Associé à l'abstinence et au jeûne, le mois de ramadan que nous célébrons depuis vendredi 24 avril, est devenu, paradoxalement, le mois de la gastronomie par excellence, à travers le soin particulier qu'on met pour garnir le repas de rupture du jeûne, au coucher du soleil, avec les mets les plus fins et les plus savoureux de notre art culinaire. Quoique les gens s'en soucient peu, que d'ingéniosité avait-il fallu avoir et montrer pour donner le jour à tous ces plats délicieux dont nous nous régalons aujourd'hui dans le confort de nos intérieurs. L'un de ces mets appréciés par les tunisiens, spécialement en hiver mais aussi pendant le ramadan, est le potage aux vermicelles faites à la main appelés « hlalems » dans le parler tunisien, une préparation succulente à , base de bouts de pâte préparée de façon artisanale à partir de semoule, farine, d'huile et d'eau, et cuisinés en soupe piquante avec des tomates, oignons, féculents et viande séchée ou fraiche. Selon des connaisseurs de la tradition culinaire tunisienne, c'était une femme du bon vieux temps qui en eut l'idée en jouant avec son petit enfant. Elle pétrissait de la pâte pour le pain, alors que son petit enfant jouait près d'elle. Pour l'amuser, elle prenait de temps en temps un bout de pâte et le lançait dans sa direction. Après avoir fini sa tâche, elle ramassa les bouts de pâte et au lieu de les jeter à la poubelle, elle en fit une soupe assaisonnée des ingrédients à sa portée. Ainsi, les hlalems virent le jour. Leur nom serait le pluriel du mot « helma » qui désigne le bout du sein. La charmoula sfaxienne, car il y a une charmoula djerbienne, algérienne et marocaine, vit le jour dans des circonstances moins gaies, suite au naufrage d'une embarcation montée par des marins grecs près des côtes sfaxiennes. Seul survivant de l'accident, un nommé Korolos Moulas, mourant de faim, se servit des raisins secs et de quelques oignons retrouvés dans l'épave de l'embarcation pour en préparer une sorte de purée, premier plat de charmoula (carolos moula) dans l'histoire que notre marin mangea goulument , en l'accompagnant avec quelques poissons salés. Mais l'existence de ce met à Djerba, en Algérie et au Maroc, laisse supposer qu'il s'agit plutôt d'un ancien met berbère. Ainsi, le hasard et la nécessité sont derrière les découvertes et les inventions humaines, ce que les spécialistes confirment d'ailleurs, comme en ce moment où les efforts des hommes sont concentrés sur la recherche d'un vaccin, ou à défaut, d'un traitement efficace contre le nouveau coronavirus.