Un corps de métier fort de six mille membres attendait une issue honorable pour ce que d'aucuns croyaient être un -mauvais procès- à leur profession. Défenseurs de la veuve et de l'orphelin, les avocats ont eu la sensibilité écorchée par des révélations à la -télé-réalité- sur le comportement de l'un des leurs. En garant de la profession, le Bâtonnier a, d'abord, habilement endigué la colère des robes noires, mis en demeure la télé d'interdire la participation des avocats, mais en aucun cas, il n'a remis en question le droit à l'information, reconnaissant, de facto, la légitimité du quatrième pouvoir et ce que Jean Louis Servan Schreiber appelle dans un livre-référence : « Le pouvoir d'informer ». Des deux côtés, il faut bien l'avouer, le verbe a été, à un certain moment, décapant, passionnel, sinon virulent. D'autant que l'impression première a été que le Conseil de l'Ordre n'a réagi que lorsqu'il s'est agi d'un avocat. Du coup, on était légitimement en droit de craindre qu'un pouvoir juridictionnel parallèle ne naisse à la télévision, et que celle-ci ne dévie du journalisme d'investigation pour s'ériger en juge. Mais, en même temps, elle révèle, quand même, des affaires de société et pour peu que les règles normatives - celles que garantissent les textes : le droit à ne pas être jugé ailleurs que devant un tribunal ; le droit à ne pas être jeté en pâture aux fantasmes populaires ; le droit à l'anonymat - ne soient pas franchies, la télévision et tous les médias sont obligés de s'implanter dans la réalité : la télé-réalité pour la télé ; les proximités et l'investigation pour les journaux. Cette tempête aura, néanmoins, eu des effets positifs. Le Conseil de l'Ordre a réussi à faire comprendre aux médias qu'au-delà de l'Avocatie, il y a une forte résurgence du corporatisme en Tunisie, ligne médiane, sans doute modératrice, dans la dualité de toujours « Pouvoir/Syndicat ». Et en l'absence d'enjeux politiques réels, les corps de métier, dans leurs diversités idéologiques et doctrinales, insufflent une dynamique certaine à une société civile qui a besoin de se réfléchir, de se repositionner, de s'affranchir des clichés associatifs et de la vanité de la politique. Tout cela ne pourra se faire que dans un esprit de dialogue, de partenariat et d'appui aux médias. Seule une presse responsable et libre, guérie du sensationnel toxique, pourra être le reflet de son temps, de sa société, de ses médecins, de ses avocats, de ses enseignants, de ses ingénieurs... Mais cette presse, y compris la télé et la télé-réalité, doit d'abord, pour être crédible, refléter l'état d'âme de ceux qui la font. Et eux, en premiers...