Les Tunisiens sont saisis d'une frénésie de consommation impressionnante pendant la saison estivale. Le volume des dépenses en été dépasse de trop celui des autres saisons, c'est que les petits délices de l'été sont incontournables. Un budget énorme est investi dans l'alimentation et les moyens de loisirs. C'est la saison de la consommation par excellence ! Les promenades familiales sur la corniche, les sorties avec les copains, les soirées aux festivals ou dans les fêtes de mariage, tout cela se paie. Mais ce qui est paradoxal, c'est que le Tunisien consomme, tout en rouspétant sur la cherté de la vie et l'on se demande souvent si le Tunisien consomme plus qu'il n'en gagne ! N'est-ce pas là un épuisement du budget du ménage et des ressources nationales ? En fait, la saison estivale pousse les gens, avides de fraîcheur, de détente et de distraction, en dehors de leurs foyers pour aller se ragaillardir et profiter du grand air, chacun selon sa bourse, au bord de la mer, dans un hôtel, dans un restaurant ou sur une terrasse d'un café... Où qu'il soit, le Tunisien est enclin à dépenser : de la cornée de glace au sandwich, de la boisson fraîche au fameux bouquet de jasmin et l'indispensable « chicha » (narguilé). L'organisation d'une sortie nocturne avec les copains pour aller danser et se marrer est également l'occasion de dépenses énormes. Une soirée au festival, en cas d'un bon spectacle, peut coûter assez cher pour une famille de cinq ou six personnes. Un père de famille, au revenu modeste, qui fait promener ses trois petits enfants sur la corniche de la plage d'Hammam-lif pourrait dépenser facilement 15 dinars, rien que dans l'achat des glaces, du « kaki », des « glibettes » ou du pop-corn. Un autre parent nous a affirmé qu'il dépense en été deux-tiers de plus que dans le reste de l'année, non seulement à cause des enfants qui ont besoin de se régaler, mais surtout des autres dépenses occasionnées par les mariages et les visites inopinées de certains proches surtout quand on a la chance (ou la malchance !) d'habiter sur la côte ! Fiançailles, mariages... En effet, l'été chez nous est synonyme de fêtes de tous genres (fiançailles, mariages, circoncisions, anniversaires...). C'est peut-être là qu'il faut casquer le plus ! C'est que les Tunisiens sont trop complaisants pour pouvoir décliner une invitation à une fête familiale et pour certains il est inconcevable de ne pas assister aux cérémonies familiales ; la tradition veut qu'on partage les joies des siens ! La plupart des familles, pour donner le bon exemple ou pour se faire mieux distinguer parmi les autres invités, se lancent dans des dépenses exorbitantes lors de ces cérémonies, à commencer par l'achat ou la location de la robe-soirée en passant par la coiffure et le maquillage et les autres accessoires dignes de la fête, sans oublier le cadeau qu'il faut offrir à la mariée ou à l'enfant circoncis ! Un autre domaine où le Tunisien investit plus que d'habitude, c'est la voiture. A cause des multiples déplacements effectués en ville ou sur autoroute et avec la hausse vertigineuse du prix du carburant, un grand budget est destiné à la circulation. Même en vacances, personne ne daigne abandonner sa voiture pour monter à bicyclette ! Toutes les courses sont faites par voiture, même pour aller chez l'épicier du quartier qui se trouve à 200 mètres de chez soi ! User de la voiture pour effectuer ses courts trajets, n'est-ce pas là un gaspillage d'énergie et d'argent, quand bien même la marche ne coûterait rien ! Les grandes dépenses Enfin, le couffin est à l'origine des grandes dépenses du Tunisien en été. Seules les ménagères sont capables de vous parler de la flambée des prix dans le marché des légumes et des fruits ! Pour les poissons ? N'en parlons pas ! Il faut voir les prix affichés sur les daurades, les loups ou les chevrettes pour avoir une idée ! D'ailleurs, la plupart des ménages n'ont pas le choix et doivent suivre le conseil du docteur Hakim, diffusés à longueur de journée sur les ondes de la Radio : « Mangez du poisson bleu, c'est bon pour la santé ! » Et ainsi, on se rabat sur les sardines et les maquereaux, dont les prix demeurent plus ou moins accessibles, souvent au risque d'être victimes des démangeaisons de la peau ! Bref, il paraît que les dépenses des Tunisiens en été ne dépendent pas de leurs revenus respectifs, mais tout simplement de leurs besoins surtout alimentaires qu'ils doivent satisfaire coûte que coûte ! A voir cette affluence sur les restaurants et sur les biens de consommation en général, il y a lieu de penser qu'en été, le Tunisien, quelle que soit sa couche sociale, investit beaucoup plus que d'habitude dans la bouffe, à tel point que « vivre pour manger » devient la devise préférée de certains qui consomment sans retenue tout en disant : « Oh ! C'est trop cher ! » Et dès qu'ils sont rassasiés, ils rotent et disent « Hamdoullah ! ». D'ailleurs, l'adage populaire qui dit « vivre un jour comme un coq vaut mieux que cent jours comme une poule » illustre bien le comportement en matière de consommation de la majorité des Tunisiens pendant la saison estivale et peut-être pour toute l'année !