Le régime en cours de la couverture sociale en Tunisie comprend une rubrique prévoyance sociale à laquelle sont affectés 2,25 % de la masse globale des salaires (1% retenu sur les affiliés et 1,25% de contribution de l'employeur). Ces fonds servent à la prise en charge des longues maladies, aux remboursements des interventions chirurgicales etc... Il est donc normal que la nouvelle réforme part de cet acquis pour édifier sa nouvelle structure. Le champ d'action de la CNAM s'étend en fonction de l'extension de ses fonds. D'où, l'idée des étapes. Actuellement, la CNAM est en train de gérer les dossiers qui étaient du ressort des services de prévoyance sociale de la CNRPS et de la CNSS. Elle dispose des mêmes fonds. Donc, lors de la 1ère étape durant la 1ère année, c'est un élargissement partiel, et à quelques autres pathologies, d'un créneau de remboursement auquel la CNAM est déjà adaptée. Ce n'est qu'à partir de la 2ème étape, avec l'entrée en vigueur du remboursement des maladies courantes, que l'action de la CNAM touchera une large frange de ses affiliés. Une enveloppe de 6,75 % des salaires est prévue pour financer les activités de la CNAM. Ils seront perçus progressivement. Actuellement, cette enveloppe est de 2,25 %. A laquelle, il faut ajouter 4,5% (1,75 % de retenues obligatoires auprès des affiliés et 2,75 % des employeurs) sur trois tranches. Durant la 1ère année, il sera procédé à une première retenue de 0,60 % des salaires ( et 0,9 % auprès de l'employeur). Les mêmes retenues seront effectuées durant la 2ème année. Alors que pour la 3ème année, 0,55% sera retenu sur l'employé et 0,95% sur l'employeur. Ces nouvelles retenues ( 1,75 % + 2,75 % = 4,5 %) vont s'ajouter aux 2,25 % actuels pour constituer les 6,75 % qui représentent le budget final de la CNAM ( Voir tableau N°1). L'élargissement des attributions prévues se fera au même rythme que l'avancement des retenues.
Les parcours de soins Pour organiser la migration d'une partie des affiliés du secteur public de la santé vers les opérateurs du secteur privé, conventionnés avec la CNAM, trois modes de parcours de soins ont été prévus : Le ticket modérateur, le remboursement et la prise en charge. Pour le parcours du ticket modérateur, les prestataires de services médicaux sont honorés en partie par les affiliés et le reste par la CNAM. L'affilié bénéficie du service en contrepartie d'une contribution de 20 % appelée « ticket modérateur ». Cette contribution est calculée selon les honoraires de référence de la CNAM. Pour ce qui est du parcours de remboursement, l'affilié s'acquitte de ses honoraires et présente ses factures à la CNAM pour remboursement. C'est similaire à la formule actuelle de remboursement pour les prises en charge des maladies de longue durée. Quant au parcours de la prise en charge, il intéresse les pathologies lourdes. La CNAM prend en charge une (ou plusieurs) pathologie de l'affilié et elle honore directement les factures que lui présente, soit l'affilié, ou le prestataire du service pour justifier les prestations fournies. D'ailleurs, et comme toutes les assurances, le projet prévoit aussi un plafond pour les dépenses par affilié. Cette restriction impose un double contrôle, médical et financier. Comme les filières de remboursement et de prise en charge sont déjà connues par le public, il a été jugé utile de vulgariser, cette fois-ci, la notion du ticket modérateur :
Le ticket modérateur : Cette formule est utilisée actuellement dans les EPS et les polycliniques de la CNSS, elle va s'étendre aux prestataires privés des services de la santé qui sont conventionnés avec la CNAM. Ainsi, et pour bénéficier des avantages de cette filière, les affiliés doivent choisir des corporatistes conventionnés. Ils ne paient alors que 20 % des honoraires des prestations fournies. Les précisions suivantes expliquent le mode de calcul de ce ticket modérateur.
Les consultations D'abord, pour la consultation du médecin, la valeur du ticket modérateur est de trois dinars pour un généraliste et de cinq dinars pour un spécialiste. La convention sectorielle ayant fixé les honoraires à quinze dinars pour les généralistes et à vingt-cinq dinars pour les spécialistes. 15d x 20 % = 3d 25d x 20 % = 5d
Les explorations et les analyses Ensuite, et pour ce qui est des actes médicaux spécialisés, des explorations fonctionnelles et des analyses ( diverses échographies, radiographies, analyses médicales etc...), les affiliés contribuent, là aussi, à concurrence de 20 % de la valeur des prestations. Les accords passés sur les référentiels ont abouti à : B ( codification des analyses) = 190 millimes et Ke ( unité de l'acte médical spécialisé )= 2 dinars ( pour les actes de Ke 40). Les accords sur la valeur du R (Unité de la radiologie), du Kc (Unité de l'acte chirurgical) et du séjour dans les cliniques n'ont pas été encore établis. Ils ne tarderont pas à l'être. Il faut rappeler qu'une révision de la nomenclature des radiographies vient d'être soumise pour approbation au ministère de la Santé. Donc, une fois ces accords signés, le patient paie un ticket modérateur variable, mais toujours égal à 20 % de la valeur des actes dont il a bénéficiés. A titre d'exemple, l'analyse de la glycémie est codifiée B15. Sa valeur est 0d190x15=2d850. Le ticket modérateur correspondant est : 2d850 x 20% = 0d570. Le reste est pris en charge par la CNAM.
Les médicaments Enfin, pour ce qui est de la prise en charge des médicaments, le principe de base proposé par la CNAM stipule que les médicaments fondamentaux vont être pris en charge d'une façon évolutive, en commençant par des taux réduits. Il est question que ces taux atteignent, à la phase finale, jusqu'à 90 % pour certains médicaments vitaux. Il est question aussi que les prix de référence, sur lesquels se calculent les remboursements, soient ceux des médicaments génériques (les médicaments dont la molécule de base est proche de la molécule mère) les moins chers et suivant leurs prix de référence à la pharmacie centrale. En termes pratiques, lorsqu'un patient présente son ordonnance à la pharmacie, sa contribution est variable suivant les médicaments prescrits. La CNAM subventionne en fonction de l'importance thérapeutique du médicament et de sa nature( un princeps ou un générique). A titre d'exemple, lorsqu'une ordonnance comprend le médicament « mopral » qui est un médicament « princeps » destiné à agir contre l'acidité gastrique pour les ulcères gastro-duodénaux et dont la valeur est de 39 dinars. La démarche à suivre est de commencer par vérifier les génériques disponibles du « mopral » sur le marché. Ils sont au nombre de quatre qui sont « belifax », «risek » et « omezol », dont le prix est un peu plus de 20 dinars, chacun et « oprazole » à 12 dinars. Donc, à admettre que le taux de remboursement ( fixé par la CNAM) est de 80 % car, c'est un médicament de base. Combien paie le patient ? Pour calculer la valeur du ticket modérateur, le décompte se fait en se référant au générique le moins cher qui est « oprazole ». Le patient paie 20 % de la valeur de ce générique, en plus de la différence par rapport au médicament princeps : (12 d x 20 %) + (39d - 12d) = (2d400+27d) = 29d400. Donc, si l'affilié achète « mopral », il paie 29d400 de ticket modérateur. Par contre, s'il achète le générique le moins cher « oprazole », il ne paiera que 2d400. Il ne paiera pas alors la différence entre le prix du médicament princeps et du générique le moins cher. Dans tous les cas de figure et même s'il achète un autre générique, la CNAM ne prend à sa charge que 9d600 qui représentent 80 % du prix du générique le moins cher « oprazole ». Il est à préciser que ce calcul a été fait sur la base des prix commerciaux et à titre approximatif pour expliciter la question au public des affiliés. Il faut toutefois rappeler que le mode de calcul varie d'un médicament à un autre en fonction de sa nature, ses génériques et du taux de remboursement qui lui a été attribué par la CNAM.
Et les mutuelles ? De telles propositions, avec ces normes de remboursement, notamment dans les médicaments, sont inférieures à ce que toutes les mutuelles offrent actuellement à leurs adhérents. Un passage du côté des organismes d'assurance complémentaire de tous les grands établissements ( banques, assurances, EPIC ...) montre que le taux de remboursement des médicaments s'établit généralement autour de 80 %. Les adhérents de ces mutuelles ont des intérêts à préserver et ne peuvent accepter qu'une retenue complémentaire réduise leurs avantages. Il faudrait donc penser à trouver un compromis pour cette catégorie. S'oriente -t-on peut être vers l'instauration du régime des assurances complémentaires ? Les mutuelles transformeraient alors leurs vocations... Le sujet est susceptible à davantage de rebondissements.