Tanit d'argent aux Journées cinématographiques de Carthage en Tunisie en 1992, le film «Samba Traoré» du réalisateur burkinabè Idrissa Ouédraogo aurait pu s'intituler «bien mal acquis ne profite jamais»... Sorti en 1992, et ayant remporté le Tanit d'argent aux Journées cinématographiques de Carthage la même année, «Samba Traoré» est un mélange à la fois de tragédie, d'humour, de romance, et, en second plan, d'enquête de police. Samba Traoré commet un vol dans une station service de Ouagadougou (Burkina Faso). Son complice est tué. Samba s'enfuit dans son village, dans lequel il n'est pas retourné depuis très longtemps. Sans faire étalage de son butin et en déclarant à celui qui voulait l'entendre qu'il avait travaillé dans des bananeraies, il achète un troupeau de bœuf pour les habitants de son village, construit une maison en dur pour Saratou, qu'il vient d'épouser, et ouvre un bar avec son ami Salif. Pendant ce temps, en fond, l'enquête policière se poursuit. Un jour, Samba doit emmener d'urgence son épouse à l'hôpital car son accouchement se passe mal. Accompagné de Salif, de la femme de ce dernier, de la sœur de Saratou, et du beau-fils, Ali. Mais, voilà, à mi-chemin, Samba abandonne le groupe de peur qu'une fois en ville il sera capturé par la police, et retourne au village, où son père a découvert son secret. C'est le début de la fin. En fait, si l'on y regarde de plus près, le début de la fin pour Samba comme avec la tempête et la pluie, qui arrivent comme une césure dans le film. Jusque-là, le temps était au beau fixe comme tout ce qui se déroulait dans le village : vie paisible comme si elle était un long fleuve tranquille, gestes quotidiens. Arrivent cette tempête et cette pluie annonciatrices de la fin d'un bonheur. Car, comme le dit le proverbe «bien mal acquis ne profite jamais». «Samba Traoré» réunit nombre de thèmes chers au réalisateur burkinabè Idrissa Ouédraogo. D'abord, cette comparaison entre la ville et la campagne. La première séquence du film se déroule en ville en pleine nuit, quand Samba Traoré et son complice s'attaquent à la station-service. Puis, séquence sur la ville en le matin où un crieur de journal annonce un crime crapuleux. La campagne s'annonce quand la voiture roule sur la route et l'on voit des gens travailler dans un champ. La peur de la nuit en ville, l'effervescence de cette dernière le jour, et le calme de la campagne. Cette comparaison se fera deux ou trois autres fois dans le film. Ouédraogo aime parler, à travers ses films, des conditions de vie modestes dans les petits villages burkinabés. Modeste, certes, mais heureusement, car régie par des lois non pas à l'échéance du pays, mais à l'échelle d'une communauté, avec un chef du village, des habitudes, une entraide, et des problèmes qu'on résout à l'interne, à travers le conseil du village. De plus, le réalisateur a choisi un décor de la région de sa ville natale, Bafora, région des Cascades, pour tourner son long métrage, rendant hommage à ses origines et déclarant, ainsi, qu'il n'oublie pas d'où il vient... L'autre thème prisé par le réalisateur, c'est l'amour mis en péril. Samba aime Saratou. Il l'épouse, mais il met en péril cet amour : d'abord en ne disant pas la vérité à sa femme sur l'origine de son argent, puis en l'abandonnant alors qu'elle est sur le point d'accoucher, et enfin quand il est pris par la police. D'autre part, Idrissa Ouédraogo aime donner des rôles forts aux femmes. La femme de Salif est une femme forte qui porte la culotte et mène son mari par le bout du nez. D'ailleurs, physiquement, elle dépasse son époux aussi bien de taille que de volume. Il fait office de gringalet à ses côtés. Saratou possède une autre force. Elle sait ce qu'elle veut, même si, parfois, elle le cache. Z.H