La loi en Tunisie est claire : consommer de la drogue mène à 1 an de prison ferme en plus d'une amende. Pourtant, jeunes et moins jeunes sont encore adeptes de la fumette et ne se privent pas du petit pétard malgré les risques encourus. Issus de milieux sociaux aisés ou des plus favorisés, les jeunes qui consomment du cannabis n'ont pas de profil type. Par plaisir, par mimétisme, par désespoir ou par dépendance psychologique, quand on se fait pincer les motivations et les justifications disparaissent devant les faits et la sentence inéluctable de la prison transforme le paradis artificiel en enfer réel. On leur a dit que c'est encore bien de planer, mais le plus dur c'est la descente...ils le comprennent malheureusement trop tard. La rencontre des jeunes qui ont dûment payé pour leur gaffe révèle qu'il y a les repentis et les récidivistes. Ceux qui ont été trop marqués par le passage par la case prison et ceux qui ne font que reprendre aussitôt le pied hors prison. Les histoires de « comment je me suis fait choper » diffèrent mais dans la plupart des cas ce sont la dénonciation et le contrôle de routine qui démasquent. Un jeune dont le visage ne plait pas au policier, il lui fait faire un test et l'épingle. Un jeune à l'allure propre et respectable, insoupçonnable, se roule un joint lors d'une soirée et un des convives le dénonce. Quand le pire arrive, tout bascule. Il ya la honte, le regard de la famille et les amis, la difficulté de se refaire une face. Ahmed A1. 30 ans, avait une vie et un parcours des plus réussis, jusqu'au jour pour son penchant pour le cannabis, lors d'une petite querelle de rue, les policiers l'arrêtent suite à un test positif. « Tout le quartier a été au courant et les amis étaient choqués par cette nouvelle, ceux qui ne le savaient pas se demandaient où est passé le jeune homme sociable tchatcheur qui a plein d'amis » confie Ahmed. Depuis, il essaie d'effacer de sa tête le milieu carcéral et le malaise d'être un ex tolard.. Dans les cercles d'amis fermés, le risque est minime et les jeunes sont à l'abri des regards indiscrets et des intrus, mais là tout est question de chance. Parfois, on est au mauvais moment au mauvais endroit et les plus intouchables se font pincer pour une banale bagarre entre deux amis la nuit. C'est comme ça que Youssef, un brillant étudiant sans problèmes, s'est fait coffrer. Le séjour au pénitentiaire ne l'a pas trop marqué, mais il a perdu beaucoup d'amis en route. Quand il est sorti suite à une amnistie à l'occasion du 7 Novembre, il n'a pas retrouvé ses anciens camarades. Il y a ceux qui ont délaissé le cannabis, d'autres qui le font encore mais évitent Youssef. « La vie n'est plus pareille, on a cette amertume et cette idée fixe obsessionnelle de « si je pouvais remonter le temps et changer les choses », le regard des parents est gravé dans ma mémoire et même si aujourd'hui les rapports sont normaux, j'ai toujours une gêne quand le sujet est abordé. » On ne comprend la gravité du délit qu'au moment d'en payer les frais. Beaucoup de jeunes prennent à la légère la sanction pénale et se retrouvent confrontés au milieu carcéral comme dans un cauchemar auquel ils ne veulent pas croire. Le problème avec le cannabis, c'est qu'on sous-estime son côté offensif, et comme il n'y a pas de forte dépendance physique, il est difficile de se faire une raison et se rendre compte que même si un petit joint ne fait pas de mal, il engendre des conséquences plus graves au niveau de la sanction. Il y a aussi la sempiternelle « ça n'arrive qu'aux autres », qui fait bien de dégâts. Ces jeunes qui ont gouté et payé pour leur gourmandise essaient aujourd'hui de surmonter cet échec et renouveler la confiance de la famille et des amis. Certains d'entre eux ont eu de la chance, puisque la nouvelle de leur incarcération a été gardée comme un secret, et peu de gens les pointent du doigt. Il y a ceux qu'on dit en voyage ou en stage, mais les blessures morales restent. Les gens qui sont au courant d'un tel événement, sont en général partagés entre la compassion avec le jeune homme ou fille dont l'avenir professionnel et personnel est compromis, et la déception de voir cette personne brillante tomber pour un fait de « délinquance ». Tant que l'usage du cannabis n'est pas légal, l'ombre de petit séjour en prison plane sur les usagers. Ces derniers ont beau « tripper », mais à un certain moment, ils reviennent douloureusement sur terre.