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«La vraie vie» d'Adeline Dieudonné
Publié dans Le Temps le 14 - 08 - 2020

C'est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Chez eux, il y a quatre chambres. La sienne, celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. La mère est transparente, amibe craintive, soumise aux humeurs de son mari. Le samedi se passe à jouer dans les carcasses de voitures de la décharge. Jusqu'au jour où un violent accident vient faire bégayer le présent. D'une plume drôle et fulgurante, Adeline Dieudonné campe des personnages sauvages, entiers. Un univers acide et sensuel. Dans ‘'La vraie vie ‘' elle signe un roman coup de poing.
Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière. Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l'autre. La vraie. Alors, en guerrière des temps modernes, elle retrousse ses manches et plonge tête la première dans le cru de l'existence. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l'espoir fou que tout s'arrange un jour.
Echapper à la réalité, remonter le temps pour effacer tout et « retrouver le rire de Gilles, ses dents de lait, ses grands yeux verts... », c'est le but de la jeune fille. Comme découvrir la vraie vie, surmonter ses angoisses et avoir le courage d'être soi, même si la violence de son père, la passivité de sa mère, la sidération muée en psychose de son frère semblent vouloir en décider autrement.
La survie en milieu hostile, le milieu familial et naturel s'entend, sujet très en vogue qui trouve ici un traitement digne d'un vrai roman noir ou d'un conte pour enfants pas sages. Habilité suprême d'Adeline Dieudonné qui parle de culpabilité, de parents toxiques, du désir, de l'envie de sauver ceux qu'on aime, avec un brin d'humour et beaucoup de finesse sans nous imposer les poncifs de rigueur.
Dans le flot des romans de la rentrée, un ton et une puissance assez inédits pour être soulignés qui laissent présager un bel avenir à cette jeune auteure.
La vraie vie rêvée d'une enfant de dix ans
« Les histoires, elles servent à mettre dedans tout ce qui nous fait peur, comme ça on est sûr que ça n'arrive pas dans la vraie vie »
Lorsqu'on a dix ans, qu'on est encore une petite fille vivant avec son père, sa mère et son petit frère de six ans, dans un lotissement paisible à la périphérie de la ville, les journées défilent, tranquilles, rythmées par le passage du glacier et son arrivée en fanfare, symboles de joie et de plaisirs sucrés.
La vraie vie, c'est celle que l'on voudrait avoir, une vie rêvée. Dans un lotissement où les gens ne seraient pas aussi gris que les maisons. Dans une habitation, où chacun aurait sa chambre, c'est bien, mais sans une chambre particulière pour les cadavres. Ces trophées que ramènent son père, à la fois chasseur et braconnier.
Dans la vraie vie rêvée d'une enfant de dix ans, le drame tragique n'existe pas, et surtout, si celui-ci doit arriver on ne reste pas livrée à soi-même, un petit frère à gérer pendant que son père, entre deux crises de violences, boit devant la télé ou écoute Claude Francois les larmes aux yeux, ni pendant que sa mère, entre les courses et les repas à préparer ne reste pas silencieuse, telle « une amibe », inexistante, telle « un vase », et manifesterait plus d'amour à ses enfants qu'à ses chèvres.
Avec pour seules occupations, les visites de la casse d'à côté, ce « cimetière de métal », et cette voisine un peu fantasque, c'est aussi tout un monde plein de promesses que l'on peut s'inventer, un monde dans lequel seuls resteraient les meilleurs moments de l'enfance.
Entre poésie de l'enfance et drame social, Adeline Dieudonné réussit le tour de force d'imprimer à son premier roman une atmosphère où l'étrange se mêle à une réalité désespérée.
Pour le sourire de son frère Gilles, on suit l'évolution, et le combat, de cette petite fille sur cinq étés consécutifs, qui ne rêve que de garder encore un peu de cette magie innocente de l'enfance.
Véritable Marie Curie en herbe, la science sera son refuge.
« Les lois de la temporalité » l'aideront-elles à maîtriser la chimie des corps et la physique des sentiments qui l'attendent.
Roman initiatique revêtu d'une noirceur sociale, une sorte de poésie macabre, dans lequel on sent le drame poindre à chaque page.
Une écriture parfaitement maîtrisée qui ne vous laissera pas de marbre.
« La réalité sauvage de la chair et du sang, de la douleur et de la marche du temps, linéaire, impitoyable. », mais « l'avenir veille sur toi », petite....
Un style unique
Avant même d'évoquer le chemin de vie et le courage extraordinaires de cette jeune narratrice de 10 ans, c'est tout d'abord du style captivant d'Adeline Dieudonné dont je souhaiterais vous parler.
Des phrases courtes, des phrases sans verbe. Des échanges de regards, des ressentis, des personnages qui échangent peu ou pas du tout. Des points de suspension....
Et la magie opère.
L'auteure traduit les émotions, la violence, la peur, et toute l'ambiance familiale avec un tel brio que les images du film apparaissent instantanément à la lecture !
J'ai été saisie dès les premières lignes et j'ai plongé tête la première, sans retenue aucune dans l'histoire, cette histoire tragique.
La violence inonde cette famille. La violence du père qui conserve ses trophées de chasse dans une pièce dédiée, interdite. La violence du père qui souffre. La violence du père qui bat la mère. La violence subie par la mère. La violence du choc inouï subi par les enfants qui, incrédules, assistent à l'explosion du visage du glacier alors qu'il leur préparait leurs glaces habituelles.
Et en écho, la violence subie en d'autres temps par d'autres femmes, et par celle qui leur venait en aide ...
Le lecteur est absorbé dans une spirale, secoué, confronté à toutes les violences évoquées plus haut, et ne reprend son souffle qu'au dénouement final, magistral !


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