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La poésie pour voir et aimer la vie en doses !
Publié dans Le Temps le 16 - 11 - 2020

Les familiers de sa production poétique peuvent, sans risque de se tromper, considérer que depuis ses débuts, Mansour Mhenni n'écrit que des "petits poèmes en dose".
Tous ses recueils peuvent s'intituler, comme le tout dernier, Petits poèmes en dose. Avant même d'initier le concept de la nouvelle brachylogie, de repenser et de revaloriser le bref, le court et le petit dans la plupart des champs de la connaissance et de la production humaine, Mansour Mhenni faisait la part belle à la brièveté comme manière d'être, de penser et de créer. Le bref, c'est finalement, comme le dit Alain Montandon dans une formule séduisante sur la pensée et l'écriture de Baltasar Gracian, " le plaisir de découvrir en un corps si petit, une âme si grande".
Il n'y aurait peut-être aucune originalité à préciser que le titre Petits poèmes en dose reprend à un mot près celui de Baudelaire dans Le Spleen de Paris. Et c'est ce mot de différence et d'écart justement qui autorise un rapprochement moins formel avec l'auteur des Fleurs du mal, dans la mesure où, en parlant de dose, Mhenni renvoie peut-être son lecteur aux Paradis artificiels, l'essai de Baudelaire sur le rapport entre la consommation des stupéfiants et la création poétique. L'allusion aux Alcools d'Apollinaire n'est pas à exclure, non plus. Ni d'ailleurs le renvoi implicite aux poètes Aboû Nawâs et Omar El Khayyam, et à travers eux, à tous les poètes arabes ou autres qui ont célébré le vin et l'ivresse dans leurs œuvres respectives. C'est, semble-t-il, une filiation, une parenté, un lignage et un héritage que le titre de Mhenni affirme et revendique.
Revenons à l'épithète "petits" antéposée dans le titre de Baudelaire et dans celui de Mhenni. Si les dictionnaires s'accordent à définir le petit comme l'antonyme du grand, Mansour Mhenni, lui, désigne le "très petit" comme "un autre infini" (Bric-Brac 1, p.10). Très souvent, chez lui, le petit dissimule une profondeur insondable comme "ce petit doigt qui vous écrit" (Bric-Brac 5 p. 14) ou ce "tout petit baiser" qui peut se blesser en effleurant "un bout de soie vermeil" (Bric-Brac 3, p. 12), ou encore ces "petits graphèmes" à "rêver de travers/sur un beau lit au goût pervers" (Bric-Brac 7, p. 16). Petitesse est richesse chez Mhenni, et ivresse de sens et des sens. Pour pasticher Victor Hugo qui écrit dans La Légende des siècles que "la poésie est un monde enfermé dans un homme", nous dirions que chez Mhenni "le petit, le court, le bref sont des mondes enfermés dans d'infimes doses de vie, de rêve et de poésie.
Il s'agit sans doute de cette poésie en doses qui "raconte/la vérité de l'être" tout en figurant "l'absurdité d'un être" (Aphorème, p. 103). Selon la même logique, l'individu, le poète en l'occurrence, ne doit se percevoir que comme "un bref instant sur le roc millénaire" (Aphorismes en série, p. 110). Pour reprendre la notion de dose, disons tout de suite que tout est livré en doses dans le recueil de Mhenni : petits poèmes en dose, mais aussi petits aphorismes en dose, petites vérités en doses, petits plaisirs en doses, petits graphèmes en doses, petits ver(re)s en dose, petits rêves en doses, petits mirages en doses. Autrement dit, il n'est fourni et consommé dans le recueil que la dose qui enivre sans tuer. Il n'est nulle part question d'overdose ! Et gare au "dégoût de pleine dose" (Fosse-book, p. 37).
Au lecteur de boucher les trous, de remplir les blancs laissés sciemment par le poète : "la brièveté, écrit Montandon, exige de la part du lecteur une plus grande attention et imagination, car il doit lui-même participer activement. Plus l'énonciation est concise et plus l'effort demandé au lecteur est grand." En définitive, la dose est ici à entendre dans le sens médical et "posologique" –si l'on peut dire- du terme ! : c'est comme si, pour appréhender le monde et l'existence, le poète se servait à chaque fois d'une mesurette pour ne pas dépasser la dose prescrite. C'est que la poésie brachylogique est précisément cette "autre évaluation des dimensions et des mesures" qui évite les excès et les déséquilibres, les injustices également pour faire prévaloir l'éthique et la pratique du partage.
Une certaine amertume empreint les vers du poète en plusieurs endroits du recueil. Mais l'ensemble reste optimiste et, au milieu de cette Poésie/Nécrose de la prose" (p. 73), "dans l'imberbe soirée par une nuit villeuse" (p. 83), "dans la folie vineuse au fond d'un trou vireux"(p. 73), peut poindre la vie, le jour, un soleil, le sourire :
" ce bouquet de couleurs
Comme une fin de stance
Et comme une naissance (Célébration, p. 73)
Les poèmes dédiés à l'enfance, aux amours pubères, aux beautés féminines, aux cités bien-aimées, au passé glorieux, s'inscrivent dans un souci d'égayer le paysage dominant. La famille lexicale de vivre et celle d'aimer résistent à toutes celles qui évoquent mort, solitude et désolation. Sur le plan sonore, la musique de la plupart des poèmes oscille entre douce mélancolie et discrète gaieté. Sans être ni trop lyrique, ni trop distant et trop lucide, Mansour Mhenni distille des petites mélodies en dose qui le racontent lui, et qui racontent en même temps le monde et la vie tels qu'il les perçoit ou les rêve. La note finale autorise des lueurs d'espoir sous le ciel du terne "printemps arabe" : dans le tout dernier poème du recueil intitulé significativement "Adem" (p.127), le poète ose croire en la possibilité de "refaire le monde"
Adem, mon petit-fils/ Tu nous refais le monde/ Tu nous refais un monde/ Qui dans tes traits s'esquisse/ Se dessine et se tisse/ Comme un chant un poème/ Où les lettres qui s'aiment/ De leur eau nous nourrissent/ Et nous refont un mot/ Qui nous refait le monde
D'autre part, le poète grand-père ne s'empêche pas de s'amuser avant le grand départ : les douze bric-brac qui ouvrent Petits poèmes en dose, et que Mhenni qualifie de "Bricolages brachylogiques sur des mots de heurts et de bonheurs", attestent une envie secrète de retrouver l'enfance, la sienne et celle des mots, et également une vitalité intacte de création même au crépuscule de l'existence. Petits jeux en dose, par conséquent, qui permettent de voir et d'aimer en rose la vie en dose.
B.B.H


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