Depuis que Star Academy et autres publicités ont introduit les scrutins au rabais via les sms, le principe de droit de vote a perdu son caractère Solennel. Le droit de vote est un acquis humain pour lequel des millions, non, des milliards d'hommes ont combattu à travers l'histoire. On continue encore de nos jours, et partout dans le monde, à militer, à sacrifier son temps, son argent et sa vie afin de le préserver des humeurs et des caprices des tyrans. Seulement voilà ! La mémoire de certains est courte et ils se permettent d'en user abusivement et de manière plutôt caricaturale. Certes, ce n'est pas qu'en politique que ce droit s'exerce, mais de là à l'utiliser pour dire qu'on préfère une glace à la vanille à un yaourt au caramel, cela a tout l'air d'une profanation, à tout le moins d'un pied de nez lancé à la face de tous les martyrs et de tous les militants de la démocratie. La provocation ou plutôt l'insulte est pourtant quotidienne sur les écrans de nos télévisions, sur les ondes de nos radios et sur les panneaux publicitaires de nos villes. Voter pour de l'argent Cette technique est en effet exploitée à fond via les médias les plus populaires et rapporte tous les jours beaucoup d'argent à ses initiateurs ainsi qu'à leurs partenaires non moins profiteurs. Le truc est simple au premier abord : il s'agit d'organiser une élection quelconque à propos de n'importe quoi et de mener ensuite une campagne de matraquage publicitaire afin d'y intéresser le public le plus large. Une fois cet objectif atteint, on s'arrange pour faire durer le plus longtemps possible le scrutin en y multipliant le nombre de tours préliminaires jusqu'à l'étape finale des « élections ». Renouveler l'expérience chaque saison reste également possible si le premier scrutin a drainé une foule conséquente et donc fut assez juteux pour ses organisateurs. Pour le bonheur de ces derniers, il y a toujours assez de frustrés de suffrage pour participer via les téléphones fixes ou portables à leur mascarade. On fera bien évidemment apprendre par cœur aux votants potentiels le ou les numéros à contacter et on leur « recommandera » d'appeler plusieurs fois pour soi-disant multiplier leurs propres « chances » de gagner, ou celles du candidat qu'ils supportent. Illusion et parodies Avec la Star Academy, ce genre de suffrage a fait des ravages ; alors on l'a reproduit dans toutes sortes de programmes télévisés et radiophoniques. Aujourd'hui, les téléspectateurs et les auditeurs de nos différentes stations radio, sont chaque jour sollicités par plus d'un animateur et plus d'une animatrice pour élire des chansons, des chanteurs, des photos, des rencontres sportives, des slogans en tous genres, des produits commerciaux, des dates, des émissions et tout ce qui peut donner prétexte à une compétition électorale ! De sorte que plus personne aujourd'hui ne risque de s'étonner si une chaîne de télévision ou de radio organise un scrutin pour départager deux bouchons de bouteilles ou deux couvercles de toilettes ! Sur Internet, les scrutins sont encore plus fréquents et concernent une infinité de sujets plus ou moins sérieux. C'est dire à quel point la pratique s'est de nos jours répandue et banalisée. Le réflexe « électoral » est en soi une bonne chose dans la mesure où il permet de renforcer l'esprit démocratique chez les citoyens. Mais vu la banalisation dont l'opération de vote fait l'objet dans les programmes de radio et de télévision et de la part des publicitaires de tous horizons, nous craignons de nous trouver dans des situations ridicules du genre suivant : être obligé à la maison de choisir entre sa chaussure gauche et sa chaussure droite pour finalement n'en mettre qu'une avant de sortir au travail. Pour la chaussette, il y a tout lieu d'hésiter également à propos du pied qui doit en porter. Dans la rue, nous faudra-t-il rouler à gauche, à droite ou au milieu (au centre) ? Si c'est au choix des conducteurs, bonjour les dégâts ! Sur le lieu du travail, il faudrait peut-être satisfaire individuellement les caprices des employés et désigner pour chacun d'eux le patron dont il rêve ! Badreddine BEN HENDA
« La fin justifie les moyens » ! Quel avilissement subit l'opération de vote sur nos chaînes privées et locales ! Les « électeurs » y sont appelés à donner leurs voix pour gagner de l'argent. Si au moins le gain qu'on leur fait miroiter méritait cette bassesse morale, on aurait peut-être pardonné un tel expédient, surtout en ces temps de crise qui voient triompher instinctivement parmi les hommes l'adage connu : « la fin justifie les moyens » ! Et la transparence ? A supposer qu'on ait bien voulu accorder un tant soit peu de sérieux à ce type d'opérations de vote, qu'est-ce qui garantit la crédibilité des résultats sur lesquels elles débouchent ? Y fait-t-on participer des…observateurs neutres ? Ne risque-t-on pas de favoriser certains « candidats » au détriment des autres ? Il s'agit certes de jeux promotionnels, mais à coup sûr, comme dans les élections à caractère politique, ils doivent autoriser quand même quelques tricheries ! Un peu d'histoire Le droit de vote n'était pas accordé à tous avant l'ère moderne. Il ne fut acquis dans la majorité des pays du monde qu'à partir du XVIIème siècle. En France, ce droit n'était reconnu, avant le XVIIIème siècle, qu'aux « citoyens actifs ». Seules les personnes qui payaient le cens (impôt direct égal à la valeur de trois jours de travail) prenaient part au suffrage qu'on qualifiait alors de « censitaire ». Presque partout dans le monde, c'était en effet un privilège dont on excluait les personnes dépendantes dont…les femmes. Celles-ci ne vont en bénéficier qu'à partir de la fin du XIXème siècle : en 1869 aux U.S.A., en 1893 en Nouvelle Zélande, en 1902 en Australie, en 1906 en Finlande, en 1919 en Allemagne et seulement en 1944 en France !