C'est un jeu dangereux qu'est en train de jouer le mouvement islamiste Ennahdha. Malgré le nombre de portefeuilles ministériels dans sa gibecière, elle tente de pousser le chef du gouvernement à élargir « la ceinture politique de l'exécutif », pour y inclure Qalb Tounès qui s'avère, de plus en plus, acquis à sa cause, bien qu'il se dise ne pas être intéressé par une participation au gouvernement. Pourtant, Elyès Fakhfakh a apposé un niet catégorique aux visées de Rached Ghannouchi. Il est clair que le mouvement islamiste veuille démontrer qu'il n'est pas, seulement, la première force du pays, mais qu'il est la force dominante qui impose, avec des ordres à peine voilés qu'il est le seul maître à bord. Pourtant ce manège ne présage rien de bon, au vu de la fragilité de ce gouvernement et des conflits qui tournent autour de lui. Pour détourner l'attention de ses détracteurs, au sein même de son parti, et pour se montrer indispensable, Rached Ghannouchi multiplie, avec l'aide du bureau exécutif de son parti, les appels pour l'élargissement du gouvernement. Son objectif est de prouver, peut-être qu'il est « indispensable » et qu'il est le seul qui peut préserver les acquis d'Ennahdha, sur la scène politique. Le chef islamiste –qui ne joue que pour son parti, adviendra que pourra- veut marquer, aussi, des points face à son adversaire pour le pouvoir, le président de la République Kaïs Saïed, qui n'a pas cessé de l'acculer dans ses derniers retranchements. Tout cela, bien sûr, sans oublier les coups de boutoirs du Parti destourien libre (PDL) d'Abir Moussi qui sont, vraiment, gênant pour lui. Ainsi, la bataille qu'il mène sur deux fronts, bien qu'il sache, clair comme de l'eau de roche, qu'elle ne mènera le pays que vers la désastre, est la seule issue pour lui, afin d'obtenir le soutien de Qalb Tounès dont le nombre de députés reste important, mais qui n'est plus suffisant pour lui donner une majorité, certes, encore insuffisante, mais qui ouvrira la voie au ralliement d'autres hésitants qui espèrent obtenir de nouveaux privilèges. D'autre part, il cherche à faire taire ses détracteurs qui deviennent de plus en plus nombreux au sein de son parti où il commence à être isolé dans son « Conseil de la Choura ». Même s'il n'obtient pas gain de cause, cela va lui permettre, au moins, de gagner du temps, pour ne pas organiser le congrès du mouvement. Le bureau exécutif du Mouvement Ennahdha a jugé vendredi "indispensable" d'élargir la ceinture politique du gouvernement pour opérer les réformes nécessaires et faire face aux revendications socio-économiques dans le cadre d'un large consensus national. "Le mouvement Ennahdha est pleinement persuadé que la Tunisie a plus que jamais besoin d'un élargissement de la ceinture politique de l'Exécutif", a souligné le parti dans un communiqué rendu public à l'issue de la réunion jeudi de son bureau exécutif. Le mouvement Ennahdha a appelé les forces vives de la nation à soutenir le gouvernement et à lui offrir l'opportunité pour relever les différents défis qui pointent à l'horizon, saluant, dans ce sens, les efforts consentis par le gouvernement, durant les 100 premiers jours de son mandat. Dans le même sillage, le mouvement a appelé à privilégier le dialogue entre les différentes parties politiques et organisations nationales, afin de parvenir à mettre en place un nouveau plan de relance économique. "Le dialogue est le seul moyen pour sortir de la crise qui secoue le pays", a encore insisté cette formation politique, appelant à mobiliser toutes les ressources offertes pour assurer la paix civile, la solidarité nationale, et l'unité du peuple. En parlant de crise, c'est bien sûr Rached Ghannouchi qui est en train de l'alimenter, parce qu'il a mal choisi son moment, avec le pays qui engage le combat pour le redressement économique et qu'il tente de redresser la barre, au cours de cette période post-Covid. Le harcèlement engagé par le chef du mouvement islamiste n'est pas de nature à laisser travailler le gouvernement dans la sérénité. Pire encore, il crée une animosité entre les partis de la coalition au pouvoir et donne de la matière aux critiques du PDL qui a engagé une bataille à mort avec les « khouanjias ». Il est certain que c'est un coup de poker perdant pour le mouvement islamiste qui va laisser des plumes. Malheureusement, il risque d'emporter le pays dans le sillage, avec des perspectives dont nul ne sait où ils vont le conduire. Après plus de dix ans en selle, sans dire qu'il l'est vraiment, toujours à cheval entre le pouvoir et l'opposition, Ennahdha continue à naviguer à vue, à cheval, aussi, entre ses principes islamistes et sa nostalgie de la période de la Khilafa, d'un côté, et sa volonté d'être le principal acteur politique au service de la patrie et de son avenir. Ce qui est malencontreux, c'est que, se sentant fort, le mouvement islamiste ne veut pas abandonner son péché mignon.