C'est le genre de comportements qui n'engagent guère les entreprises ni n'engagent leur responsabilité. Partout, il se pose un problème de petite monnaie. Le consommateur doit en être conscient et prendre cet élément en considération. Car il n'est pas sûr qu'on vous rende toujours la monnaie … faute justement de petite monnaie. Les usagers constatent que les guichetiers «oublient» assez souvent de rendre la menue monnaie à leurs clients. Si par exemple, vous avez pris un billet de 320 millimes et que vous avez remis au guichetier 350 millimes, ce dernier ne vous rend le plus souvent que 20 millimes. Si vous lui rappelez les 10 millimes qu'il a omis de vous rembourser, il répond presque machinalement : « je n'ai pas de petite monnaie, si vous en avez, le problème est résolu ! ». L'autre jour, à la station de la Place de Barcelone, l'homme du guichet le prit sur un autre ton et répliqua en des termes qu'il croyait subtils et ironiques : « Oui, c'est ça, nous dit-il, j'ai construit un château avec vos 10 millimes ! ». On peut aussi vous rétorquer, en se référant aux règlements, que c'est le client qui doit fournir la petite monnaie, pas la société de transport. Autrement dit, l'usager régulier est tenu d'avoir tout le temps sur lui une bonne réserve de petites pièces de 10 et de 20 millimes s'il ne veut pas d'embrouille pour si peu de chose ! Il lui faut pour cela revenir à la fameuse tirelire d'antan pour en retirer quotidiennement la petite monnaie toujours introuvable dans les caisses et qui y est pourtant la bienvenue quand elle sort de la poche du client. A la station de louages de Moncef Bey, la société qui gère cette gare routière grignote presque systématiquement sur la monnaie à rendre aux clients. Le tarif pour aller de Tunis à Sousse est actuellement de 8 dinars 360 millimes auxquels s'ajoutent les 100 millimes de redevances dues à la société de services évoquée plus haut. Cela fait 8 dinars 460 ; mais les guichetiers et guichetières arrondissent de leur propre chef la somme et les passagers récupèrent rarement leur dû de 40 millimes. La pratique est tellement courante que beaucoup de gens sont convaincus que le voyage coûte 8 dinars 500. Mais l'affront c'est que sur le billet qu'on remet aux voyageurs, le montant du service est scrupuleusement détaillé à côté de bien d'autres précisions concernant le véhicule, la destination, la date etc. Pour un peu, on y mettrait votre photo, adresse et numéro de téléphone ! Les chauffeurs de taxi ont eux aussi attrapé la manie qui, par magie peut-être, et dès leur toute première course, vident complètement leur caisse des pièces de 10, 20, 50 et même de 100 millimes. Pas plus tard que mercredi dernier, nous dûmes renoncer à 200 millimes parce que notre chauffeur n'avait dans sa caisse que des pièces argentées ! Manifestement, nos transporteurs sont de fins psychologues. Ils ont bien étudié la personnalité du Tunisien de ces 3 dernières décennies et son comportement « financier ». En effet, celui-ci diffère nettement de la génération de ses parents et de ses grands-parents lesquels géraient leurs sous avec beaucoup moins de largesse. Il faut dire par ailleurs que la petite monnaie a tellement perdu de sa valeur aujourd'hui qu'on a tendance à faire peu de cas des pièces de 5 à 100 millimes. Nos aînés, par contre, trouvaient toujours quelque chose à acheter avec ces « sous » ! D'autre part, le Tunisien des années 1990 et 2000 n'est ni un petit ni un grand épargnant ! Naguère, on offrait avec les jouets ou à leur place, des tirelires aux enfants et on apprenait l'épargne à la maison et à l'école. Entre frères et sœurs, entre camarades de classe et entre amis, on rivalisait d'astuces pour économiser plus que l'autre. De nos jours, les jeunes et les adultes n'osent pas, de peur d'être traités de pingres, demander leur reste à un chauffeur de taxi, à un louagiste, à une séduisante guichetière, à un serveur de café ou de bar et sont complètement troublés devant le large sourire d'une charmante caissière de magasin. Ils craignent de se rendre ridicules en revendiquant un dû aussi «dérisoire» que la petite ou grande pièce jaune. Pourtant quand il arrive au client d'être à court de menue monnaie, soit on lui refuse le service demandé soit on le lui rend mais en maugréant ou en se donnant ostentatoirement l'air de faire de la charité !