• Le Centre agricole pour l'Education spécialisée à Mornag prend en charge la formation des trisomiques, des autistes et des insuffisants mentaux… Leurs formateurs trouvent qu'ils sont plus ouverts, plus transparents et plus disponibles que les gens supposés être normaux… - On associe souvent handicap mental à l'incapacité et l'inaptitude et la société marginalise parfois ces personnes aux capacités limitées leur interdisant l'accès à certaines tâches. Et entre le vide et le sentiment d'être inutile, la personne aux capacités limitées bascule dans le désespoir. Certaines associations et projets ont par contre comme défi d'optimiser les connaissances et les aptitudes de ces personnes afin de leur permettre d'intégrer la société. Parmi ces projets, il existe depuis 1973 le Centre Agricole pour l'Education Spécialisée « Rissala » à « L'Ksibi » à Mornag. Affilié à l'Union Tunisienne d'Aide à l'Insuffisance Mentale – UTAIM –. Le centre a ouvert ses portes avec seulement deux personnes comme effectif, un directeur et une éducatrice. Il compte aujourd'hui outre le poste de directeur, deux stagiaires, un orthophoniste, un psychologue, une assistante sociale et un technicien agricole. Et la formation professionnelle ? On y dispense une formation professionnelle en agriculture et en peinture sur argile. Le programme de l'éducation y est spécifique. Les personnes intégrant le centre, âgées entre 6 et 40 ans, ont également droit à des séances de sport et à des cours leur permettant d'intégrer la société (calcul, différenciation des couleurs, apprentissage basique). L'apprentissage psychomoteur qu'elles reçoivent leur permet d'être autonomes. La ferme dans laquelle se trouve le centre est d'une superficie de 6 hectares. Il s'agit d'un don de l'Institut National de Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT). On y cultive l'olivier et d'autres cultures maraîchères irriguées comme les tomates, les oignons, les pommes de terre, la salade… Le centre regroupe également des clubs de théâtre, de musique et de dessins dont profitent les 33 personnes qui le fréquentent. Certaines personnes le quittent à la fin de leur formation, tandis que d'autres sont au sein de l'établissement depuis plus de six ans, et, même depuis 14 ans. En effet, ceux ayant un handicap mental profond peuvent apprendre, sans pouvoir intégrer la société. Le centre pour eux est alors un havre où elles peuvent continuer à entretenir des relations avec autrui, tout comme elles cultivent leur terre. Les bénéficiaires Trisomiques, autistes ou attardés, le handicap est soit léger, moyen ou profond. Les personnes appartenant à la première catégorie peuvent fréquenter l'école jusqu'à la fin du primaire. Elles sont autonomes, elles savent s'exprimer et une fois ayant terminé leur formation, elles peuvent intégrer le marché du travail. Les personnes à handicap moyen ont besoin d'améliorer leurs capacités linguistiques car le langage chez elles est légèrement altéré. Elles apprennent à être autonomes et peuvent également intégrer le marché du travail, mais après avoir suivi une formation. Seulement, les personnes à handicap profond ne sont et ne peuvent être autonomes. Elles fréquentent le centre et au bout de quelques années, elles peuvent accomplir des tâches basiques, mais doivent rester sous surveillance. C'est la raison pour laquelle, les éducatrices procèdent à une période d'observation à l'accueil d'une nouvelle personne. Une évaluation est établie ensuite grâce à laquelle chaque personne aura à suivre un programme d'éducation individuel et personnalisé. On pourrait croire qu'il est dur d'optimiser les aptitudes des personnes à besoin spécifique, ou alors croire qu'il est décourageant de devoir leur apprendre toujours les mêmes choses. Or la directrice du centre, Dorsaf Riahi affirme : « Avant de les connaître, j'avoue que j'ignorait tout. Je croyais communément que toute personne à capacité limitée était folle. En les côtoyant, j'ai pu constater que ces gens là étaient meilleures que nous sur plusieurs plans. Elles ne se lassent jamais à refaire indéfiniment les mêmes tâches et vous inculquent également les vertus de la patience. Elles sont transparentes contrairement à nous qui cachons le fond de nos pensées ». Le technicien agricole Mounir Mjajri apporte également un témoignage similaire et dit préférer apprendre à ces personnes plutôt qu'à des gens « normaux », il souligne « elles sont sérieuses et elles s'appliquent. J'ai souvent eu à comparer leur travail à celui d'une personne ayant toutes ses capacités. Et tandis que cette dernière n'a pas encore fini, une personne aux capacités limitées a quant à elle fini et excellé dans ce qu'elle a à faire. Contrairement aux élèves et apprentis normaux et qui aiment sécher les cours, ces personnes là vous attendront à la porte de la ferme quand vous êtes en retard. Elles viennent quotidiennement de loin et quelques-unes à pied, et elles m'apportent énormément de joie et de bonheur. Traiter avec elles est facile et limpide ». Les témoignages de gens ayant côtoyé des personnes handicapées ne tarissant pas d'éloges sur leurs capacités d'intégration une fois la chance de le faire leur est accordée. Or il arrive parfois que les gens les plus proches de ces personnes soient celles qui manquent le plus de patience afin de valoriser leurs capacités. Ainsi, Zohra Ben Aissa, assistante sociale témoigne : « Ils sont souvent terrorisés à leur arrivée. Nous pouvons facilement constater que le seul moyen avec lesquels on les traite chez eux est celui de les effrayer afin qu'ils se tiennent tranquilles. Certains proches les maltraitent ou d'autres du moins font semblant de le faire. Or ce n'est pas le meilleur moyen. Avec un peu de compréhension, ils sont capables d'apprendre beaucoup et d'appliquer ce qu'ils apprennent. Nous avons également besoin de plus de personnes spécialisées et dotées de la pédagogie adéquate afin d'optimiser leurs capacités ».