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«De nouveaux monstres radicaux, d'impitoyables bêtes de Frankenstein, sont en gestation un peu partout dans le monde»
Publié dans Le Temps le 31 - 10 - 2018

Le terrorisme a de nouveau frappé en Tunisie, en plein cœur du centre-ville. Une femme kamikaze s'est en effet fait exploser à Tunis, à l'avenue Habib Bourguiba. Horreur ! Stupeur et incompréhension aussi. Interrogé à ce sujet, le Président de la République, livide, a déclaré quelques heures après cet attentat : « Nous croyions pouvoir venir à bout du terrorisme, mais en en vérité, inchallah que ce ne sera pas lui qui nous exterminera». Sur le terrorisme, la radicalisation, l'espoir déchu de la jeunesse arabe et l'avenir de la démocratie en Tunisie, Sebastien Boussois, docteur es-sciences politiques, spécialiste du monde arabe, chercheur associé au CPRMV (Centre de Prévention de la Radicalisation menant à la Violence) livre son analyse qui laisse, malheureusement, présager d'un futur sombre pour l'Humanité.
- Le Temps : Le terrorisme a encore frappé en Tunisie et n'a jamais vraiment cessé de le faire. Paradoxalement, ce thème semble avoir perdu de son intérêt depuis quelques temps et il n'est plus aussi largement évoqué, médiatisé. Pourquoi ?
Sebastien Boussois : C'est vrai que le terrorisme après avoir monopolisé les débats ne semble plus vraiment à l'ordre du jour aussi bien en Tunisie qu'ailleurs et c'est justement ce qui constitue toute la difficulté pour nous qui travaillons dans la prévention des dérives liés au radicalisme. Du moment où les gens ont considéré que Daesch était tombé, s'en était fini du problème et nombreux sont ceux qui ont cru qu'il ne se passait plus rien derrière. Or le drame est aussi là. Parce que si on remonte un peu le cours de l'Histoire, je ne crois pas que depuis la fin de la Guerre froide nous avons assisté à une disparition claire et nette des frustrations des jeunes et de l'instrumentalisation de cette frustration. Ca a été de pire en pire à chaque fois. Dernièrement, il y a eu Al Qaida et puis il y a eu Daech. Je suis d'ailleurs en train de travailler sur un livre intitulé « Daech est mort. Vive Daech ! Le big bang djihadiste ». S'en est jamais fini du terrorisme et ça a toujours tendu vers le pire. Malheureusement, aujourd'hui, on est dans ce sentiment d'être presque rassuré que Daech a presque disparu. Or on oublie par exemple qu'il y a la question des revenants, ces personnes qu'on va mettre dans des prisons et puis après ? La difficulté est la même aussi bien en Tunisie qu'en Europe. Aujourd'hui, on souffre partout d'un manque de prévention. On oublie aussi la question de ceux qui sont encore sur le terrain du djihad et qui vont être rapatriés sur d'autres terrains fertiles tels que l'Indonésie et les terres de BokoHaram. Ce sont des terreaux fertiles du djihadisme et je pense que nous sommes actuellement dans une phase de redistribution des cartes du djihadisme. On est dans une période de veille. Ce ne sera pas bien compliqué de ré-instrumentaliser la frustration des jeunes en temps voulu et de les transformer en ce que Fethi Ben Slama, psychalayste Franco-Tunisien résume ainsi: de personnes zéro à personnages héros. Aujourd'hui, tout est en veille. C'est en train de fermenter. Daech d'ailleurs continue de diffuser sa propagande sur internet. Plein de vocations sont malheureusement en train d'émerger. Des jeunes qui sont même désengagés continuent à être contactés via les groupes Telegram de radicalisation et d'information. C'est une vraie inquiétude que nous avons, nous qui travaillons dans le domaine de la prévention. On essaie de traiter ceux qui ont basculé et de les accompagner dans ce processus de désengagement notamment à travers la formation.
- Le raccourci islam-terrorisme persiste-t-il à ce jour ?
Oui, malheureusement. La politique européenne a concouru à une forme d'ostracisation de l'islam en résumant la radicalisation à l'islam. On en est malheureusement encore là. Or les radicalisations sont multiples. Elles sont certes liées, comme dit Donia Bouzar à certaines dérives sectaires de l'islam, mais aujourd'hui, il faut rappeler qu'on fait aussi face à une montée des jeunes radicaux d'extrême droite un peu partout en Europe. On a des milliers de jeunes qui sont en train de devenir de purs racistes fachistes néonazis. A qui vont-ils s'en prendre dans une montée des tensions et des blocs ? Aux musulmans bien évidemment. Ceci est une vraie inquiétude. Un peu partout dans le monde, de nouveaux monstres sont actuellement en gestation, de nouvelles bêtes de Frankenstein qui sont déjà en partie créées et qui sont ingérables, totalement incontrôlables. Je pense que tout jeune frustré qui n'a pas de repères fixes et qui n'a aucune stabilité dans sa vie peut facilement être déstabilisé, enrôlé et aisément être transformé en bombe humaine.
- Qu'est ce qui fait que les jeunes, notamment Tunisiens, soient aussi vulnérables ?
Aujourd'hui, la jeunesse en Méditerranée se retrouve dans une vraie impasse. En Tunisie par exemple, les niveaux scolaires des jeunes sont hors normes par rapport à d'autres pays arabes tels que la Palestine par exemple. Malheureusement, il n'y a pas de débouché. Des Mohamed Bouazizi, peut être que la Tunisie en avait des dizaines à l'époque, aujourd'hui il y en a plus, beaucoup plus.
Car il ne suffit pas d'offrir un excellent niveau d'accessibilité à l'éducation. Encore faut-il être en mesure de permettre à ces jeunes d'assurer une relève et une transition générationnelle. J'étais à Essaouira il y a quelques jours pour le Forum des jeunes leaders. J'ai discuté avec beaucoup de jeunes Marocains, Tunisiens, Algériens et Egyptiens. Tous voulaient continuer à croire au potentiel de leurs pays respectifs et voulaient se donner à fond pour assurer la relève. Malheureusement, beaucoup de ceux qui, à un moment, étaient impliqués dans le secteur associatif et dans le militantisme n'arrivent pas à basculer en politique car ils n'ont pas les codes et les réseaux. Ceci est un vrai problème. La jeunesse doit pouvoir accéder à l'espace public et politique. Les jeunes doivent pouvoir s'exprimer librement et être représentés par des représentants dans lesquels ils se retrouvent. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui et la relève générationnelle peine à prendre forme. Elle est déjà bien difficile et compliquée en Europe y compris pour les populations d'origines dites immigrées et elle l'est encore plus dans les pays arabes. Une des difficultés majeures pour la Tunisie aujourd'hui, c'est comment garder ses forces vives et éviter la fuite des cerveaux. Comment l'Europe peut-elle y contribuer ? Il faudrait dans ce cas mettre en place une coopération qui ne soit pas une coopération de déversement d'argent. Il faut absolument offrir aux jeunes des possibilités et des opportunités d'avenir. Aujourd'hui, nous faisons face à ce grand écart tragique entre la montée du niveau de diplômes de ces jeunes qui se retrouvent dans l'impasse et le manque de perspectives et d'opportunités. Ils ne savent absolument pas quoi en faire et c'est donc légitime qu'ils aient envie de partir, d'où les problèmes sans fin de la migration. C'est ce qui contribue également à la montée de l'islamisme et ce qui explique la vulnérabilité de ces jeunes.
- Il y a peu de temps, l'Ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d'Arvor, vous livrait lors d'un entretien: « C'est en Tunisie que se joue l'espoir des démocrates arabes et leurs pays». Partagez-vous son avis ?
D'abord, il est important de rappeler que sur l'ensemble des pays des printemps arabes tels qu'ils ont explosé et tels qu'ils se sont développés, la Tunisie est le seul exemple de "work in progress", de processus démocratisant en évolution globalement positive. Contrairement à d'autres pays dont certes sont totalement dévastés, la Tunisie a réussi en grande partie une transition en douceur de point de vue politique et constitutionnel avant tout. C'est-à-dire que les évolutions en termes de droits, de modernisation de la vie politique et publique, de lutte contre la corruption sont le fait unique du seul pays arabe aujourd'hui qui a une constitution libre. En revanche, là où le bât blesse, c'est la question des difficultés économiques et sociales. Je crois que ce que voulait dire l'Ambassadeur, c'est qu'on ne peut pas condamner, car tout n'est pas parfait en Tunisie à ce jour. On ne peut qu'encourager et soutenir. Mais évidemment, il ne faut pas nier l'évidence et se résigner à dire qu'il y a des difficultés. On ne peut, en effet, pas renier la question du chômage endémique des jeunes, celle de la montée de l'islamisme, des problématiques économique et sociale, de la diversification économique, celle des ressources ou encore de l'endettement de la Tunisie qui est historique depuis son indépendance. Autant de problématiques qui posent évidemment problème et qui pourraient, malheureusement, préempter et condamner les fruits de la révolution. C'est le cœur de la question, je pense. Donc, aujourd'hui, ce qui se passe en Tunisie est encourageant mais...
Propos recueillis par


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