« Nous ne pouvons pas espérer des gains substantiels de l'Accord euro-med si le moteur Sud/Sud est en panne » Un an après l'entrée en vigueur de l'Accord d'Agadir stipulant la création d'une Zone de Libre-Echange entre les pays arabes riverains de la Méditerranée, entre autres : l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie, il semble que les échanges intrarégionaux entre les quatre pays « fassent encore la sieste ». 1% est la part des échanges commerciaux réalisés entre les quatre pays signataires de l'Accord d'Agadir. Bien que le processus de réalisation d'une zone de libre-échange entre les pays sus indiqués n'en soit qu'à ses premiers pas et tarde donc à décoller, des insuffisances d'ordre institutionnel, commercial, financier et politique persistent. Et pour atteindre l'objectif ultime de l'accord-cadre d'Agadir qui va dans le droit-fil du processus de Barcelone, une élimination des obstacles entravant le succès espéré est indispensable. Quelles sont les entraves qui freinent l'efficacité attendue de l'accord d'Agadir ?. Est ce que les structures de gestion et le cadre juridique mis en place sont adéquats ?. Quelles sont les réalisations et quelles perspectives attendues de l'accord Quadra ?. Telles sont les interrogations soulevées hier à l'ouverture du colloque international organisé conjointement par le Centre des Etudes Méditerranéennes et Internationales et le Konrad-Adenauer-Stiftug à l'occasion de la célébration du 1er anniversaire de l'Accord d'Agadir. Les participants au colloque international ont essayé d'apporter des éléments de réponse sur les moyens à même de relancer le processus d'établissement d'une zone de libre-échange entre les pays arabes méditerranéens. M.Hardy Ostry, Directeur pour l'Afrique et le Proche Orient du département international de la Konrad-Adenauer-Stiftung a souligné l'importance de l'intégration régionale qui constitue une réponse adaptée aux défis de la mondialisation. « La coopération régionale et la suppression des obstacles tarifaires et non tarifaires sont à l'avenir sans alternative pour la région de la Méditerranée », souligne t-il. Malgré l'asphyxie de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) et le retard observé dans la mise en application de l'accord d'Agadir, les observateurs économiques gardent de l'espoir quant aux perspectives prometteuses pour l'établissement d'un espace de libre-échange entre les pays arabes méditerranéens, à conditions de réunir tous les éléments du puzzle. « Nombreux étaient ceux qui voulaient déjà anticiper sur l'échec de ce nouvel élan. Il est certainement juste que ce processus a subi des retards voulus et non voulus, cependant, cela ne peut et ne doit pas signifier qu'il ne pourra pas y avoir de succès », affirme M.Hardy Ostry. Tout en rappelant la lenteur et les limites observées dans l'intégration régionale et dans la coopération interarabe, M.Ahmed Driss, Directeur du Centre des études méditerranéennes et internationales en Tunisie a mis l'accent sur le rôle de l'intégration régionale en tant que locomotive à la concrétisation de la zone de libre-échange euro-méditerranénne. À ce même titre, M. M.Azzam Mahjoub affirme : « Nous ne pouvons pas espérer des gains substantiels de l'Accord euro-med si le moteur Sud-Sud est en panne ».
Echanges intra-arabes : 9% Néanmoins et bien avant d'achever la création d'une Z.L.E euro-méditerranéenne, une analyse des difficultés pénalisant la dynamique des échanges commerciaux entre les pays arabes méditerranéens signataires de l'accord Quadra s'avère indispensable. A ce titre, M.Azzam Mahjoub, universitaire, a présenté les résultats préliminaires d'une étude comparative qu'il a réalisée visant à méditer sur les limites et à élucider les conditions de réussite de l'accord d'Agadir. Pourquoi cette lenteur dans le processus ?. Est-ce qu'il s'agit d'obstacles politiques ou économiques structurels ?. Pourquoi les échanges commerciaux inter-arabes traînent-ils en comparaison avec ceux des pays d'Amérique latine ?. Première constatation :les échanges intra Amérique du Sud (22%) sont deux fois supérieures à ceux intra-arabes (9%). Selon les résultats de l'Etude, le groupe de pays d'Agadir est un marché de 120 millions d'habitants, soit 1,8% de la population mondiale avec un produit intérieur brut (PIB ) de 195 milliards de dollars, soit 0,5% du PIB mondial. Le volume du commerce extérieur est estimé à 100 milliards de dollars, soit 0,5% du commerce mondial. Les flux des investissements directs étrangers ont augmenté durant ces trois dernières années pour atteindre 1,5% des IDE mondiaux. Par ailleurs le PIB par tête d'habitant du groupe de quatre est estimé à 1632 dollars, soit le 1/4 du PIB/ tête d'habitant moyen mondial.
Dépasser la dimension technique de l'accord, pour avancer Malgré les atouts et les potentialités commerciales de chaque pays membre de l'accord d'Agadir, les réalisations sont pour l'instant dérisoires. Certains préalables sont à assurer. M.Azzam Mahjoub a avancé quatre conditions de base à la réussite d'un tel accord. Il s'agit de l'amélioration du ratio d'ouverture de l'économie*, de la simplification des régimes commerciaux et douaniers ; le talon d'Achille ; et le point faible de l'accord, la diversification de la structure des échanges et la complémentarité. Pour l'heure, l'accord d'Agadir ne dépasse pas la dimension technique. Sur le plan pratique, un chemin de longue haleine reste à parcourir. En effet, l'un des limites de l'accord c'est son caractère incomplet dans la mesure où il ne prend pas en considération les services, la propriété intellectuelle et les IDE. Seuls les secteurs agricole et industriel sont stipulés dans la convention cadre d'Agadir. Et à défaut d'harmonisation, l'entrée en application de l'accord a tardé en raison d'un problème rencontré dans le dossier des échanges agricoles. Dans ce même ordre d'idée, M.Hamed Zghal, vice-président de l'Association des études internationales explique : quatre mois après la signature de l'accord d'Agadir, le Maroc signe avec les Etats-Unis un accord de libre-échange dont les dispositions empêchent la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie d'exporter vers le Maroc en franchise de droits de douanes, des produits agricoles. Ce qui est en contradiction avec les dispositifs de l'Accord d'Agadir. La dispersion géographique de la zone, l'absence de lignes maritimes** entre les quatre pays signataires de l'accord en plus des problèmes juridiques, limitent l'efficacité et l'efficience de l'accord d'Agadir. D'autres obstacles d'ordre politique, institutionnel, commercial et financier freinent le processus. « L'absence de structure législative, d'instances particulières, la non implication des professionnels et des sociétés civiles et l'absence de structures financières spécifiques sont derrière le retard observé », affirme M.Mahjoub en ajoutant : « Le potentiel existe et il dépasse celui de l'UMA à conditions de dépasser le cadre technique, d'avoir une volonté politique affichée et des institutions solides ». Les participants aux travaux d'ouverture ont affirmé à l'unanimité le potentiel non négligeable que représente l'accord d'Agadir qui est au carrefour de deux processus d'intégration (accord de l'Organisation mondiale du commerce et le processus de Barcelone), tout en appelant la nécessité de dépasser les entraves pour ne pas tomber dans l'échec et suivre le sort de l'Union Maghrébine. Le processus n'en n'est qu'à son niveau d'intégration primaire. D'autres pays comme le Liban et l'Algérie pourront intégrer la zone, diversifier ainsi les opportunités d'échanges et de partenariats entre les pays arabes méditerranées et préparer ainsi les bases de l'union euro-méditerranéenne. Tel qu'affirmé par M.Hardy Ostry : « En vue de l'arrivée de la zone de libre-échange avec l'Union Européenne, la réponse logique, quasiment l'exigence impérative de la région et pour la région elle-même, ne peut consister que dans la création d'un plus grand marché global. ». L'intégration régionale est la condition sine qua non de l'instauration d'une ZLE euro-méditerranénne. L'une ne peut se dissocier de l'autre. Yosr GUERFEL
*Ratio d'ouverture de l'économie = X+M/PIB **Il y aura aujourd'hui l'ouverture de la ligne maritime Tunisie-Maroc. C'est déjà un pas, mais c'est encore peu. Encadré : * 120 millions d'habitants * 0,5%du PIB mondial * 0,5% du PIB commercial mondial * 1,5% des IDE mondiaux * A peine 1% d'échanges en commun