Les grandes entreprises nationales et régionales de transport public sont rentrées depuis un temps dans une dynamique de restructuration. Dans cette optique, des pans entiers des activités sont passés dans le domaine privé avec pour objectif la création d'une émulation allant dans le sens de l'amélioration de la qualité des services. Par ailleurs, le renouvellement partiel des équipements a aidé à récupérer un peu du retard pris dans l'efficacité des prestations. Au même moment, l'activité humaine rattachée aux activités économiques a aussi évolué, en particulier dans la nécessité de disposer des moyens fiables, et un tant soit peu confortables, de déplacement. En clair, il est devenu important de compter sur son bus ou son train pour arriver à l'heure et pas très fatigué. Avoir de la suite dans les idées Ainsi, beaucoup de Tunisiens qui sont de plus en plus concernés par le transport en commun sur les longues et les moyennes distances. Prendre le train pour aller à Sousse, Enfidha ou Sfax fait désormais partie du quotidien de multiples citoyens. Et comme le trajet peut être long pour se payer la voiture, la solution du train présente plusieurs avantages, en plus de l'économie d'argent et d'énergie. La disponibilité des dessertes n'est cependant pas toujours au rendez vous, puisque par exemple de Tunis, il faut soit partir à 6 heures du matin, soit se résigner à prendre l'express de 7 heures. Dans ce dernier cas, se résigner est le mot qu'il faut. Pour ceux qui ont fait l'expérience de ce moyen supposé être rapide, il est rare de recommencer. Il faut en effet être amateur de secousses et de vibrations en continu pour faire le voyage. Quelqu'un vous expliquera que ce serait dû à de vagues inadaptations technologiques entre les rails et la machinerie en usage. L'argument permet probablement de commencer à comprendre, mais n'excuse rien. Dans les faits, le beau train bleu n'attire plus vraiment la clientèle avertie. Celle-ci se rabat le plus souvent sur les bonnes vieilles rames qui ont vaillamment servi depuis des décennies et qui ne font pas moins de deux heures entre Tunis et Sousse, soit 140 kilomètres de trajet. Il faut s'armer de patience pour continuer à faire régulièrement la navette par le même moyen. Beaucoup le font, par défaut, puisque les autres choix que la voiture individuelle restent aléatoires. A part les horaires qui laissent supposer que ce genre de trajet fait toujours partie des « grandes lignes », certains désagréments persistent, parfois en dépit du simple bon sens. Ainsi, le voyageur qui prend son courage à deux mains et passe le matin au guichet réserver une place aller et retour en « confort » n'est pas au bout de ses surprises. Il faut d'abord qu'il s'habitue aux portes qui ne ferment jamais et parfois aux fauteuils instables qu'il doit essayer, tout au long du voyage, de retenir par des contorsions. Le préposé au contrôle des billets effectue bien son travail de contrôle, mais dit ne rien pouvoir faire pour tout le reste. Même quand on lui demande d'enregistrer une requête en ce sens, il vous renvoie au prochain guichet d'une quelconque gare, au cas où vous y tenez. La même réponse est fournie quand le malheureux voyageur demande quand doit partir le train de 13h 15 de Sousse. Classe-confort Les retards sont toujours dus à des travaux sur la voie, tout le monde le sait depuis longtemps. Par contre, le même voyageur va patienter en essayant de percer d'autres mystères. Il avait payé à Tunis un aller-retour en classe confort. Seulement voilà, impossible de « bénéficier » du même droit au confort au retour. Une fois, on lui dit que le train venant de Sfax, toutes les places avaient déjà été réservées. La fois d'après, il change d'horaire. Il se trouve alors que la compagnie ne prévoit pas de « confort » dans ce train là. Il se dit qu'il va vadrouiller à Sousse et attendre le train de 15 h 30. Au guichet, on lui signale que ce train là ne prévoit pas tout autant cette classe chèrement payée. Le préposé au guichet lui conseille le train de 18 heures, soit finalement plus de cinq heures d'attente. Il doit donc se résigner avec, pour prime, le sentiment de ne pas en avoir eu pour son argent, puisque aucune compensation n'est prévue, monter dans le train étant déjà entériner l'état de fait. A décharge, on arrive tout de même à bon port. « Inconfortable » et fatigué, mais résigné tant qu'on ne revient pas à la voiture individuelle. Toutes les campagnes nationales nous rappellent le souci d'économiser l'énergie en limitant l'usage de la voiture individuelle, mais il n'est pas encore évident que l'offre de service en transport commun suive. Il est évidemment moderne de réserver sur internet, encore faut-il que le reste du service suive dans le même esprit de modernité. En premier sur la question des horaires. Pour les rails, le système est de ce point de vue transparent, même quand la ponctualité laisse à désirer. Pour la route, on aura remarqué que le concept d'horaire affiché n'a pas cours. Nulle part on ne trouve dans les stations des indications sur le passage des bus. Le même voyageur ayant voulu prendre le bus de banlieue pour être à temps pour le train de Sousse a bien tenté le coup puisqu'il était en tête de station, là où on a le bonheur de trouver un préposé aux départs. L'agent en question avait bien un horaire à faire respecter, seulement, cet horaire mentionnait le départ d'un bus qui n'était pas encore là quinze minutes après son départ supposé. Il y avait bien du monde, résigné bien entendu, mais finalement habitué à oublier que le temps peut être de l'argent. Faut-il ajouter que le bus, arrivé avec du retard à la station, a fait l'objet de ruées et de bousculades, juste pour se conformer au rituel du transport qui ne veut pas perdre son image négative. Mais là aussi, on arrive quand même à destination. On ne voit pas très bien à quoi auront servi les cercles de qualité organisés depuis des années dans les arcanes de ces transporteurs arrivés depuis longtemps à l'âge de raison.