Qui gagne dans le marché des produits audiovisuels piratés ? Les pirates eux-mêmes et ceux qui sont à leur service. On nous parle non pas de 70 000 citoyens mais de 70 000 familles, avançant par cela que ces pirates sont de bons pères ou soutiens de famille. Il n'y a aucune contradiction là-dedans ! Qui y perd ? Tout d'abord la loi… qui existe mais qu'on ne peut appliquer parce que, justement, il y va de la stabilité de 70 000 familles. Oui mais ces « familles » enfreignent quand même la loi, il faut donc les réprimer. Que fera –t-on si on avait un tel nombre de familles vivant de la vente de spiritueux ou de chair humaine ? A part la loi, ce n'est sûrement pas comme, on le suppose, le cinéma tunisien qui en pâtirait. Car ce cinéma n'est qu'un petit ensemble de films, qui n'ont plus aucun pouvoir d'existence économique. Aucune salle n'oserait les programmer. Et puis, les films tunisiens sont subventionnés par l'Etat avant même d'être tournés. Alors faire un procès à un pirate pour une affaire, où ils n'auront rien à gagner est le dernier des soucis de nos producteurs et réalisateurs. Ceux à qui le piratage fait vraiment mal, ce sont les propriétaires des spectacles de théâtre ou de télévision qui plaisent au peuple. Mais la plus grande perdante dans l'affaire, c'est la musique. Aucun producteur ne voudrait aujourd'hui investir dans la production d'un album qui sera vendu avant même qu'il ait fini de l'enregistrer. Nous ne parlerons pas ici, des produits audiovisuels étrangers parce cela nécessite l'ouverture d'un débat incluant plusieurs spécialistes et représentants des structures financières, politiques, juridiques et artistiques. Mais la réalité de nos produits culturels, portés par de tels supports, nécessite une étude sérieuse. Il y a solution à tout problème. Dans un pays qui se targue être « l'Etat de droit et des institutions », on ne peut laisser les choses aller à vau- l'eau sans direction maîtrisée ni but commun. La loi doit être au dessus de tout et de tous. L'argumentation par le nombre exorbitant des citoyens qui vivent grâce à des activités hors-la loi doit nous alarmer au lieu de nous rassurer. Il est de notre devoir de trouver une solution à cet état de choses. Il suffit d'avoir la volonté de le faire. Ces 70 000 familles peuvent continuer à vivre de leur travail en toute légalité. Elles pourraient même y gagner un peu plus. De même que l'Etat et l'honneur de la loi. Comment ? Ouvrez le débat… et l'on trouvera… ensemble. L'économie parallèle aussi nécessaire nous semble –t-elle, fait beaucoup plus de mal que de bien. Mais il faudra avoir beaucoup de courage et de liberté d'esprit pour accepter ce lourd combat.