Le taux de chômage parmi les diplômés est de 19 % alors que le taux général n'est que de 14 % ! Le nombre d'étudiants s'est rapidement multiplié durant la dernière décennie. Il a déjà atteint les 370.000. Mais cette croissance a induit une montée fulgurante du nombre de diplômés en chômage. En effet, si la demande additionnelle moyenne d'emploi s'élève à près de 80.000 durant les cinq années du XIème plan, le nombre annuel de nouveaux diplômés du supérieur dépasse désormais les 60.000. Ainsi, ces diplômés représentent plus des 3/4 des nouveaux demandeurs d'emplois. Or, s'il est mondialement reconnu qu'il y a une période de transition entre la phase de formation et celle de l'emploi, une interrogation s'impose sur la longueur de cette transition qui s'allongerait sur plus de six ans pour certaines filières en Tunisie, ce qui risquerait de faire perdre à ces diplômés leurs connaissances académiques acquises et, du coup, leur savoir-faire pouvant leur faire postuler à un emploi. Ce constat a sollicité un programme spécial de formation professionnalisante pour ces filières difficilement employables. Ainsi, quelques 6.400 maîtrisards, notamment ceux en chômage depuis une longue durée (depuis l'an 2002) ont bénéficié de la session exceptionnelle d'inscription en Master professionnel organisée par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie, pour le 1er semestre 2009. Cette formation diplômante a démarré en mars. Elle vise à augmenter les chances d'insertion des diplômés du supérieur au marché de l'emploi. Elle dure environ un an et demi et englobe plus de 100 filières et spécialités censées répondre aux besoins des entreprises tunisiennes et étrangères telles que : les techniques de la formation à distance, l'assurance et les mathématiques pour la finance, l'acoustique : contrôle, le transport et l'environnement, le patrimoine et le tourisme, l'urbanisme, la logistique hospitalière et pharmaceutique, la logistique de distribution et e-logistique, l'ingénierie des affaires et de création de valeur ajoutée, l'audit énergétique, la maintenance industrielle, les langues et les affaires internationales, la négociation et la vente, le commerce et la distribution, l'intégration des systèmes de management qualité, l'hygiène, la sécurité et l'environnement, les Bio-ressources et les bioprocédés, l'informatique industrielle : réseaux et supervision industrielle, Technologies de l'information et de la communication médicale, etc. Toutes les universités tunisiennes ont pris part à cet effort avec, notamment, une mention spéciale pour l'université de Sfax qui propose 40 Masters et 1135 places. Et ce nombre est susceptible d'être augmenté puisqu'on annonce d'autres Masters «en cours de préparation». La région de Sfax est un pôle industriel et la coopération entre les milieux des affaires et l'université marche bien depuis un certain temps. Les autres universités ont eu leurs lots de Masters professionnels avec, notamment, 4 Masters pour l'université de Gafsa (240 inscrits) et 6 Masters pour l'université de Gabès (200 inscrits). Au total, ce sont 6400 places, dans 100 spécialités et 67 établissements universitaires qui ont été proposées pour une formation en master professionnel, durant le premier semestre 2009. Le large éventail de spécialités dénote d'une recherche pointue des domaines entre l'université et le monde de l'emploi pour garantir l'efficacité requise à la formation et palier les éventuelles lacunes des diplômés en matière de connaissances utiles pour le monde du travail. Impact sur l'employabilité Mais toute la question, c'est de savoir l'impact de cette formation sur l'employabilité des diplômés inscrits. Ces derniers demandent que cette nouvelle formation soit couronnée par un poste d'emploi. Ils ne sont nullement à la recherche d'un titre honorifique. Or, la formule actuelle ne parait pas répondre à cette exigence impérative pour eux. Les jeunes insistent sur le fait que la formation en Master professionnel ne doive pas être une occupation pour eux pour leur faire oublier qu'ils sont en chômage. Lequel chômage est la hantise par excellence des jeunes diplômés.
Leila ( Maîtrise en droit depuis 2003) : « Garantir l'emploi à la fin du parcours de formation » Cette jeune fille, originaire de Lamta, explique : « J'ai obtenu ma maîtrise en juin 2003 et, depuis, je suis en chômage. J'ai fait de la formation dans le cadre du programme 21-21 et ceci ne m'a pas aidé à trouver de l'emploi. On me propose à chaque fois des salaires de l'ordre de 250 dinars qui ne me couvrent même pas mes frais quotidiens de transport et d'alimentation. Car j'habite à Lamta et je dois me déplacer quotidiennement à Sousse pour travailler. Et puis, il ne faut pas oublier que j'occupe une position de cadre. Ce n'est pas logique qu'on me propose un salaire de smigard. Plusieurs employeurs sont conscients de la crise traversée par les diplômés et ils exploitent cette situation pour faire baisser les salaires proposés. Plusieurs de mes collègues sont obligés de travailler même comme des vendeurs pour arracher leur argent de poche. Mais, je crois que la situation ne doit pas continuer comme ça. Les programmes proposés par le gouvernement sont appelés à être conçus de concert avec le monde du travail pour garantir l'emploi en fin du parcours. Autrement, c'est de la perte de l'argent du contribuable et c'est également de la perte du temps pour les diplômés. »
Sami, ingénieur : -les slogans sur l'adéquation entre la formation et l'emploi doivent être honorés par l'administration- En lui posant la question de son évaluation du projet des Masters professionnels, ce jeune ingénieur a paru bien maîtriser le sujet. Il a affirmé avoir déjà participé à une émission sur la question. Il précise : « Vous allez peut-être me dire que je suis en train de proposer des slogans. Loin de là, tous les programmes de formation et d'emploi se font à base de slogans. Ils partent d'un postulat stipulant que les économies modernes sont fondées sur la connaissance. D'ailleurs, l'économie tunisienne aurait connu des temps encore plus difficiles si elle n'était pas soutenue par une politique suscitant la création des emplois essentiels au dynamisme d'une société de la connaissance. Cela a nécessité d'investir dans le développement de l'enseignement, dans les sciences et dans une politique de l'emploi conçue pour suivre le rythme du changement. Il y a une obligation de promouvoir la formation professionnelle tout au long de la vie active. C'est indispensable à la société de la connaissance, et à encourager en corollaire l'innovation et la découverte scientifique. Des programmes ont été conçus dans ce sens mais leurs résultats laissent à désirer. Il suffit de faire le bilan du programme 21-21 et de celui du Stage d'Initiation à la Vie Professionnelle –SIVP- pour tirer les conclusions. Or, on n'a pas encore lu ces bilans. Donc, on nous propose maintenant les masters professionnels. Or, les formations proposées sont plutôt dans des angles très réduits ne s'ouvrant pas sur la recherche qui nécessite des investissements plus lourds. Mais, de cette façon, on va perdurer la crise. Car l'enseignement supérieur va produire de nouveaux diplômés à un rythme très soutenu et ils investiront le monde du chômage si on ne changerait pas notre politique de formation et d'emploi. Cette stratégie a été élaborée pour créer des emplois et stimuler la croissance en renforçant nos connaissances, en rendant les entreprises plus innovantes, en assurant leur compétitivité et en investissant dans le capital humain, tout en veillant à ce que cette évolution soit durable. Notre croissance ne doit pas se faire aux dépens des générations futures; elle doit donc être fondée sur une économie plus respectueuse de l'environnement. Est-ce que le projet de la formation en Masters professionnels répond à ces objectifs ? Pour atteindre ces objectifs, il faut attirer plus de personnes sur le marché de l'emploi, prolonger la durée de la vie active pour tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie, renforcer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises, améliorer la formation et les compétences, et adapter les systèmes de protection sociale aux enjeux de l'innovation, de la mondialisation et de la mobilité. Dans l'économie d'aujourd'hui, les emplois à vie sont devenus bien plus rares. Il est donc nécessaire d'adopter une approche nouvelle, associant la flexibilité et la mobilité sur le marché de l'emploi à des garanties solides en matière de sécurité sociale. Vous allez sûrement me dire que ce sont des slogans. Oui, certes. Mais ce sont également les slogans de l'administration et elle est appelée à les honorer-