La « Compagnie Haut et court » a séjourné à Dar Sebastian au Centre Culturel International d'Hammamet du 6 au 20 mai 2010 en vue de préparer la dernière étape de création de la première traversée du BARDO, dont l'intégralité sera présentée à la Chartreuse de Villeneuve Les Avignon du 7 au 14 juillet 2010, pendant le festival d'Avignon. Ce spectacle est une véritable expérience sensorielle, dans laquelle illusions d'optique, construction musicale, voix off et machinerie théâtrale accompagnent le spectateur en douceur, dans des ailleurs insoupçonnés. Lassad Ben Abdallah, Directeur du centre culturel international d'Hammamet a convié médias et passionnés à assister à ce projet. Il se présente comme un espace scénique évolutif, constitué de tunnels et de chambres fictionnelles dans lesquelles sont mises en scène, des formes oniriques et des pièges métaphysiques, comme des étapes narratives rythmant la traversée. Nous avons eu loisir ainsi, de visiter les différentes pièces, avec les membres de la compagnie dirigés par le metteur en scène Joris Mathieu. Les chambres ont été présentées de différentes manières avec un décor original : des détails urbanistiques, une installation sonore et vidéo, ludique et interactive, des sons et des lumières, beaucoup de noir. Ces espaces placent le spectateur au cœur d'une fiction où se mêlent décors réels et virtuels, personnages holographiques ou de chair. Ce voyage à travers le labyrinthe a duré entre 5 et 15 minutes. Chaque lieu raconte une histoire. Les personnages empruntent des galeries souterraines, des couloirs virtuels, du jardin à la chambre noire. Chose qui permet au spectateur de naviguer, de surfer, et de circuler dans ce monde merveilleux. «Une création de taille, qui est de nature à promouvoir le 4ème art dans notre pays, et de consolider ce partenariat Nord-Sud » estime Lassaâd Ben Abdallah, Directeur du centre. Une expérience autrement bénéfique, selon le metteur en scène de la compagnie, en l'occurrence M. Joris Mathieu (metteur en scène) que nous avons rencontré pour l'occasion. Entretien : Joris Mathieu : un univers sensoriel plastique Le Temps : Votre compagnie s'appelle « Haut et Court » : pouvez-vous nous en définir le sens ? Joris Mathieu : C'était une expression utilisée en France à l'époque, lorsqu'on pendait quelqu'un sur la place publique. On le pendait haut et court. Le parallèle est risqué mais quand la compagnie a été créée, l'objectif a été tout de suite de penser des spectacles qui puissent interpeller le public sur des questions importantes, et des sujets percutants. Vous êtes à Dar Sebastian depuis le 6 mai, pour un projet de création, imbriqué aux lieux où vous choisissez de vous poser un temps… On travaille effectivement sur un projet qui s'appelle « Le BARDO», lequel se réalise par étapes dans différentes villes qui nous accueillent en résidence. C'est la septième étape de création du projet depuis ses débuts dans les différentes résidences à Avignon, Mons (Belgique), Cluj (Roumanie) et Vénissieux. Ce projet fantasmagorique met en scène le monde, la ville, l'humain, un mélange entre ce que l'on croit voir et ce qui est réellement là, une rencontre entre un certain passé et un probable avenir. Une nouvelle forme de théâtre ? Tout à fait. C'est un mélange d'installations plastiques, d'images, de vidéo. Le travail sur le son est très important au fait. Et puis c'est une forme expérimentale pour un seul spectateur à la fois, qui doit s'engager dans un parcours individuel. Une manière d'appréhender le théâtre, différemment. On est plongé dans un univers fantastique, de rêve mais c'est une façon de poser des questions fondamentales, et intimes : Qui suis-je ? Quel est mon rôle ? Quel regard je porte sur le monde que je viens de quitter ? Ce n'est pas ce qu'on pourrait qualifier de théâtre classique… On vient certes d'une forme théâtrale classique. Parce que sur le fond ce n'est pas contradictoire avec ce que nous entreprenons. Et je pense qu'on fabrique un théâtre hybride qui mélange toutes les techniques ancestrales du théâtre : la machine, la musique, les nouvelles technologies… Vous ciblez un public particulier ? Certainement pas. Tous les publics nous intéressent. Notre théâtre est populaire, et je pense qu'il trouvera résonance chez tous ceux qui aiment le théâtre d'une façon générale. Quels sont les thèmes que vous abordez dans cette pièce ? Le point de départ du projet est de fabriquer un monde qui serait un espace symbolique entre le monde des vivants et celui des morts. Là on arrive à communiquer avec des êtres chers qu'on a perdu, tout en faisant le bilan de notre existence. Et le temps nous est compté…Alors on se rattrape avec le théâtre. Pourquoi le «BARDO» ? Le BARDO dans la tradition tibétaine est la zone qui relie les vivants aux morts. C'est aussi le musée de Bardo : un pont entre le passé et le présent. J'ai essayé de pousser des portes et de traverser cinq chambres fictionnelles. Ici toute réalité est incertaine : hologrammes, projections, comédiens, mannequins. Doucement la perception bascule et le voyage devient stupéfiant. Le BARDO est un projet sans fin, une nouvelle géographie poétique qui vise la création de sept chambres au total créées dans quatre pays : La France, la Belgique, la Roumanie et la Tunisie. En s'inspirant d'un lieu réel, de l'atmosphère qui s'en dégage, de détails urbanistiques, s'élabore une chambre du BARDO, une installation théâtrale, sonore et interactive. Chaque chambre place le spectateur au cœur d'une fiction où se mêlent décors réels et virtuels, figures spectrales ou en chair. Ce projet sera présenté du 7 au 14 juillet au festival d'Avignon.