Le Temps-Agences - La France, qui a lancé il y a sept mois une médiation pour aider à mettre un terme à la paralysie politique libanaise, est selon les experts désormais prise au piège d'une négociation qu'elle a elle-même réussi à faire accepter par les parties. L'élection présidentielle libanaise, qui devait avoir lieu hier, a été reportée pour la onzième fois, l'opposition prosyrienne refusant d'amender la constitution et réclamant de discuter aussi de la composition du futur gouvernement, ce que refuse la majorité antisyrienne. "Les Français ont trouvé deux camps qui s'affrontaient et les ont convaincus de la nécessité de négocier : ils ont ainsi amorcé un processus qui peut être très long", explique Paul Salem, du Centre Carnegie pour le Proche-Orient basé à Beyrouth. "L'initiative française est victime de son succès", dit-il. Consciente du rééquilibrage opéré par la France, qui a décidé de parler à la Syrie, la majorité antisyrienne a accepté la candidature à l'élection présidentielle du chef de l'armée, Michel Sleimane, candidat acceptable pour les Syriens. Or, "cela a été perçu comme une faiblesse", relève Joseph Maïla, du Centre de recherche sur la paix à l'Institut catholique de Paris. "Les Syriens disent maintenant : qu'est-ce que vous nous donnez pour qu'on accepte Sleimane ?" "Du point de vue des Syriens, le temps joue en leur faveur", relève Paul Salem, estimant que les négociations peuvent très bien "se poursuivre en 2008 et même en 2009". La question du coût politique pour la France d'un enlisement, dans un pays où elle a conservé une certaine influence, est posée. "De report en report (...), nous avons reculé plus qu'avancé", a reconnu le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner le 16 décembre tout en faisant valoir qu'il n'y avait pas eu "de désastre pour le moment". "La France a fait ce qu'elle a pu", avait-il estimé quelques jours auparavant. Le président Nicolas Sarkozy avait ensuite dépêché à Damas le secrétaire général de la présidence Claude Guéant, son conseiller diplomatique Jean-David Levitte et appelé son homologue syrien Bachar Al-Assad. Pour la majorité antisyrienne, cette rupture avec la ligne de l'ancien président français Jacques Chirac, qui avait suspendu les contacts de haut niveau avec la Syrie après l'assassinat de son ami Rafic Hariri en 2005, a ravivé l'influence de la Syrie chez son petit voisin. "La médiation française a rétabli le rôle de négociateur influent de la Syrie" au Liban, affirmait récemment un député de la majorité, Samir Frangié.