Raouf KHALSI - [email protected] - Que les tribuns récupérateurs déchantent : si des jeunes manifestent c'est leur fait à eux. Cela vient de leur spontanéité et donc, aussi, de la légitimité que leur confère le statut de jeunes. Vaines, saugrenues et scabreuses même se révèlent être les velléités de récupération politicienne. Profiter, à l'intérieur comme à l'extérieur, des manifestations de désarroi des jeunes, dont la revendication première et dernière, est l'emploi, pour faire le procès du régime c'est déjà marginaliser les jeunes eux-mêmes et - comment dire – leur voler les magmas existentiels qu'induisent leur condition. Partout, le chômage des jeunes, lorsqu'il devient massif, où qu'il croisse à vue d'œil, représente une menace potentielle pour la stabilité sociale. Et à plus forte raison lorsqu'il touche les diplômés du supérieur, c'est-à-dire, ceux pour lesquels l'Etat a consacré l'un des budget les plus historiquement importants ; ceux qui ont vécu les soubresauts du campus et sont ainsi initiés à la chose publique à travers les turbulences de l'UGET et les affrontements idéologiques qui commencent, généralement, à l'Université. Tant que l'étudiant est étudiant, il n'a la responsabilité que de rêver. Il subit, donc, le système, y adhère et y croit… Mais, une fois le diplôme en poche, il subit les renversements d'une sorte de désorientation temporo-spatiale : au sein de l'arène universitaire même si l'ordinateur a décidé pour lui de la filière qu'il suivra - il est au fait de son libre-arbitre. Car un étudiant c'est toujours quelqu'un. Mais dès qu'il enjambe le rubicon et passe au marché de l'emploi, il se perd dans les méandres kafkaïens d'une administration qu'il ne connaissait pas pour, finalement, tenir l'interminable queue derrière ceux qui l'y ont précédé. En désespoir de cause, il finit par croire qu'il est devenu quelque chose. Si, aujourd'hui, des milliers d'étudiants se réfugient dans les mastères, ce n'est pas vraiment pour fuir ce marché de l'emploi, dont ils mesurent le fossé le séparant, des réalités universitaires. De quel versant du fossé vient le dysfonctionnement ? Du niveau trop académique et, vraisemblablement, approximatif de l'Enseignement ? De l'empressement des entreprises à disposer de recrues immédiatement productives et performantes et auxquelles on ne concède pas le temps d'apprentissage nécessaire ? Cette inadéquation a été maintes fois soulevée ces derniers temps. Mais, aujourd'hui, on en prend sérieusement conscience. L'adhésion totale de l'UTICA au plan d'urgence gouvernemental tient aussi compte de ce corollaire… Tout comme on réalise que les incitations à la libre entreprise doivent absolument être simplifiées par une mobilisation plus effective et moins frileuse des banques et, surtout, la banque des PME et la BTS. La garantie ? La jeunesse, justement ! Cette jeunesse, justement, qui a grondé, qui croit bon de devoir se faire électrocuter ou s'immoler par le feu mais qui est aussi confortée dans cet appel affectif. Ce sont nos jeunes. Et de grâce, laissez-les nous. Oui, laissez-les nous, messieurs les justiciers de la vingt-cinquième heure !