«Brotherhood» (26') de Meryam Joobeur était au programme des JCC 2020. Ce court métrage de 26' mêle le sang et le sel... «Brotherhood» de la réalisatrice Meryam Joobeur se joue tout en opposition, et ce, à différents niveaux. L'histoire du retour de Malek, qui a fui en Syrie pour échapper à la chape de plomb que lui imposait son père, et avec l'espoir d'y trouver un accomplissement, et qui revient au pays avec une jeune fille qu'il a épousée, peut être lu de manière symétrique. La symétrie, même si elle n'est pas parallèle, se trouve entre le premier degré et le second de lecture, en l'occurrence entre les images que l'on voit à l'écran et les idées véhiculées. Dès le premier plan, cette double lecture s'impose aux spectateurs ; un plan dans lequel on voit des ovins, d'abord des agneaux puis des moutons, qui s'enfuient. La première lecture donne le plan de situation : l'histoire se situe en milieu rural. La seconde lecture va s'imposer au fur et à mesure du déroulement de l'action. Les agneaux représentent les enfants et les moutons les parents qui s'enfuient leurs obligations, mais, aussi et surtout, en imagé, les personnes qui obéissent sans réfléchir comme des moutons de Panurge. Le court métrage continue ainsi les doubles sens. Quand le père dit à son cadet «le loup ne pardonne pas. Elle va finir putréfier», en parlant d'une brebis qui s'est, apparemment, égarée et blessée, et qu'il tend le couteau à son fils pour que ce dernier l'égorge, c'est très symbolique. Cette brebis égarée et blessée représente l'aîné parti en Syrie -donc pour son père une brebis égarée- et revenu blessé au plus profond de lui. D'ailleurs, Malek demandera, à un moment, à son frère de promettre de ne pas aller en Syrie lui aussi. Le père égorgera symboliquement son aîné en le dénonçant à la police. Le sang de la brebis qui a taché sa chemise quand il l'a transportée sur son cou est la présence visuelle de l'hémoglobine, mais aussi l'annonce de ce qui va suivre, même si la présence du sang devient, alors, symbolique. Kebda Très symbolique aussi quand la mère coupe le foie -«el kebda»- de la bête. Tout le monde sait qu'en nombre de pays arabes «el kebda» signifie, pour une mère, son enfant ou ses enfants. Ce n'est pas son enfant qu'elle découpe ainsi, mais symbolique sa «kebda» à elle, sentant que son mari essaye de la séparer de son fils comme la fait la guerre en Syrie. C'est sa «kebda» qui part en petits morceaux et qui va servir de repas. Dans «Brotherhood», il y a une chose qui s'oppose au sang : le sel. Celui de la mer. Le sel est purificateur. Ça commence par le sang et ça finit par le sel, quand le père, pris de remords d'avoir dénoncer son fils, court comme un fou jusqu'à la plage et l'appelle, même s'il sait que c'est chose vaine. Mais, il a besoin que l'air marin le purifie de son acte et, quelque part, de sa «dictature». Car, au final, quand le père dénonce son fils ce n'est pas parce qu'il est parti en Syrie, c'est, tout simplement, qu'avec le départ de Malek, c'est son autorité de père qui a été mis à mal, lui l'homme de la famille. Le «système patriarcal» est encore très ancré dans les campagnes tunisiennes. L'homme de la maison a toujours raison, même s'il a tort. On doit lui obéir au doigt et à l'œil. Le père s'est rendu compte, avec l'aide de sa femme, que c'est lui qui a poussé son fils à se rendre en Syrie et non pas une idéologie... Zouhour HARBAOUI