Pourrait-on, de nos jours, faire confiance à des tiers et particulièrement quand il s'agit de gérer des biens ou d'encaisser de l'argent ou de traiter certaines affaires à des fins pécuniaires. C'est difficile. Du moins à la lecture de cette affaire. Le plaignant est un commerçant. Il possède deux petits magasins adjacents. Il gérait ses affaires tout seul mais trouvait énormément de difficultés car, en bon commerçant, il se déplaçait assez souvent pour discuter des produits mis à la vente. Il lui arrivait de se déplacer à l'étranger. Entre-temps il trouvait toutes les difficultés du monde à pouvoir mener à bien sa tâche. O est un Monsieur d'un certain âge, retraité, il avait un genre de comportement qui laisse entrevoir une personne de hautes qualités morales. Assez poli, conduite irréprochable. Il habitait un appartement situé à l'étage supérieur du bâtiment où sont situés les deux magasins. De temps en temps il venait discuter avec le commerçant de choses et d'autres. Le commerçant s'habitua à ses visites et il voyait en lui son père. Plutôt le père idéal à qui on pourrait confier ses petits secrets et ses préoccupations. Parlant du travail, le commerçant a fait part à son interlocuteur des difficultés qu'il éprouve dans la gestion des deux magasins. Ces paroles ne sont pas tombées dans les oreilles d'un sourd. O est retraité, sa retraite ne dépasse pas les 200 Dinars. Il éprouve des difficultés à pouvoir joindre les deux bouts. Pourquoi ne viendrait-il pas en aide au commerçant. Il lui a proposé de l'aider en contrepartie d'une petite rétribution mensuelle. Pour le commerçant c'était comme si le bon Dieu lui a trouvé la solution qui le faisait sortir du bout du tunnel. Il a chargé O de veiller à la bonne marche des magasins et d'arrêter la caisse quotidiennement et de verser l'argent de la recette du jour à la banque. Au bout de quatre années, O est devenu une autre personne, il a changé de look, il est devenu beaucoup plus dépensier. Ce sont des choses qui se remarquent. L'épouse du commerçant a attiré l'attention de son mari et lui a demandé de vérifier les comptes qui d'après elle ont connu une baisse remarquable. Le commerçant a prié sa femme de ne pas discréditer O. " Je le considère comme mon propre père ; jamais il n'aurait l'intention de me voler " a-t-il dit à son épouse. Mais celle-ci intriguée, décida d'aller elle-même contrôler la caisse. Elle a noté le montant qui devait être versé à la banque. En vérifiant le lendemain le compte elle a trouvé qu'il y avait 400 Dinars en moins. En revenant d'un voyage à l'étranger, l'épouse a fait part à son mari de ce qu'elle a découvert. Il pensait toujours qu'il s'agit d'une erreur et que sa femme a exagéré les choses. Pour en avoir le cœur net, il a fait appel au service d'un expert-comptable lui demandant de revoir les comptes pour le mois écoulé. Le résultat a été tout ce qu'il y a de plus affirmatif. En 25 jours d'activité l'expert a découvert un déficit de l'ordre de 4000 Dinars. Poussant un peu plus les comptes, l'expert a découvert qu'en six mois d'activité il y avait un manque de 57OOO Dinars. Revenons à O, il a pu en 3 ans d'activité, mettre sur pied un magasin vendant les mêmes produits, et acheter une estafette pour le transport de marchandises. Confronté avec ces chiffres, le commerçant a demandé une expertise englobant les trois ans d'activité de O. L'expert a décelé un manque de 200.OOO Dinars. Que restait-t-il au commerçant si ce n'est de s'adresser à la justice ? Il a déposé une plainte contre O pour abus de confiance et détournement de biens. Il a demandé à ce qu'il soit remboursé de la totalité des sommes qui ont été détournées par O.L'enquête a été confiée à la brigade économique. L'enquête révéla qu'il y a eu abus de confiance, de la part de O qui fit part de ses dénégations. Ce dernier a été laissé en liberté provisoire pour lui permettre de donner les preuves de son innocence. Le jour de l'audience, O ne s'est pas présenté et ce malgré sa connaissance de la date. Il en a été informé dans une séance précédente. Il n'a pu donc s'expliquer devant les juges. Par contre la longue plaidoirie de la partie civile a été déterminante dans la mesure où elle a fourni à la justice toutes les preuves accablantes de l'inculpé et pour lesquelles ce dernier n'a pu fournir aucune explication. L'avocate de la victime s'est dite étonnée de voir qu'un retraité dont le salaire mensuel ne dépasse pas les deux cents dinars , puisse se permettre de créer un fond de commerce d'un magasin , d'acheter une estafette et de prendre en gérance libre une cafétéria pour 900 Dinars par mois. L'avocat de l'inculpé n'a pu plaider car son client ne s'est pas présenté à l'audience. L'affaire a été mise en délibéré.