Cécile Bonnet vit et travaille en Tunisie où elle enseigne la langue française. Dans une vie antérieure, elle est allée à la rencontre du vaste monde et raconte son aventure dans un livre attachant. Est-ce un roman ou un conte de fées, une histoire vraie ou un rêve impossible? Pour Cécile Bonnet, "Abracadabra" tient à la fois du récit de voyage et du roman d'aventures. Un éloge de la lenteur L'auteure préfère en effet parler d'un "conte moderne" qui serait écrit par "une rêveuse autour du monde. Comme on dit "road movie" pour ces films qui se déploient entre routes et paysages, on pourrait parler de "road book" pour cet ouvrage qui appartient tout autant à la catégorie en vogue du "travel writing" qu'à celle plus classique du journal de bord. Dans ce livre subtilement subdivisé en 80 pas, Jules Verne et Saint-Exupéry ne vous quittent presque jamais. Ainsi chacun des chapitres du livre s'ouvre avec une exergue citant le "Petit Prince" alors que les quatre-vingt séquences qui composent l'ouvrage évoquent le fameux "Tour du monde de l'auteur de "Michel Strogoff". Du Pacifique à l'Atlantique, de l'Australie à l'Amérique latine, de la Nouvelle-Orléans à la Chine, Cécile Bonnet bourlingue à tout va, à l'image d'un Paul Morand ou d'un Joseph Conrad. Elle nous fait partager ses impressions de voyage mais aussi des réflexions rétrospectives qui éclairent le lecteur sur son propre cheminement ainsi qu'à propos des motivations profondes qui l'ont menée à voyager autour du monde. Beaucoup de bonheur se dégage de ce livre où la joie de la découverte est aussi un chemin vers soi ainsi qu'une tension aimante vers l'autre. Ce livre est également le récit d'un émerveillement permanent. Avec des mots choisis, Bonnet laisse remonter ses sensations, ses réminiscences et l'ivresse du voyageur. Sans jamais prendre l'avion, elle réalise son périple comme passagère sur des cargos au long cours, sur des routes ferroviaires extraordinairement difficiles et au hasard des rencontres. Cela donne en filigrane du récit, un éloge de la lenteur et des lumières changeantes où l'on ne se baigne jamais deux fois. L'émerveillement en bandoulière Très inspirée, Cécile Bonnet écrit "Ce voyage, c'est ma baguette magique. Ou mon chapeau d'illusionniste. Ma lampe d'Aladdin. Peu importe, la magie est là." Les pages de ce récit sont de cette eau précieuse, parfois rimbaldienne, toujours contemplative. Cet "abracadabra" initial ouvre grandes les portes de la perception et nous fait passer de l'autre côté du miroir. Au fond, la narratrice, entre Bali et Mongolie, dans les méandres du monde, est bien une Alice qui abolit le quotidien et embrasse la vie des routards, ces vagabonds célestes gravitant autour de la beauté du monde. Chaque page de ce livre est un régal, un moment de proximité avec l'auteure et, un voyage virtuel et passionnant. L'ouvrage est paru en 2018 chez Librinova et relate un périple entrepris l'année précédente, sans avion, seule avec son sac-à-dos, les yeux grand'ouverts et l'émerveillement en bandoulière. À lire absolument pour conjurer confinement et immobilité et aussi pour rêver à sa propre partition.