L'importance contemporaine accordée à la problématique de la gouvernance en a fait le thème central d'un colloque international qui a commencé jeudi dernier à Tunis et qui se termine ce matin. C'est la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et son département de Droit public et des Sciences politiques qui organisent ce colloque en collaboration avec la Fondation allemande Hanns Seidel et avec le concours de l'Ambassade de France en Tunisie.
Les raisons d'un choix Le Professeur, Jürgen Theres, délégué régional de la Fondation Hanns Seidel, a répondu à cette question en expliquant que : « la gouvernance est une thématique majeure de notre époque. Elle revêt des aspects multiples s'intéressant aussi bien aux sphères publiques que privées. Elle couvre de nombreux domaines d'activité tels que l'économie, les finances, l'urbanisme, les transports et la santé.». Il a explicité même l'orientation du colloque : « il privilégie visiblement une approche institutionnelle centrée sur les institutions publiques qui constituent un champ de réflexions et de controverses. En effet, avec la crise des modes d'action de l'Etat-providence et la montée de la Globalisation - favorisée par le développement accéléré des TIC - les fondements des modes d'action traditionnels des institutions publiques sont déstabilisés. Ainsi, les logiques souverainistes de l'Etat-nation se trouvent bousculées et les démarches de commandement centralisé sont contestées. En même temps, l'irruption de la société civile dans l'espace public impose un remodelage des systèmes d'organisation et de fonctionnement des institutions publiques dans une optique plus partenariale et plus contractuelle.». Cette logique de nouvelle conception de l'Etat et des institutions publiques a été aussi développée dans le rapport du Professeur André Cabanis, Vice-Président de l'Université des Sciences sociales de Toulouse. Il a en effet insisté sur le fait que : « Si l'idée de la gouvernance a survécu à sa récupération par les autorités financières internationales, ce serait, selon certains de ses partisans, parce qu'il y a là pour les gouvernements des pays en développement une procédure commode permettant d'imposer des réformes utiles, mais dont ils n'ont pas le courage politique de plaider le bien-fondé auprès de leur opinion publique. L'on arriverait à interpréter comme une forme sophistiquée d'hypocrisie, le fait de négocier avec les représentants du FMI les mesures rigoureuses sur la nécessité desquelles chacun s'accorderait, mais que personne dans le pays considéré n'oserait pas prendre à son compte officiellement. » Le Professeur Cabanis ajoute : « Et si les dix recommandations du consensus de Washington sont censées s'adresser aux pays en développement souhaitant réformer une économie en souffrance, les nations développées auraient tort de se croire à l'abri. La banque mondiale dans son rapport Doing Business publie régulièrement un classement portant sur plus de 150 pays, en fonction de la qualité de leur législation en terme de création d'entreprises, de croissance de l'emploi et d'augmentation de l'activité économique. L'objectif est évidemment d'inciter les plus mal placés à réformer leur appareil juridique pour mieux traiter les entrepreneurs. La notion de gouvernance glisse clairement vers le domaine proprement politique. » La même conception a été reprise, avec des détails spécifiques à chaque cas, par les Professeurs Rainier Arnold, de l'Université de Regensburg, Hatem Mrad, de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Carlos Conde, de l'Université des Sciences politiques et sociales de Grenade et du Dr Mohamed Hachemaoui d'Alger.
Les autres angles Le colloque ne s'est pas limité à cet angle de la gouvernance, il s'est intéressé aussi à sa liaison avec les nouvelles approches administratives, financières et économiques. Les Professeurs Dominique Maillard Desgrees Du Lou (Angers - France), Emile-François Callot (Lyon 3 - France), Hamid El Amouri (Salé - Maroc), Jean-Luc Albert (Lyon 3 - France) et Hamadi Fehri (IHEC - Tunisie) ont développé des réflexions sur la gouvernance financière et économique en liaison avec le Droit et les collectivités locales. Le colloque a touché aussi à la liaison entre la gouvernance et les nouveaux acteurs sociaux et politiques. Les Professeurs Sana Ben Achour et Karim Ben Kahla ainsi que le maitre-assistant, Mme Mouna Kraiem, et le Doctorant Khaled Mejri ont fait le point respectivement sur la liaison de la gouvernance avec les associations, les réseaux, le déclin des partis politiques et le nouveau modèle de citoyen. Les nouvelles formes de débats publics ont constitué un autre angle traité par ce colloque en liaison avec la gouvernance. Le Professeur Jean-Pierre Gaudin (Aix-en-Provence - France) et les Doctorants Amine Thabet, Moez Charfeddine et Sélima Ben Salem n'ont pas manqué de nous éclairer sur les effets de la gouvernance en liaison avec les espaces publics, les pouvoirs publics, le débat électronique et les médias. Le colloque ne pouvait être exhaustif sans toucher au nouveau cadre institutionnel international. Et là, le Professeur Thierry Debard, Vice-Président de Lyon 3, le maître-assistant, Mounir Kchaou, les Doctorants Imed Frikha et Wafa Harrar Masmoudi présentent aujourd'hui leur contribution en la matière en analysant l'apport de la gouvernance dans la démocratie européenne, le contractualisme et les relations internationales, le multilatéralisme et la diplomatie des droits de l'Homme. Le Professeur Yadh Ben Achour aura du pain sur la planche pour établir son rapport de synthèse tant les contributions sont variées et riches.