Une appli pour tout calculer : vos impôts désormais sur smartphone    Dettes impayées et incertitudes juridiques : les pharmaciens disent stop    Zoubeida Khaldi: Le dernier fantôme    Prix Abdelwaheb Ben Ayed de la Littérature 2025 : lauréats de la 5ème édition    Qui dirigera le match Tunisie – Palestine en Coupe d'Arabie ?    La sélection tunisienne féminine de handball marque l'histoire : 1ère qualification au tour principal Mondial 2025    Alerte météo en Tunisie : orages et vents violents prévus aujourd'hui    Article 69 : le garde-fou qui protège les caisses de l'Etat tunisien    C'est quoi le Kéfir de Délice ? Digestion, Immunité, Energie ?    Qui peut désormais ouvrir un compte en devises en Tunisie ?    Immigration stoppée : les Etats-Unis ferment la porte à 19 pays    Des élections au Comité olympique tunisien    Crise dans le secteur des pâtisseries : la Chambre nationale tire la sonnette d'alarme    Ciné-Musée 2025 : un programme culturel riche entre Sousse et Tozeur    Le Prix Aboul Kacem Chabbi 2025: Un hommage à la Palestine    LG accorde une licence de ses brevets Wi-Fi à Amazon    JCC 2025 : Les films en compétition aux Journées Cinématographiques de Carthage dévoilés (listes)    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Météo en Tunisie : pluies éparses attendues le soir sur le nord    Décès de Nizar Cheikh Rouhou, président de la Chambre nationale des agents immobiliers    Tetra Pak nomme Haithem Debbiche au poste de DG pour la région Maghreb et Afrique de l'Ouest    Paul Klee, la lumière d'Ez-Zahra et la naissance d'un univers pictural    Calendrier des examens scolaires 2025-2026 en Tunisie pour les collèges et lycées    Match Tunisie vs Syrie : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 01 décembre?    Samir Samaâli: Le ruban rouge, la stigmatisation et l'ombre des préjugés    Météo en Tunisie : temps nuageux, températures entre 14 et 20 degrés    Fierté tunisienne : Wafa Mahjoub sur le podium mondial    Match Tunisie-Syrie : où regarder la rencontre en direct ?    Mohamed Ali Nafti représente la Tunisie aux forums africains sur la paix et la justice    Matchs de la Tunisie lors de la Coupe Arabe Qatar 2025 et les primes en jeu    Rapport APT d'ESET : une guerre silencieuse entre puissances numériques (Avril-Septembre 2025)    Inondations et glissements meurtriers frappent la région : des dizaines de morts    Choc : Trump réexamine les cartes vertes de migrants de 19 pays, dont 4 arabes !    nouvelair lance sa promo Black Friday: 30% de réduction sur tout son réseau    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Tunisie Telecom, acteur clé d'une IA responsable et compétitive    Chine: L'Orient du développement, modèle d'avenir pour le Sud ?    L'artiste tunisienne Bochra Mohamed est décédée    Ghalia : la chanson qui secoue la Tunisie contre les violences faites aux femmes    Hommage à René Passet, pionnier de l'approche transdisciplinaire en économie et le développement durable    Elyes Ghariani: L'Union européenne à l'épreuve des nouvelles dynamiques sécuritaires    Les nouveaux ambassadeurs du Burkina Faso, du Liban et des Etats-Unis d'Amérique présentent leurs lettres de créances au Président Kais Saied (Vidéo et album photos)    Khadija Taoufik Moalla - Dépasser la notion de "race": vers une humanité réconciliée    Le jour où: Alya Hamza...    Ridha Bergaoui: Des noix, pour votre plaisir et votre santé    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La poésie pour voir et aimer la vie en doses !
Publié dans Le Temps le 16 - 11 - 2020

Les familiers de sa production poétique peuvent, sans risque de se tromper, considérer que depuis ses débuts, Mansour Mhenni n'écrit que des "petits poèmes en dose".
Tous ses recueils peuvent s'intituler, comme le tout dernier, Petits poèmes en dose. Avant même d'initier le concept de la nouvelle brachylogie, de repenser et de revaloriser le bref, le court et le petit dans la plupart des champs de la connaissance et de la production humaine, Mansour Mhenni faisait la part belle à la brièveté comme manière d'être, de penser et de créer. Le bref, c'est finalement, comme le dit Alain Montandon dans une formule séduisante sur la pensée et l'écriture de Baltasar Gracian, " le plaisir de découvrir en un corps si petit, une âme si grande".
Il n'y aurait peut-être aucune originalité à préciser que le titre Petits poèmes en dose reprend à un mot près celui de Baudelaire dans Le Spleen de Paris. Et c'est ce mot de différence et d'écart justement qui autorise un rapprochement moins formel avec l'auteur des Fleurs du mal, dans la mesure où, en parlant de dose, Mhenni renvoie peut-être son lecteur aux Paradis artificiels, l'essai de Baudelaire sur le rapport entre la consommation des stupéfiants et la création poétique. L'allusion aux Alcools d'Apollinaire n'est pas à exclure, non plus. Ni d'ailleurs le renvoi implicite aux poètes Aboû Nawâs et Omar El Khayyam, et à travers eux, à tous les poètes arabes ou autres qui ont célébré le vin et l'ivresse dans leurs œuvres respectives. C'est, semble-t-il, une filiation, une parenté, un lignage et un héritage que le titre de Mhenni affirme et revendique.
Revenons à l'épithète "petits" antéposée dans le titre de Baudelaire et dans celui de Mhenni. Si les dictionnaires s'accordent à définir le petit comme l'antonyme du grand, Mansour Mhenni, lui, désigne le "très petit" comme "un autre infini" (Bric-Brac 1, p.10). Très souvent, chez lui, le petit dissimule une profondeur insondable comme "ce petit doigt qui vous écrit" (Bric-Brac 5 p. 14) ou ce "tout petit baiser" qui peut se blesser en effleurant "un bout de soie vermeil" (Bric-Brac 3, p. 12), ou encore ces "petits graphèmes" à "rêver de travers/sur un beau lit au goût pervers" (Bric-Brac 7, p. 16). Petitesse est richesse chez Mhenni, et ivresse de sens et des sens. Pour pasticher Victor Hugo qui écrit dans La Légende des siècles que "la poésie est un monde enfermé dans un homme", nous dirions que chez Mhenni "le petit, le court, le bref sont des mondes enfermés dans d'infimes doses de vie, de rêve et de poésie.
Il s'agit sans doute de cette poésie en doses qui "raconte/la vérité de l'être" tout en figurant "l'absurdité d'un être" (Aphorème, p. 103). Selon la même logique, l'individu, le poète en l'occurrence, ne doit se percevoir que comme "un bref instant sur le roc millénaire" (Aphorismes en série, p. 110). Pour reprendre la notion de dose, disons tout de suite que tout est livré en doses dans le recueil de Mhenni : petits poèmes en dose, mais aussi petits aphorismes en dose, petites vérités en doses, petits plaisirs en doses, petits graphèmes en doses, petits ver(re)s en dose, petits rêves en doses, petits mirages en doses. Autrement dit, il n'est fourni et consommé dans le recueil que la dose qui enivre sans tuer. Il n'est nulle part question d'overdose ! Et gare au "dégoût de pleine dose" (Fosse-book, p. 37).
Au lecteur de boucher les trous, de remplir les blancs laissés sciemment par le poète : "la brièveté, écrit Montandon, exige de la part du lecteur une plus grande attention et imagination, car il doit lui-même participer activement. Plus l'énonciation est concise et plus l'effort demandé au lecteur est grand." En définitive, la dose est ici à entendre dans le sens médical et "posologique" –si l'on peut dire- du terme ! : c'est comme si, pour appréhender le monde et l'existence, le poète se servait à chaque fois d'une mesurette pour ne pas dépasser la dose prescrite. C'est que la poésie brachylogique est précisément cette "autre évaluation des dimensions et des mesures" qui évite les excès et les déséquilibres, les injustices également pour faire prévaloir l'éthique et la pratique du partage.
Une certaine amertume empreint les vers du poète en plusieurs endroits du recueil. Mais l'ensemble reste optimiste et, au milieu de cette Poésie/Nécrose de la prose" (p. 73), "dans l'imberbe soirée par une nuit villeuse" (p. 83), "dans la folie vineuse au fond d'un trou vireux"(p. 73), peut poindre la vie, le jour, un soleil, le sourire :
" ce bouquet de couleurs
Comme une fin de stance
Et comme une naissance (Célébration, p. 73)
Les poèmes dédiés à l'enfance, aux amours pubères, aux beautés féminines, aux cités bien-aimées, au passé glorieux, s'inscrivent dans un souci d'égayer le paysage dominant. La famille lexicale de vivre et celle d'aimer résistent à toutes celles qui évoquent mort, solitude et désolation. Sur le plan sonore, la musique de la plupart des poèmes oscille entre douce mélancolie et discrète gaieté. Sans être ni trop lyrique, ni trop distant et trop lucide, Mansour Mhenni distille des petites mélodies en dose qui le racontent lui, et qui racontent en même temps le monde et la vie tels qu'il les perçoit ou les rêve. La note finale autorise des lueurs d'espoir sous le ciel du terne "printemps arabe" : dans le tout dernier poème du recueil intitulé significativement "Adem" (p.127), le poète ose croire en la possibilité de "refaire le monde"
Adem, mon petit-fils/ Tu nous refais le monde/ Tu nous refais un monde/ Qui dans tes traits s'esquisse/ Se dessine et se tisse/ Comme un chant un poème/ Où les lettres qui s'aiment/ De leur eau nous nourrissent/ Et nous refont un mot/ Qui nous refait le monde
D'autre part, le poète grand-père ne s'empêche pas de s'amuser avant le grand départ : les douze bric-brac qui ouvrent Petits poèmes en dose, et que Mhenni qualifie de "Bricolages brachylogiques sur des mots de heurts et de bonheurs", attestent une envie secrète de retrouver l'enfance, la sienne et celle des mots, et également une vitalité intacte de création même au crépuscule de l'existence. Petits jeux en dose, par conséquent, qui permettent de voir et d'aimer en rose la vie en dose.
B.B.H


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.