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-Demain je brûle -…Et coûte que coûte !
La fièvre glaciale de l'immigration
Publié dans Le Temps le 17 - 12 - 2009

Ils rêvent de partir, conquérir d'autres cieux, changer d'horizon, vivre autrement, tout recommencer, réinventer l'espoir. Et peu importe le manque, peu importe la solitude, cela viendra après, plus tard, quand ils seront ailleurs, qu'ils auront leur chez soi –chez les autres-, peut-être des enfants, une vie de famille, ou peut-être pas.
Cela importe peu, ils chanteront alors, en feuilletant l'album des souvenirs, le « temps des cerises », avec la certitude d'avoir pris la bonne décision un jour, en tranchant dans le vif. Ou avec le regret, cuisant, d'avoir raté leur vie, en choisissant d'immigrer. Car partir c'est toujours trancher dans le vif. Indéniablement. On quitte rarement son foyer lorsqu'on y est heureux…
Ils sont jeunes et l'immigration les tente, les taraude, les travaille, les tourmente, et les fait rêver. Ils sont étudiants, travailleurs peu satisfaits, ou ambitieux, ou chômeurs : cela ne change rien à la donne. Ils se sentent à l'étroit, et ils l'expriment, chacun à sa manière. Avec fougue, avec désespoir, avec hargne, avec amertume, parfois en plaisantant mais le propos est sérieux, et ils sont unanimes. Ils veulent quitter le pays, à n'importe quel prix…
« Aéroport Hammam-Lif » : nous sommes en 2007, et Slim Ben Cheikh, jeune cinéaste amateur, venait de réaliser un court métrage, très dur, très poignant, sur l'immigration clandestine en Tunisie. « Aéroport Hammam-Lif » a reçu cet été- là au FIFAK, la médaille d'or. Un premier prix fort mérité. Pour le courage, la justesse, et la force du propos, et pour avoir visé juste, en allant là où il faut, et donner la parole à ceux qu'on n'entend pas. Et dont on entend parler dans la rubrique des faits divers, a posteriori, lorsqu'ils deviennent de simples chiffres et alimentent les statistiques. « Morts en mer… ».

Par désespoir…
Ils sont jeunes, très jeunes parfois, presque des enfants, et pour partir, brûler leur dernière cartouche, ils peuvent attendre longtemps, dans le froid, la pluie, terrés comme des animaux derrière un fourgon désaffecté, un camion pour le transport des marchandises, en espérant pouvoir franchir un jour cette fameuse « ligne de démarcation » qui les libèrera. De l'attente, et de tous les espoirs, reportés de jour en jour. Certains se sont déjà fait prendre, mais ils reviennent, infatigables. De toute façon, suffisamment désabusés pour s'attendre à n'importe quelle déception, n'importe quelle déconvenue. Ils en ont vu d'autres. Leurs témoignages se recoupent, tous vivent, ou plutôt survivent, dans la précarité, certains dans l'abandon le plus total, matériel, et affectif. Et pour eux, la seule chance du salut réside dans ce départ. Ils visent l'Europe, l'Italie, la France…, convaincus qu'on les attend là-bas, et qu'ils ne pourront pas être plus malheureux qu'ils ne le sont ici.
A l'issue de chaque projection, le court métrage est applaudi pendant au moins dix bonnes minutes. Dans les derniers temps du film, le réalisateur tend le micro à un groupe de jeunes, d'adolescents, d'enfants, qui savent qu'au bout de ces départs clandestins, la mort est presque toujours au rendez-vous. Il leur pose une question : « Tahraq ? » Et tous, invariablement, même un enfant de huit ans, répondra : « Nahraq ». Demain je brûle… Et nous pensons au film de Ben Ismail, pour qui la question se pose à rebours…
Ce n'était pas une fiction, mais un documentaire. Et ils sont toujours- là à attendre. A Hammam-Lif, ou à Bizerte, cela importe peu. Ils rêvent de rejoindre « Lampedusa », l'escale d'avant la porte du paradis, mais certains ont élargi leur champ d'action. Car, lorsqu'ils sont étudiants, ils rêvent désormais d'Amérique, certains du Canada, et d'autres, pas trop souvent tout de même, aspirent à conquérir l'Australie. « Un terrain encore vierge, nous dira M. Encore à défricher, Là-bas il y a plus d'opportunités de travail. Et puis je pourrais peut-être y aller par la voie légale. Ça m'évitera de m'embourber dans des problèmes dont je n'ai pas besoin. Par contre, j'ai besoin de voir ailleurs la possibilité de construire une vie différente. Ici, je sens que tout est limité, et j'étouffe… ».

Un heureux départ
R. qui a aujourd'hui trente- huit ans, avait profité d'un voyage d'études en Amérique pour se fondre dans la nature. Avec trois de ses camarades, avaient pris la décision de rester là-bas bien avant de partir. Et il ne le regrette pas. Parmi ses camarades, il y a un seul qui ait craqué, et est rentré au pays. « Je suis installé à Miami, j'y travaille, dans la restauration, et j'ai trouvé mon compte. Franchement, mes patrons m'apprécient bien, sont très corrects avec moi, et je n'ai pas senti un jour que j'étais indésirable là-bas. J'ai vite appris, et le métier, et la langue. J'étais bon en anglais au lycée et ça a été juste une question de temps. Autre chose : même après le 11 septembre, je n'ai pas ressenti de changement d'attitude de la part de mes amis, ou de mes employeurs. Après, pour la nostalgie du pays, il n'y a pas de problème. Je rentre chez moi un été sur deux, et ma mère vient chez moi un été sur deux. Je n'ai pas à me plaindre… ».
S. pour sa part, a raté le coche deux fois : au Canada, où il n'a pas tenu le coup plus de sept mois ; « Il y faisait très froid, je n'ai pas supporté… ». Et la deuxième fois, ça a été l'Australie ; « Je voulais jouer de la guitare, rejoindre un groupe de musique, et je me suis retrouvé en train de balayer le sol d'un bar- café, et de sortir les poubelles. Alors je suis rentré… ». Précisons que S. appartient à une famille très aisée du côté de Manouba. Il s'ennuyait un peu, vivait la « bohême » avec guitare et cheveux longs, et se sentait un peu en marge. Mais à voir son rêve partir en fumée, l'a quelque peu déstabilisé. Et puis ses parents lui manquaient.
M.T. quant à lui, passe ses journées, adossé à un mur, à regarder passer les nuages. Le regard sombre, l'air très fatigué, lui il n'a pas du tout des ambitions d'artiste, il ne peut pas se permettre ce luxe. « J'en avais marre de travailler dans une pizzeria, à jouer les marmitons à longueur de journée, pour un salaire de misère. Ça va un moment mais sur la durée, c'est l'impasse. Je gagne deux- cents dinars par mois, je suis donc condamné à finir ma vie tout seul. Si je veux me marier, comment je fais pour assurer le loyer, le quotidien, et les enfants qui viendront après ? Je ne vois pas d'autre issue que partir. De préférence pour un pays du Golfe. Tous les matins, j'achète le journal, et je regarde attentivement les annonces. Je ne raterais pas le coche si j'en ai l'occasion. J'en ai plus que marre. Et je peux vous assurer que je ne suis pas seul dans mon cas. J'ai des copains de quartier qui peinent à subsister, qui ont quitté le lycée assez tôt parce qu'ils ne pouvaient pas tenir le coup. Même leurs parents les poussent à partir. Ils attendent d'eux qu'ils les prennent en charge… ».

Chacun cherche son chat…
Chacun a ses raisons évidemment. Et la destination de ses rêves. Une « certaine idée de la France » pour certains, d'autres chantent l'Amérique, l'Amérique…, sans se rendre compte que l'Amérique, après le 11 septembre ne veut plus d'eux, quand une autre partie lorgne du côté du Golfe, rarement du côté de la Libye qui est passée de mode mais revient un peu en catimini, toujours est-il qu'ils sont légion, ceux parmi les jeunes qui n'aspirent qu'à une chose : partir, pour pouvoir retrouver un nouveau souffle. Partir coûte que coûte, quitte à brûler sa vie par les deux bouts, mais sortir du marasme dans lequel ils se sont englués. Chacun à sa mesure, chacun à sa manière. Les plus sages vous parleront de l'accord signé avec la France, en avril 2008, pour cette « immigration choisie » dont ils aspirent à faire partie. Neuf-mille travailleurs par an, ça vous laisse de l'espoir. Ils oublient ce qu'un Le Pen a déclaré, à l'issue de la signature de cet accord : «… Les emplois français vont être pris par des étrangers peu regardants sur les salaires et les conditions de travail ». Oui, mais Le Pen aurait-il pu dire autre chose ?
Fergani chantait, et après lui Rachid Taha : Ya Rayah… Toi qui pars… Et ceux qui sont partis depuis longtemps, portent la douleur de l'exil dans le regard, devant la caméra de Yamina Ben Guigui. Eux ils sont partis il y a longtemps. Il paraît que c'était plus facile avant. Et pourtant.
Des sportifs profitent d'un stage à l'étranger pour filer à l'anglaise et refusent de rentrer au bercail. Des comédiens aussi qui ne reviennent pas d'une tournée en France. Ou d'ailleurs. On se souvient de l'exemple de Raja Ben Ammar, et de ses jeunes comédiens… D'autres meurent en mer, et n'étreindront jamais leurs rêves, et puis d'autres encore…
Pourquoi ?


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