D'ordinaire, les tartines arabisantes de Monsieur le Président ont, il faut dire, le mérite de faire sourire le Peuple. Ses airs robotiques, ses discours emphatiques, ses maladresses médiatiques ou ses coups de pompe en public, il arrive même que l'on trouve ça, tout compte fait… plutôt sympathique ! Populiste certes, maniaque parfois, godiche par moments, mais malgré tout sympathique. Dimanche soir, jamais la tartine présidentielle n'a paru, décidément, aussi antipathique. A chaud, l'on ne peut donc qu'être forcément déçu. Et pour cause ! Le bonhomme dispose pourtant d'un capital-sympathie, très au-dessus de la moyenne, pour ne pas dire dévastant ; comparé à ses « collègues » politiciens, et particulièrement les députés, véritables bêtes d'aversion des Tunisiennes et des Tunisiens. Côté idées, il en a même quelques-unes de subversives ; d'où, d'ailleurs, une certaine affinité partagée avec une jeune génération, en quête de renversements. Quant à la sincérité, l'on ne peut qu'approuver, chez lui, cette espèce de rondeur quasi-enfantine, qui réussit, à chaque fois, à lui faire pardonner les errements d'une improbable communication, menée, depuis le début, à la va-comme-je-te-pousse… A froid, justement, l'on se rend compte, tout bien considéré, de l'énorme gâchis, causé par cette épouvantable conduite de la Communication (avec un très grand « C » institutionnel), ce véritable talon d'Achille du président… Très forte est même la tentation de crier ouvertement à la rescousse de ce président, décidément très mal entouré, voire scandaleusement lésé par son propre entourage. Une occasion de se taire ? Descendre sur le terrain, se retrousser les manches et mettre bravement la main la pâte, le tout en se faisant filmer, n'est pas une mauvaise idée en soi, quand bien même elle pourrait sembler à certains, et à première vue, on ne peut plus populiste comme manœuvre. Mais en y repensant, le « message » censé être véhiculé (finalement, a-t-il été véhiculé ?) aurait pu refléter, malgré tout, une certaine image du président de la République, pas du tout incongrue, dans ce contexte de corona-calamité qui abat le pays. D'abord, l'image, forcément inspirante dans de telles circonstances, d'un président humble et généreux dans ses efforts, appelant noblement à la solidarité, en donnant ainsi l'exemple à ses Concitoyennes et à ses Concitoyens, dans le journal de 20 h, en sa qualité de «Premier Citoyen» de la République Tunisienne. Mais surtout et spécialement à une certaine frange très aisée, visiblement radine et donc réprimandée publiquement ces derniers temps par Fakhfakh et par lui-même. Ensuite, celle d'un président «musclé» et «vigoureux», -et un peu fanfaron ?- qui porte passionnément le fardeau de ses responsabilités et les vivres de son peuple sur son dos, en ces temps difficiles. Les karatékas, beaucoup plus musclés, dessinés en graffitis sur le mur de l'entrepôt, qui surveillent la scène en arrière-plan, font d'ailleurs sourire plus d'un ! Alors, si tout cela est nickel, pourquoi diable Kaïs Saïed se plait-il tant à se comparer à un califat d'un temps révolu ? Tiens donc, pour voler la vedette à Ghannouchi, lui asséner le coup de grâce en lui chipant, par là-même son propre électorat ? Bof ! Quoi qu'il en soit, on a l'impression qu'il aurait raté effectivement une occasion de se taire…