimes a révélé au grand jour la titrisation. Cette technique financière consiste à faire supporter le risque à d'autres. Lorsque le marché de l'immobilier se retourne en 2006/2007 aux Etats-Unis, les défauts des paiements des foyers américains s'accumulent. Mais les banques n'ont pas conservé ces prêts dans leur bilan, elles les ont titrisés. C'et à dire transformés en titres financiers et vendus sous cette forme à de multiples investisseurs, propageant ainsi la crise de 2007. Or la titrisation revient en force depuis quelques années, les banques s'en servent pour sortir une partie des créances de leur bilan et continuer à prêter tout en respectant les ratios de solvabilité.
2- La séparation entre la banque de détail et la banque d'investissement.
Seule la Grande Bretagne a édicté une règle claire en la matière. Au premier janvier 2019, les banques britanniques devront avoir mis leur banque de détail dans une structure à part, séparée de la banque d'investissement. L'idée est qu'en cas de crise, la panique sur les marchés financiers ne contamine pas les dépôts des particuliers. Pourtant, au plus fort de la crise, les dirigeants américains ont promis le retour au Glass-Steagall Act, une loi, passée par le Congrès américain en 1933 dans un contexte de grande dépression (à l'époque, l'Amérique était traumatisée par le krach de 1929), obligeant les établissements à choisir entre leur activité de banque commerciale -c'est-à-dire le prêt aux particuliers et aux entreprises ainsi que la gestion des dépôts d'argent- et leur activité de banque d'affaires, spécialisée dans les opérations sur les marchés financiers. Pour mémoire, le Glass-Steagall Act a été abrogé en 1999 sous l'administration Clinton par le Financial Services Modernization Act, principalement pour permettre la naissance d'un géant de la banque : Citigroup (né de la fusion entre Citicorp et Travelers Group).
Cette mesure (de séparation entre les banques de dépôt et les banques d'affaires) promise par un certain nombre de gouvernements afin de tirer les leçons de la crise financière, si, une décennie plus tard, elle est restée lettre morte c'est qu'il y a bien des raisons. Deux en fait. D'un côté, Wall Street a toujours contesté le lien de cause à effet, se livrant, depuis, à un intense lobbying pour ne pas revenir à la législation de 1933. De l'autre, l'efficacité d'une séparation entre banque de dépôt et banque d'investissement (ou d'affaires) ne fait pas l'unanimité. La pratique prouve que le sujet est plus compliqué qu'il n'y parait. En 2007, Northern Rock, la première banque à faire faillite, ne faisait pas de banque d'investissement ; inversement Lehman Brothers, qui est à l'origine de la crise financière, ne faisait pas de banque de détail.
3- La finance de l'ombre (fonds d'investissement, hedge funds...) Cette partie immergée de l'iceberg est estimée à 100 000 milliards de dollars. Malheureusement la finance de l'ombre continue à échapper à toute régulation.
Quelles qu'aient été la portée et les résultats des réformes entreprises pour encadrer le monde de la finance, il ne fait aucun doute que les politiques d'austérité lancées après la crise de 2007-2008 et l'impunité des personnes qui en étaient responsables ont nourri le ressentiment contre les élites, de quoi alimenter les mouvements antisystème et le populisme en Europe et aux Etats-Unis. Sans surprise, ces mouvements prospèrent dans le sillage de la crise de 2008 et des politiques d'austérité qui ont suivi. La crise a rendu le discours des partis traditionnels inaudibles et leur politique pro-marché rejetés par ceux qui ont en payé le tribut le plus lourd. Les jeunes au chômage, les retraités dont les pensions ont été réduites à plusieurs reprises et tous les bénéficiaires des aides publiques (les investissements publics en zone euro sont passés de 4,5% du PIB en 2009, à 3,3% aujourd'hui) se sont tournés vers le populisme et les mouvements antisystème. Donald Trump, Boris Johnson, le duo Matteo Salvini-Luigi Di Maio, Victor Orban…, ne se sont pas privés de se pencher pour ramasser la mise.


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