De notre correspondant à Paris Khalil KHALSI - Les ténèbres se sont étendues et la traque a commencé. C'est la plus grande guerre de l'histoire de la Magie qui commence. Les images de David Yates sont aussi sombres que les chapitres de J. K. Rowling. Promesses enfin tenues ! Après une sixième partie molle et cahotante – qu'il aurait peut-être fallu refaire –, David Yates, aux commandes de " Harry Potter " depuis la cinquième aventure du jeune sorcier, semble avoir enfin eu l'inspiration nécessaire pour se fondre dans l'imaginaire de Rowling. Le détachement de " Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé ", évidé de tout suspense et de toute ingéniosité au profit de mièvreries préadolescentes et d'un humour sous-british, cède la place, pour l'avant-dernière ligne droite, à une immersion totale dans les étendues invisibles de la magie. Car, là, nous sommes bien dans le roman. Nous sommes dans cette course-poursuite interminable qui, à chaque seconde, menace la vie des trois amis sorciers, lesquels mènent une guerre trop grande pour eux. Harry, Ron et Hermione ne font pas leur rentrée à Poudlard cette année, n'étant plus en sécurité depuis le meurtre de Dumbledore. Suite à une attaque, ils se mettent à transplaner dans le Royaume-Uni (des paysages somptueux dont l'ouverture, opposée à l'espace clos de l'école, rend compte de l'ampleur du danger qui les guette), de cachette en cachette, afin de dénicher les Horcruxes (les objets où Voldemort a divisé son âme) et les détruire. Cependant, au bord du désespoir – et de la colère, voire même de la jalousie – , ils ne savent absolument pas comment y arriver. Atmosphère obscure Cette première partie du dernier chapitre s'ouvre sur l'égarement des trois personnages principaux, chacun de son côté, reliés par un secret d'amitié, le secret trop lourd de l'inconnu. Comme si, s'étant engagés à mener cette bataille – sans savoir par quel bout commencer –, ils ne pouvaient admettre qu'ils regrettaient déjà leur serment. D'emblée le ton est donné, à partir de la scène où Hermione jette un sort à ses parents moldus pour leur faire oublier sa propre existence. Au même moment, probablement, Voldemort – Ralph Fiennes, de plus en plus magnifiquement terrifiant – tient une audience avec ses Mangemorts et sacrifie une sorcière. L'image de la mort n'effraye plus ni l'auteur/réalisateur, ni le lecteur/spectateur. Elle devient une constante, l'essence même du film, et les personnages, toutes créatures confondues, se suivent dans l'au-delà, sans cérémonie. Nous sommes bien loin des découvertes enchanteresses des deux premières parties, et bien loin aussi de la noirceur surprenante insufflée par Alfonso Cuarón au " Prisonnier d'Azkaban ". Mais si le film du réalisateur mexicain demeure, dans son contexte, un contre-Potter insurpassable, le dernier se plie tout à fait à l'univers quasi-gothique de l'ultime tome de Rowling, que cette dernière avait dû rédiger sans laisser échapper le moindre sourire. En effet, difficile de se défaire de certains personnages, de faire hurler de douleur un héros ou un autre – bien que la noirceur des méchants, à l'instar de Bellatrix Lestrange (Helena Bonham Carter, qui accapare entièrement les scènes où elle apparaît), soit attachante. Et ce, malgré un sens de l'humour soutenu, que ce soit à travers les comiques de situation ou l'ironie mordante des trois amis qui se retrouvent seuls. Ces moments de gaieté passagère desserrent l'atmosphère obscure qui, cependant, grandit à chaque scène. Nous ne sommes jamais à l'abri d'une scène d'action où l'on se tire dessus à coups de baguette magique, davantage vers la fin du film, intégrant le suspense haletant du drame – oui, même quand on connaît l'histoire. Venant à bout de certaines lenteurs – imposées par la trame, mais qui auraient pu être évitées –, ces scènes semblent récompenser la patience des spectateurs. Mais ces derniers sont comblés s'ils ne s'attendaient pas à voir un " livre vu ". Car Yates s'approprie l'univers Potter, et c'est visible au fil des scènes dans le Ministère – un mélange de " 1984 " d'Orwell et des bureaux nazis –, somptueuses, comme dans la course-poursuite céleste avec Harry et ses clones, comme dans la visite de Godric's Hollow le soir de Noël, ainsi que dans la scène de confrontation entre Bellatrix et Hermione – fascinante interprétation de Helana Bonham Carter et Emma Watson. La séquence de dessins animés – un peu à la Michel Ocelot – du conte des Reliques de la Mort, quant à elle, c'est tout simplement du merveilleux à l'état brut. Ces tours de force que l'on espérait présagent de l'immensité de la bataille attendue dans la dernière partie, l'accord ayant été passé entre la production et les fans (ceci n'est qu'un avant-goût, mais pas tout à fait). Le plaisir est entier et le sera encore, grâce notamment aux effets spéciaux impeccables (incroyable vision de Harry et Hermione enlacés qui s'offre à Ron, entre autres) et à la musique d'Alexandre Desplat. Heureusement qu'il y en aura un huitième !