On croyait la biographie d'Alberto Moravia impossible. Mais René de Ceccatty fait revivre avec talent l'insaisissable écrivain italien. Vingt ans après sa disparition, Moravia continue d'attiser les braises de sa légende, celle d'un franc-tireur redoutable qui ne cessa de piétiner les tabous et les préjugés de l'Italie conformiste. Le maestro n'était pas facile à apprivoiser, car il détestait le passé et répugnait à regarder en arrière pour offrir confidences et anecdotes à ses futurs biographes. C'est ce que rappelle René de Ceccatty, qui s'est pourtant attelé à la tâche en signant un remarquable Alberto Moravia où il retrace le destin de l'écrivain sans jamais s'enliser dans le petit tas de secrets. Résultat : un portrait tout en nuances, dans l'intimité d'un homme profondément paradoxal, à la fois mélancolique et pugnace, rationaliste et colérique, libertin et possessif, cosmopolite et viscéralement enraciné dans sa Rome natale, nourri de l'esprit des Lumières et obsédé par nos ténèbres intérieures quand il s'attaquait à un roman. Traverser l'existence de Moravia, l'éternel arbitre de la vie intellectuelle italienne, c'est aussi enjamber l'histoire européenne, depuis la naissance du fascisme jusqu'à l'effondrement du communisme. Tout est là. Le coup de tonnerre qui installa Moravia au zénith, lorsqu'il publia Les Indifférents à 22 ans. Les premières offensives de la censure. La rencontre en 1936 de celle qui fut sa muse et sa rivale - Elsa Morante. Les années noires où il fallut redoubler de ruse, face à la police mussolinienne. Le long dialogue avec le PCI, à la Libération. L'amitié avec Pasolini, auprès duquel il pourfendit l'hypocrisie bourgeoise. Les multiples voyages aux quatre coins du monde. Les disputes légendaires avec Elsa. La rupture. Les deux autres égéries - Dacia Maraini, compagne de la maturité, et Carmen Llera, qui semble sortir d'un de ses livres.