Très souvent, on lit sur les colonnes de faits divers des histoires de vols de toutes sortes : vol à l'arraché, vol à la tire, vol à l'étalage, vol par effraction commis soit par des professionnels ou simplement par de jeunes enfants inexpérimentés et qui sont souvent arrêtés en flagrant délit. Parmi ces voleurs, il y a bien sûr des cleptomanes, considérés comme des malades psychiques, volent pour le plaisir, agissant généralement sous une impulsion morbide et obsédante qui les pousse à commettre leur délit en bravant tous les risques, une tendance pathologique à voler des objets dont on n'a pas forcément besoin. Si ces cleptomanes agissent sous une impulsion irrésistible à voler, d'autres, au contraire, sont des professionnels et vivent de ces pratiques et ont comme lieux privilégiés les souks et les marchés hebdomadaires qui s'installent un peu partout dans le pays où le vol à l'étalage est très fréquent.
« Profils » Ce vol à l'étalage tend à baisser surtout dans les supermarchés et les grands magasins qui sont de plus en plus équipés de moyens modernes de prévention de vols ; mais il reste très fréquent dans d'autres espaces commerciaux où les marchandises en libre accès sont exposées à même le sol ou sur des étalages souvent très contigus et d'une manière confuse, ce qui facilite la tâche à ces voleurs pour perpétrer leur acte, profitant de la foule grouillante des acheteurs et du grand chaos qui règne dans ce genre de commerce. Les marchands de fripes, de fruit et de légumes sont souvent les victimes de ces voleurs à l'étalage ; les vendeurs d'articles cosmétiques et de produits de beauté ne sont pas épargnés non plus. Qui sont les voleurs, au fait ? C'est la question qu'on a posée aux commerçants et qui ont répondu presque unanimement : « Ce sont surtout des femmes, habituées ou occasionnelles, des jeunes lycéens ou lycéennes, souvent mineurs, qui viennent par groupes en attendant l'heure du cours ou avant de rentrer chez eux, mais rarement des hommes. »
La part entre besoin et manie Mais pourquoi tant de vols commis dans ces espaces commerciaux ? A vrai dire, les causes sont multiples. Cependant, la plupart du temps, les gens surpris en train de voler n'ont pas vraiment besoin de le faire et ils ont même de quoi se payer l'article ou les articles volés ! Comme nous l'a expliqué Omar, un vendeur de friperie dans un souk de la banlieue : « On ne vole pas par besoin ou parce que les articles sont onéreux ; mais c'est une manie chez certaines clientes. Il n' y a pas seulement des gens pauvres qui volent, mais aussi des personnes aisées. Des clients (hommes et femmes) viennent ici tirés à quatre épingles et d'une belle apparence et cèdent souvent à la tentation de voler. Il n'y a pas vraiment de profil type pour un voleur à l'étalage; Tout client peut en être un. On ne peut pas juger par les apparences ! » Son voisin, vendeur de fringues pour enfants, apparemment victime de ce genre de vol, a ajouté : « C'est surtout les femmes qui sont des professionnelles en la matière, et la plupart sont récidivistes. C'est qu'il est très facile pour elles d'escamoter quelques fringues ici, quelques produits de maquillage là-bas ou quelques menus objets ailleurs ; bref des choses qu'on peut cacher facilement ! Généralement, elles sont repérables ; et gare à celle qui tombe dans le piège ! » En effet, il faut imaginer la scène humiliante vécue par la femme voleuse, une fois prise la main dans le sac par l'un des vendeurs. Elle est malmenée en plein public, accablée d'insultes exprimées dans des tournures propres au langage du souk ; on ose même fouiller dans son panier ou dans ses poches (bien qu'il soit interdit de faire cela à un client !) C'est que dans ces souks, on se fait justice soi-même : l'article volé est récupéré et la coupable est chassée sous le regard étonné de dizaines de badauds ! C'est en cas de résistance de la part de la cliente incriminée que la police est appelée pour prendre l'affaire en charge. Même chose pour les enfants qui sont pris en flagrant délit, ils sont molestés par les vendeurs après être contraints de payer ou de rendre ce qu'ils ont volé. « Mais ceux-là agissent souvent inconsciemment, nous a confié, Ibrahim, un commerçant de produits cosmétiques et de parfums, ce sont des adolescents (filles et garçons) qui viennent en groupe, et il suffit de la moindre distraction de ma part pour qu'on me chipe un bâton de rouge à lèvres ou un vernis à ongles ! Les garçons préfèrent plutôt les accessoires des portables ou les petits gadgets électroniques. Certains jeunes volent sous l'influence de leurs camarades ou pour le plaisir ou même pour montrer leurs prouesses à leurs camarades. Ils sont inconscients et irresponsables, ils ne peuvent imaginer les conséquences de leur délit. En cas de vol, on sait toujours comment s'arranger avec ces adolescents (es) ; généralement, ils ont peur du scandale et de la police, la plupart regrettent leur faute et s'en excusent ; mais ça n'empêche qu'il y a des récidivistes. »
Excès de part et d'autres dans les grandes surfaces... Du côté des magasins et des grandes surfaces, ces grands centres commerciaux de plus en plus nombreux, les choses se passent autrement en cas de vol à l'étalage. Même si ce genre de vol a tendance à baisser, grâce aux équipements de sécurité et de surveillance sophistiqués, quelques cas sont parfois déclarés. D'après un responsable de sécurité dans un supermarché de la banlieue sud, il y a des procédures à suivre en cas de vol : « Si un client est pris en flagrant délit, on lui demande de remettre les objets volés sous peine d'appeler la police. Après quoi, on lui fait signer une reconnaissance des faits ! S'il manifeste une résistance (tentative de fuite, outrage à l'agent de sécurité, refus de signer...), on est donc obligé d'appeler la police qui viendra constater les faits et prendre les mesures nécessaires à son égard. » De telles procédures sont légales, mais parfois les réactions de certains agents de sécurité ne sont pas exemptes de reproches. Les menaces, le recours à la violence, la profération de mots vulgaires envers la personne incriminée ne sont que des exemples de mauvaise conduite de la part de ces vigiles. Souvent, pour éviter la longue procédure avec la police et pour éviter au client les ennuis judiciaires, certains gérants de magasins préfèrent régler les choses à l'amiable, surtout quand le client consent à payer ce qu'il a volé, ce qui est illégal, car un vol, s'il est avéré, est un délit de droit commun, ce qui signifie que des procédures judiciaires doivent être engagées. Mais qui ose encore voler dans les rayons d'un grand magasin dotés de ces dispositifs de surveillance renforcés de vigiles qui font la ronde à longueur de journée ? A cette question, nous avons reçu la réponse suivante d'un responsable de magasin : « Surtout des petits enfants accompagnés ou non de leurs parents, ils trouvent l'occasion de glisser dans leur poche un petit jouet ou une tablette de chocolat passée dans la publicité et dont ils ne veulent pas se priver, souvent à l'insu de leurs parents, ils sont alors détectés à la sortie par les barrières magnétiques. Il y a pourtant des voleurs récidivistes, ce sont des cleptomanes qui trouvent du plaisir à voler, bien qu'ils sachent les risques encourus. Il est de plus en plus rare de tomber sur un voleur adulte, sauf s'il ignore vraiment qu'il est surveillé des quatre coins du magasin ! » Quelles qu'en soient les raisons, les vols à l'étalage sont commis quotidiennement chez nous, dans les marchés populaires, les souks hebdomadaires ou les grandes surfaces. Cela peut sans doute influer sur le chiffre d'affaire des commerçants. Malheureusement : il n'y a pas de chiffres officiels pour nous renseigner sur le taux des pertes occasionnées par ces vols à l'étalage et qui sont certainement considérables. Mais les arrangements à l'amiable effectués entre les voleurs et les gérants des magasins peuvent fausser toutes les statistiques sur ce phénomène social qu'il faut combattre par tous les moyens.