Si l'on a remarqué une évolution heureuse dans le rapport du Tunisien avec les œuvres d'art, il n'en demeure pas moins que certaines préjugés ou comportements dictés par la non-connaissance du coût réel d'un tel ou tel produit artistique demeurent. Les années 70 et 80 ont mis à l'avant-scène de la société, une classe nouvellement et rapidement enrichie. Il m'a été donné de voir, dans des villas qui coûtaient plusieurs centaines de millions trois ou quatre salons de différents styles et de diverses époques trôner là recouverts de plastique transparent que les sieurs des lieux vous montrent sans jamais les utiliser. Pourquoi sont-ils là ? Comme ça ... parce que j'ai de l'argent et que je dois le montrer. Au-dessus des salons luisent quelques œuvres d'art d'une valeur irréfutable, représentant chattes et chatons, paysage avec rivière, bouquet de fleurs ou plateaux de fruits plus ou moins exotiques... Bref... des trésors qui doivent au bas mot coûter entre cinq et même dix... dinars. Quand vous leur demandez pourquoi en ayant investi tant d'argent dans la construction et l'ameublement de leur maison, n'acheteriez-vous pas une vraie toile de peinture où une sculpture, tunisiennes ils vont demanderont combien cela doit-il coûter. Ça dend des œuvres et de la cote de l'artiste mais disons que cela peut aller de 300 d à 5000 d. Quoi ? Il faut être fou pour dépenser une telle somme pour un "cadre" (kouatrou) ! Heureusement que le Tunisien a évolué ai-je dit plus haut. Aujourd'hui beaucoup de jeunes couples aimeraient bien avoir une toile ou une sculpture chez eux mais ils ne peuvent s'empêcher de marchander alors que ce n'est un secret pour personne - une bonne partie des Tunisiens achètent des baskets à 200D, des portables à 500 et 1000d dinars, des voitures à 15 000 et 200 000 D. Ils payent sans rechigner parce que les prix sont affichés et fixés. Quand tu veux vendre une œuvre à 600D par exemple, le futur acquéreur va se demander de lui faire un prix d'amis. Bien sûr tu acceptes de lui faire un prix d'amis parce que tu as prévu qu'il allait le demander. Les choses généralement ne s'arrêtent pas là. Si vous lui faites une remise de 25% ramenant la valeur à 450D, il va te dire que c'est encore trop cher ou mieux encore, il y en a qui d'entrée de jeu mettent la barre au plus bas : voilà je n'ai que 300D et je voudrais acheter ce tableau. Quand tu lui dis que ce tableau coûte 1000D par exemple et que les 300 D sont à peine suffisants pour l'acquisition de la peinture, des pinceaux et du châssis sans parler des heures de travail que cette création a nécessitées... il va couper court en jouant sur la fibre sentimentale : tu es mon frère ou mon ami et tu dois me donner cette œuvre au prix que je te propose. ? Généralement, ce genre de personnes n'est pas du tout démuni. Il y en a même qui ont une petite collection mais ils ne peuvent concevoir qu'un artiste doit gagner sa vie avec son travail et si ces bénéfices sont occultés, l'art (et l'artiste) ne pourra pas avancer. Heureusement que parmi ces personnes, après tout fort charmants, puisqu'elles s'intéressent à l'art, il y a un petite minorité (mais vraiment petite) qui, dès qu'elles aiment une œuvre et décident de l'acheter, payent le prix indiqué sans.. marchander... Vous êtes alors étonnés et c'est à peine si vous ne leur demandez pas s'ils n'accepteraient pas une remise au nom de l'amitié ou de la fraternité. Mais généralement vous n'en faites rien parce que vous savez que ces créatures sont beaucoup mieux que "des amis ou frères" invoqués uniquement pour baisser les prix parce qu'ils ont conscience que c'est ainsi qu'on peut encourager l'essor de l'art dans notre pays. On parle beaucoup de patriotisme ces derniers jours, surtout lors des matchs, de football. Dois-je faire appel à votre patriotisme pour que vous encouragiez les jeunes artistes tunisiens ou - mieux encore - les artistes ne demandent pas à être encouragés. Ils font un travail utile et civilisationnel.. qui est le miroir de toute société. Alors, chacun à sa manière et en tenant, bien sûr compte de sa bourse, investissez dans l'acquisition d'une ou de plusieurs œuvres d'art, la Tunisie regorge des peintres de grande qualité dans la valeur ira en grandissant avec le temps. Vous offrez des parfums ou des bijoux de valeur à l'occasion des fêtes de fin d'année, d'anniversaire ou autre événement heureux, apprenez donc à offrir une toile ou une petite sculpture. C'est chic ! ça en jette ! Et cela a une longue vie. Donc, ça reste !