Comme il aime se référer souvent à la tradition littéraire arabe, il faudrait rappeler à Kais Saïed, ci-devant président de la république, le fameux poème d'El Mutanabbi quand il a dit à Saïef Eddawla : « le conflit est en toi, et tu es l'adversaire et le juge ! ». Dans cette absurde crise entre le président et le chef du gouvernement, crise voulue et attisée principalement par le parti Ennahdha qui croit en tirer le meilleur profit, tous les torts ne sont certes pas du côté de Kaïs Saïed. Rached Ghannouchi, à travers Hichem Méchichi, veut alimenter la crise et la pousser au paroxysme, parce que c'est le seul moyen qu'il a trouvé pour atteindre le président d'une part et pour détourner les regards de l'enfer que lui fait vivre, depuis son élection au perchoir, Abir Moussi et son PDL. Hichem Méchichi, qui a cru à un moment pouvoir tirer profit du conflit latent entre Saïed et Ghannouchi a fait fausse route, poussé en cela par Qalb Tounès et son président Nabil Karoui, qui a lui aussi une dent contre son rival de la présidentielle. De là découle l'acharnement du CDG à remanier son gouvernement, le soin qu'il a pris pour écarter tous les ministres proches de Kaïs Saïed et son entêtement actuel contre Carthage. Conflit politique avec Ennahdha Ainsi dans ces termes, le conflit sur le serment s'éclaircit et il n'est pas du tout constitutionnel, ni législatif mais bel et bien une facette, médiocre certes, de la démocratie parlementaire qui s'est illustrée toujours dans cette catégorie et qui a poussé un grand homme d'Etat, come le général De Gaulle en 1958, à passer à la cinquième république française en instaurant un régime présidentiel à l'extrême. Dans cette crise, Kaïs Saïed s'entête. On sait son aversion pour le régime démocratique parlementaire et ses lubies de démocratie directe. L'ennui c'est qu'il est président de ce régime et chef de cet Etat. A partir du moment où il a prêté serment il est devenu le président de tous les tunisiens, y compris ceux d'Ennahdha et de Qalb Tounès qu'il exècre, il est le garant de la Constitution et de la bonne marche des institutions et surtout, il n'est pas le chef d'un clan contre un autre, même si cet autre est fautif. Mais le président, novice en politique politicienne s'est emmuré dans son palais et même les quelques rares conseillers valables dont il s'est entouré, ont quitté le navire ou ils se sont faits débarqués ! Pas d'alliés, pas de politique Dans l'affrontement avec Ennahdha il ne sait pas sur quel pied danser. Il a fini même par jouer sur leur terrain en affichant un conservatisme rigide et textuel, en fréquentant les mosquées, en citant à tort et à travers des références qu'il croit ravir aux islamistes. Avec les partis, il ne s'est pas illustré non plus par une approche cohérente car après avoir affiché un mépris presque total aux partis et avec la montée de son conflit avec Ghannouchi, il s'est approché plus qu'il ne sied à son poste, d'un clan, celui du bloc démocratique, en négligeant de faire ses calculs puisque ce clan est minoritaire. Même avec la société civile, d'où émane tout son poids électoral, Kais Saïed n'a pas évolué vers une collaboration qui aurait pu être plus fructueuse dans son action. Kaïs Saïed seul Dans la dernière bataille en date, avec son refus d'accepter le sermon des ministres admis par le parlement il risque d'être le seul responsable du blocage des institutions, même si sur le fond il a raison à propos de la constitutionnalité du remaniement lui-même et sur le refus de cautionner tous soupçons de corruption. Mais ici aussi la manière de faire et la connaissance des rouages de l'Etat lui ont fait défaut et sa rigidité, toute juriste, ne l'a pas aidé. Alors, ses adversaires se ruent sur ces failles et veulent maintenant paraitre plus royaliste que le roi, en se hâtant de désigner le président comme le responsable de tous les maux et en se faisant les champions de la « légitimité » qu'ils veulent défendre dans la rue ! Ainsi Saïed est dans cette affaire juge et partie. A lui de s'inventer une sortie ! A.L.B.M.