L'année scolaire touche à sa fin pour les classes terminales qui commencent d'ores et déjà à passer les épreuves du bac sport (fin avril- début mai).Tous les candidats sont appelés à se déplacer pour se rendre aux différents lieux où se déroulent les différentes épreuves sportives (dans un stade ou dans une salle de gymnastique couverte). Ils doivent subir une épreuve athlétique (course, saut ou lancement de poids) et une épreuve de gymnastique (un enchaînement à choisir par le candidat). Un rendez-vous attendu avec impatience par les candidats, non seulement pour essayer d'améliorer leurs scores ou de consolider une moyenne annuelle déjà bien probante, mais aussi et surtout pour s'adonner au rituel défoulement collectif qui consiste en un grand défilé, baptisé « la dakhla », organisé par les candidats au sein et aux alentours de leurs établissements respectifs, une fois les épreuves terminées. Cette « dakhla » rituelle est surtout pratiquée à Tunis et dans les banlieues mais aussi dans certaines grandes villes et chaque année, elle gagne du terrain. Chaque année, le même scénario se répète : les candidats, après avoir passé les épreuves, se rassemblent suite à un mot d'ordre donné par un chef incontesté, et suivant un programme soigneusement préparé d'avance, et aussitôt la parade commence. Il faut dire que ces jeunes ont bien investi pour mener leur manifestation à merveille ! Ils ont bien un comité d'organisation formé essentiellement pour ramasser les cotisations versées par les élèves de la terminale et, tenez-vous bien, par certains profs ! On achète alors des banderoles à inscrire, des pétards et des feux d'artifice à allumer et même des T-shirts confectionnés pour la circonstance portant des slogans ou des caricatures à l'intention de certaines personnes appartenant au cadre administratif ou au corps enseignant ! Des pulvérisateurs de peinture sont utilisés pour noircir la façade et les murs du lycée d'inscriptions et de dessins indécents. Rien n'est laissé au hasard. Même des acomptes sont payés aux chanteurs populaires « mzeoudis » renommés dans la région, pour venir animer la fête ! C'est que le cortège commence depuis le lieu des épreuves où des voitures, conduites par des élèves souvent sans permis, louées ou consenties par des parents, partent du stade pleines à craquer de jeunes garçons et de jeunes filles en liesse, et sillonnent les rues de la ville en donnant des coups de klaxons assourdissants. Enfin ils arrivent devant le lycée où tous s'attroupent pour la suite du programme ! Même ceux qui reviennent au lycée en train ou en bus célèbrent la fête à leur manière et y laissent certainement leurs traces !
Tapage allègre C'est donc en regagnant le lycée que le vrai spectacle commence : la première étape, en dehors du lycée, consiste en des discours malveillants prononcés par les meneurs de la bande, assaisonnés de gros mots, à l'égard des profs et de l'administration. Les mauvaises blagues, les huées et les rires tonitruants ne manquent pas à ce rassemblement de jeunes déchaînés. La musique pop, le Rap et le Raï sont assurés par des haut-parleurs loués auparavant par les organisateurs. Des danses folkloriques au son du « mezoued » et au rythme de la « darbouka » et du « bendir » s'organisent en barrant la rue aux passants et aux voitures. Et gare à l'automobiliste qui ose rouspéter ! Tout cela sous l'œil vigilant des agents de l'ordre public, habitués sans doute à ce tapage lié au bac sport ! La deuxième phase du programme se déroule à l'intérieur de l'établissement et c'est là qu'on assiste à des actes de vandalisme : rien n'est épargné, malgré les supplications des agents administratifs : « Poursuivez votre fête, mais ne cassez rien, s'il vous plait ! ». Rien n'y fait ! C'est que la casse fait partie de la fête ! On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Il faut dire que même les élèves des petites classes, profitant de l'ambiance, viennent des collèges avoisinants, et s'intègrent dans la foule pour participer à leur façon aux « festivités ». Et dire que la même scène se répète au moins deux fois dans chaque lycée, puisque les dates des épreuves sportives sont différentes selon les branches : les scientifiques et les matheux d'abord, ensuite vient le tour des littéraires et des branches techniques et économiques ou inversement. L'ordre importe peu ; mais il faut imaginer l'ampleur des dégâts et le coût des réparations, après les saccages successifs subis par l'établissement ! Il faut noter que le programme de cette « dakhla » diffère d'une branche à une autre et à chaque fois, on cherche à surprendre les autres par la singularité et l'extravagance de ses « prouesses » qui resteront le sujet des discussions durant les semaines à venir.
« Dakhlas » ... Il va sans dire que l'Etat dépense énormément d'argent pour assurer le bon déroulement de ces épreuves de bac sport qui demandent des mois de préparatifs nécessaires à l'organisation de ces épreuves : choix des terrains et des salles couvertes, préparation des calendriers relatifs aux différents lycées, composition des listes définitives des candidats, envoi des convocations aux candidats, désignation des profs examinateurs, coordination avec les autorités locales, mobilisation d'un certain nombre de médecins scolaires pour d'éventuels accidents, sans compter les dégâts matériels causés par les fameuses « dakhlas » et qu'il faut absolument réparer. En fait un grand budget et une mobilisation importante à tous les niveaux pour des épreuves d'éducation physique, une matière à faible coefficient ! D'ailleurs le candidat n'a aucun avantage à tirer de ce test final du moment que la moyenne du bac sport est calculée comme suit : moyenne annuelle obtenue par l'élève + la note du test final, le total est divisé par deux. Donc, la note attribuée au test final et la moyenne annuelle ont le même coefficient (1), ce qui ne pourrait être en faveur du candidat. De plus, la plupart des candidats arrivent le jour du test final avec de bonnes ou d'excellentes moyennes annuelles, le test final ne changerait pratiquement pas grand-chose dans leur résultat. Pas mal de candidats, ayant obtenu de très bonnes notes en éducation physique au cours de l'année, présentent une dispense à l'administration quelques jours avant le bac sport, pour ne pas passer le test final et de cette façon, seule leur moyenne annuelle comptera comme note finale du bac sport ! Cette pratique devient de plus en plus courante puisque ces dispenses sont rarement refusées par le médecin scolaire. Etant donné que ce test final du bac sport présente plus d'inconvénients que d'avantages, il faudrait peut-être remettre en question certains de ses aspects. Ces deux semaines consacrées au déroulement des épreuves sportives du bac focalisent l'attention des candidats à un moment où en principe ils doivent se concentrer sérieusement sur la révision du programme pour affronter les épreuves écrites imminentes. Alors, il est souhaitable que le ministère de tutelle apporte des changements radicaux concernant le bac sport. Il faut bien mettre fin à ces « dakhlas » du bac sport et faire de sorte qu'elles ne deviennent pas un rite immuable qu'on transmet d'une génération à une autre. D'ailleurs, plusieurs solutions sont possibles: on peut par exemple supprimer le test final et compter uniquement la moyenne annuelle obtenue par l'élève puisque le test final n'accorde aucun privilège à l'élève, vu qu'il a le même coefficient. Comme autre solution, on peut organiser le test final dans le lycée même du candidat en faisant appel à des examinateurs exerçant dans d'autres établissements, pour assurer un tant soit peu d'objectivité et de justice dans la notation. Dans ce cas, les différentes épreuves peuvent se dérouler un samedi après-midi ou un dimanche matin pour ne pas perturber les cours. Une troisième solution consiste à faire les épreuves du bac sport en une seule journée pour tous les candidats d'un même lycée, toutes branches confondues, on évite ainsi de voir la « dakhla » se produire deux ou trois fois de suite dans le même lycée et par conséquent, on peut en sortir avec le minimum de dégâts !