"Jeune homme qu'est-ce que tu crains tu vieilliras vaille que vaille..." Aragon De quoi pourrait parler un jeune poète aujourd'hui, pour dire qu'il est là et qu'il en est de même pour la poésie même si elle s'évertue à se cacher pour nous éviter et éviter la lourdeur bassement organique de ce siècle ? Ecrire pour bousculer les murailles de fer qui font obstacle à son élan de vie, pour détruire la vie mécaniquement ordonnée d'autrui et demeurer seul à écorcher sa propre vie ? Il ne pourrait pas parler de la révolution. Son temps est révolu. Elle n'a aucun attrait pour lui. Elle ne lui appartient pas. Il ne la connaît pas. Elle ne le reconnaît pas ; non plus ! Il ne pourrait pas parler de la cause Palestinienne. Tout ou presque a été dit. Et puis, par les temps qui courent, cela pourrait peut-être faire pleurer quelques âmes trop sensibles, à la limite... sans plus ! Et puis quel est le pays du sud de la méditerranée qui ne nous ferait pas pleurer ? A part notre propre pays qui prête à sourire pour ne pas dire à rire. Attention, nous ne parlons pas ici de la Tunisie mais du pays poétique qui habite le poète et que ce dernier habite ! Quel est ce pays chimérique où l'âme cavalière des jeunes poètes aime à voyager. De quoi sont faites ses routes et ses forêts ? Pourrait-on y parler nouvelles technologies, prospection des cieux inconnus, envol vers les débris des divinités éparpillées à travers le trou béant du cosmos et dont la colère nous oblige à leur dire "merci" à chaque fois qu'ils "tsunamisent" ! Merci, chères divinités pour cette gentille guerre au phosphore, merci pour ces gentilles bombes si intelligentes, merci pour vos fléaux de peste et de choléra et merci même pour la grippe A H1N1. Merci pour cette logique immuable qui fait qu'il y en a qui crèvent gentiment alors que d'autres se remplissent les poches. Merci pour les ténèbres où l'âme s'enfonce inexorablement vers l'enfer du paradis. Merci pour cette série de nuits glauques où aucune étoile ne luit, où la lune pousse des soupirs de plomb sous son tchador nauséabond, où la rosée de l'aube à la saveur suave des premiers baisers d'amour qu'on oublie, où le soleil se congratule la bedaine tapi dans sa BM chassant les jeunes pieuvres à la démarche qui tue "par ici les dollars : A gauche c'est l'enfer des sens, à droite ce sont les paradis luxuriants des mille et une nuits.... Par ici les dollars... Par ici la BM venez... venez par ici". Le soleil est un scorpion dont le venin a le goût amer des jours anciens. Le soleil est un dragon crachant les flammes du plus bel enfer des paradis perdus. De quoi pourras-tu parler, jeune homme ? Du football, du tiercé, du prix des oignons qui grimpent, celui des bananes qui se banalise, de la crise financière, des grèves minières, des tours qui explosent, des barbes qui poussent comme des broussailles mal défraîchies, des guerres des religions, du dialogue pipé des civilisations, des langues de bois et de peu de poids, de la sécheresse, de la vieillesse, des Hammers et autres mercedes dorées, des villas secondaires, des châteaux primaires et des cités malfamées ou même la faim n'a pas droit de cité ? De quoi pourrais-tu parler jeune homme ? Un poème pour nous faire rire. ? Un autre pour nous saouler ? Tiens voilà quelques billets pour ta survie. Amuse-toi avec ta muse tant que tu peux et quand tu l'auras usée jusqu'à la dernière rime, arrête-toi regarde au-dessus des montagnes et écris ceci. "Aujourd'hui je me suis arrêté jeune et vieux poète à la fois, né d'un cœur d'une rose morte à peine éclose et portant le poids de tous les siècles perdus... Là haut, tout là haut au-dessus des nuées, il y a un satellite chinois ou américain, d'on pend une corde de chanvre froid au bout de laquelle balance un petit corps avorté, un non-sens rêvé et secrètement aimé, un poète inconnu qui dit non qui dit non à tout ce beau monde immonde qui peuple ce monde d'effroi et de frayeur blanche et qui pour redonner ses couleurs au jour, à la nuit, finit par dire oui... oui.... Oui... je ne suis fait tout petit car j'en ai fini j'ai ai fini j'en ai fini avec la poésie.