Il faut le dire d'entrée de jeu : l'auteur de ce livre n'a nullement l'intention de s'adresser à l'élite mais à un lecteur “moyen” qu'une approche scientifique approfondie pourrait rebuter. C'est donc davantage un livre de littérature que de recherche et de polémiques. Il se contente de raconter l'histoire du Prophète Muhammad essentiellement comme être social : sa naissance, son enfance, sa découverte du monde environnant. Dès lors, il s'adresse à une jeunesse musulmane tiraillée entre un mode de vie qui briserait ses liens sacrés avec son héritage socio-culturel et un extrémisme qui la rendrait aveugle et sourde. Jaâfar Majed présente le “Prophète comme un modèle du musulman exemplaire dans sa vie privée et sa vie publique”. Une vie d'Homme tout simplement sans miracle ni coup d'éclat à part les marques d'une grandeur exceptionnelle. Ce n'est donc pas un livre consacré à l'œuvre du Prophète mais à la vie d'un homme qui s'est toujours proclamé égal aux autres dans la mesure où il affirmait qu'il n'était pas exempt d'erreurs… même si la vie des prophètes se distingue de celle du commun des mortels. A sa naissance, sa mère Amina fille de Wahb avertit son grand père Abd Al Muttalib qui choisit un nom au nouveau venu avant de le confier à Halima du clan des Bani Saâd Ibn Bakr qui le garda en nourrice à El Badiya où se trouvent réunies toutes les conditions d'une croissance vigoureuse et saine, pendant deux années et une saison. Mais une fois à la Mecque elle s'entendit avec sa mère pour le garder encore chez elle où il apprit à mener paître les troupeaux de brebis, en compagnie des enfants de Halima. “Il n'existe pas de prophète qui n'ait été berger” disait-il. Il revint ensuite à la Mecque, dans la maison de son grand père Abdel Muttalib qui l'enveloppait de sa tendresse. Mais la mort lui ravit ce grand cœur. Il fut à l'abri, quelques temps plus tard, de l'aile protectrice de son oncle Abou Taleb qui l'initia très tôt au commerce par un premier voyage pour le Bilâd Echâm. C'est lors de cette expédition qu'il rencontra le moine chrétien Bahira que “son oncle entourait d'une protection discrète”. C'est lors de cette expédition propice à la réflexion et à la méditation que Muhammad se prit à remettre en cause le pouvoir que les habitants de la Mecque prêtaient à leurs idoles. Il rencontra plusieurs chrétiens avec lesquels il parla de leur foi et engagea plus d'une controverse. Ayant pris conscience de l'aveuglement et des ténèbres où étaient embourbés les siens depuis des lustres, ce fut le mariage qui le sauva du désespoir et de la réclusion volontaire. Pourquoi s'entretuaient-ils ? Pourquoi se résignaient-ils à l'ignorance et à la médiocrité ? Ce fut Khadija, fille de Khuwayled, issue d'une haute et riche lignée qui lui fit savoir qu'elle souhaitait être son épouse. Suite à cette narration biographique, Jaâfar Majed nous passe en revue les trois événements marquants qui avaient profondément déteint sur la vie de Muhammad avant la révélation : la guerre d'Al–Fijar, l'alliance (Hilf) de Al-Fudhul et la reconstruction de la Kaâbâ. Le prophète et la femme, le prophète et la guerre, la politique, l'art de gouverner, les épreuves avec et contre les hommes, l'imagination et le rapport à l'univers, tels sont les autres piliers sur lesquels est fondé ce livre. Bien qu'il ne verse pas dans la polémique, se contentant de narrer avec sobriété et simplicité la vie et la grandeur d'un homme chez qui une grande partie de l'humanité trouve encore à puiser les sources d'une lumière qui ne s'éteindra pas de sitôt, il nous instruit sur l'époque et la société où le prophète a évolué. * Ed. Beï El Hikma, 297 p. “Muhammad, le Prophète homme” a été écrit initialement en arabe, puis traduit en français par Mohammad Kamelddine Gaha.