L'instauration, dans la plupart des universités tunisiennes, du régime d'études LMD ne réjouit qu'une faible partie des enseignants. Ce ne sont pas tant les visées lointaines du nouveau système qui dérangent, que les contraintes pratiques qu'il impose notamment au niveau de l'évaluation. On a même trouvé bien des points communs entre les épreuves de contrôle du Supérieur et celles du secondaire. Les similitudes existent aussi à d'autres niveaux si bien que le passage du lycée à la faculté ou à l'enseignement supérieur ne dépayse plus, comme c'était le cas avant le " LMD ", les nouveaux bacheliers. A l'Université, c'est désormais comme au collège, vous diront professeurs et étudiants ! Dans les sections littéraires, on a tendance à élaborer des recueils de textes semblables presque en tout aux manuels du secondaire. Comme on n'enseigne plus des œuvres entières, ni des auteurs particuliers, les enseignants se réunissent en début d'année pour sélectionner et rassembler dans une sorte d'anthologie un certain nombre d'extraits littéraires qui serviront de supports aux explications et aux exercices prévus en classe. Cela donne au final un fascicule inélégant qu'enlaidit davantage la qualité médiocre du montage et de la photocopie. Il est cependant presque certain que, dans un avenir proche, on pensera à éditer de vrais manuels pour l'élaboration desquels on créera des commissions spéciales constituées d'encadreurs et d'inspecteurs à l'image de ce qui se fait au ministère de l'Education et de la Formation. Le Centre National Pédagogique se chargerait ainsi de l'édition et de la diffusion de ces livres que les étudiants achèteraient dans les librairies et non aux services de photocopie environnant leurs établissements respectifs. Les " semaines bloquées " à l'Université ? Sur le plan des épreuves et des périodes d'évaluation, la tendance actuelle dans plusieurs instituts supérieurs et facultés est à réserver, dans la répartition des séances de chaque enseignement, une période allant de trois jours à une semaine pour faire passer aux étudiants des devoirs surveillés (D.S.en abrégé comme pour rappeler les Devoirs de Synthèse du secondaire) ! Ce qui fait dire à certains professeurs du Supérieur que les " semaines bloquées " à l'Université, c'est pour très bientôt. Leur appréhension est d'autant plus justifiée que les directions des différents départements recommandent de consacrer des plages horaires pour la correction des tests en classe comme cela se fait dans les collèges et les lycées après chaque examen trimestriel. D'autre part, on a décidé dans plusieurs départements que les professeurs prévoient des interrogations orales et des tests rapides lors des séances ordinaires et notent également toutes sortes de travaux exécutés en dehors de la classe, la tenue du cahier et l'assiduité de l'étudiant ! Que reste-t-il alors pour le cours ? A priori, ce type de contrôle (vraiment) continu bénéficie à ce dernier dans la mesure où il permet un suivi plus régulier de l'évolution de son apprentissage. Mais profite-t-il aux professeurs qui devront sacrifier de leur temps de recherche pour la conception, l'élaboration, et la correction des tests de tous genres ? Auront-ils suffisamment de temps pour terminer leurs programmes et dispenser des cours vraiment consistants et dignes de l'enseignement universitaire ? Dans la mesure où l'on attend d'eux qu'ils renoncent aux cours magistraux et privilégient la participation massive des étudiants au déroulement de la leçon, ils n'auront que le temps de dicter une courte synthèse sur des questions qui en requièrent des pages entières. En définitive, ils devront se contenter de survols expéditifs et de leçons sommaires toutes proches de celles données au collège et au lycée. Et corrélativement, on posera à l'examen des questions conséquentes qui n'induisent que très peu d'approfondissement. A ce propos, nous avons remarqué que beaucoup de sujets d'épreuves incitent de plus en plus à la récitation du cours et sollicitent rarement l'intelligence du candidat. Les tests à trous et les QCM (questionnaires à choix multiples) sont par ailleurs assez fréquemment proposés à l'Université. C'est là encore une autre parenté avec les évaluations du secondaire, à laquelle on pourrait ajouter l'obligation pour les professeurs de calculer des moyennes très complexes qui tiennent compte du type d'épreuve et du pourcentage dû à chacune dans le total de la note. Doucement en septembre, pas trop vite en octobre ! Pour tout dire, le régime LMD donne l'impression de rapprocher le plus possible les enseignements universitaire et secondaire. Peut-être que la seule dissemblance qui les sépare encore se situe au niveau de l'assiduité. En effet, l'absentéisme continue à caractériser la marche des cours dans bien des établissements supérieurs. Le mois de septembre n'a vu presque aucune classe fonctionner avec tout son effectif. Le plus heureux des professeurs n'a donné ses premiers cours qu'à la moitié de ses étudiants. En ce mois d'octobre et bien que nous en ayons déjà dépassé la première quinzaine, la présence aux cours reste très relative dans diverses sections. En prévision des prochaines vacances de novembre, certains départements ont programmé les devoirs surveillés exprès entre les 2 et 5 du mois pour obliger les étudiants à se présenter aux séances qui précèdent le bref congé de trois jours accordé à cette occasion. Mais ce ne sera peut-être pas suffisant pour limiter les absences. Nos étudiants sauront contourner l'astuce administrative parce qu'ils n'accepteront jamais que les élèves du secondaire bénéficient de vacances plus longues que les leurs !!