Les lignes ferroviaires vers le Nord-ouest tunisien ont longtemps constitué le maillon faible de la SNCFT. Cette année, les voyageurs en direction de Béja, Boussalem et Jendouba ont bénéficié de la mise en service d'un nouveau train-express très confortable qui effectue un aller-retour quotidien entre la capitale et ces trois stations. Le départ de Tunis a lieu à 6 h 30 du matin et le train rentre à la grande gare de Barcelone à 17 h 30 au plus tard. Le nouvel express ne s'arrêtant qu'à quelques rares stations de la ligne Tunis-Ghardimaou, chacun de ses voyages dure en principe deux heures 25 minutes, soit une demi- heure de moins que pour un train ordinaire de la même voie. On commence, Cependant, déjà à se rendre compte des inconvénients que présente cette récente réalisation. Le premier problème concerne les horaires de l'express et le coût de ses places. En effet, le voyage du matin s'effectue une demi-heure seulement avant le départ du train normal et comme la différence de prix des billets ici et là dépasse les 2 dinars, les voyageurs préfèrent prendre le train ordinaire qui n'enregistre en fait que peu de retard par rapport à l'express. L'autre inconvénient est d'ordre infrastructurel : la ligne Tunis-Ghardimaou donne lieu à plusieurs croisements entre trains partants et trains rentrants. Cela oblige à prévoir au moins deux escales plus ou moins longues quelque part entre les deux stations terminales. Pour un train " rapide ", cela équivaut à 10 minutes de retard au minimum. Conséquence prévisible de ces arrêts forcés et inévitables : le trajet est effectué en presque autant de temps sur un train express que sur un train normal. La désaffection que subit actuellement le train rapide s'explique donc tout naturellement par ces deux facteurs qui annulent en définitive tout avantage que l'express était censé avoir sur le train ordinaire. Huit passagers pour 20 places Dimanche dernier, nous avons pris un billet aller-retour à destination de Jendouba au prix raisonnable de 17 dinars. Le confort des sièges, la propreté des voitures, le bon état des appareils de climatisation et surtout l'absence totale de bousculade à bord, valaient bien cette somme. De plus, le voyage n'a duré que deux heures 15 minutes, ce qui représente un véritable record de vitesse sur cette ligne. Mais le nombre des passagers ne dépassait guère 10 par voiture. Au retour non plus, il n'y avait pas foule dans les wagons : à peine un ou deux passagers de plus qu'à l'aller. Le convoyeur nous a même révélé que la veille et l'avant-veille, c'est-à-dire samedi et vendredi 26 et 25 décembre, l'express avait transporté entre 5 et 8 voyageurs. Imaginez un train de plus de 250 places qui consomme des centaines de litres de mazout et qui emploie plusieurs agents et techniciens pour seulement cinq personnes. La faute à qui avons-nous demandé au convoyeur ? Celui-ci imputa le peu de rentabilité aux facteurs que nous avons évoqués plus haut, à savoir le mauvais horaire et le surnombre de croisements sur la voie. D'après lui, l'actuelle période de vacances n'entre pas du tout dans les raisons de la désaffection. " Même en dehors des vacances, les recettes sont très faibles, a-t-il ajouté. " Pour lui : " les passagers ont tort de préférer la grande bousculade sur un train normal à un voyage aussi paisible et aussi confortable que le nôtre. Certes, ils épargnent 2 ou 3 dinars, mais c'est seulement sur le tarif le plus bas pratiqué sur le train normal. Notre tarif unique équivaut en fait au prix de la première classe dans un train ordinaire. " La solution existe Faut-il pour autant se passer définitivement des services de cet express et condamner les voyageurs du Nord-ouest aux voyages torturants des trains normaux ? A l'heure des grands projets de rénovation et de modernisation entrepris sur toutes les lignes ferroviaires du pays, ce serait un grand pas en arrière. La ligne Tunis-Ghardimaou est d'habitude l'une des plus rentables malgré les très nombreuses lacunes, défaillances et défectuosités qu'on y déplore. On devrait penser à y engager des travaux similaires à ceux entrepris, il y a quelques années, sur la ligne reliant la capitale à Sfax et ce, pour au moins réduire le nombre de croisements possibles entre les trains. Il est certain que le projet sera très coûteux et prendra plusieurs années, mais il récompenserait une clientèle des plus fidèles et des plus patientes. De plus, il contribuerait à une meilleure rentabilité des trains soi-disant rapides. Le jour où le passager de l'express mesurera concrètement le gain de temps qu'il réalise en prenant un train rapide, il ne lésinera pas sur les moyens pourvu que son voyage s'effectue dans des conditions dignes du troisième millénaire.