Raouf KHALSI - [email protected] - C'est le discours que les Tunisiens attendaient. Rien ne sera plus comme avant, en effet. Intensification des mesures sociales, mais surtout plus question de balles tirées contre nos concitoyens. Pas question et toujours pas question de présidence à vie. Et déjà un hymne aux libertés, à la démocratie… La désaffection des Tunisiens vis-à-vis de la presse nationale s'explique. Elle se justifie même. Nous avions reconnu, ici, même, sur cet espace éditorial nos «distractions» au moment où le feu était mis aux poudrières. Depuis longtemps l'information en Tunisie était prédestinée à un rôle d'avant-garde. Elle devait être responsable et lorsqu'on dit responsable cela veut dire une information libre mais pas libertine; courageuse mais pas négative ; citoyenne et donc pas cacique. Mais il y avait un système dans le système : un système de verrouillage occulte dont on ne savait trop d'où il tirait sa justification, mais qui n'en finissait pas de creuser un fossé entre les Tunisiens et leur information ; entre les Tunisiens et leur droit à l'information ; entre les journalistes et leur devoir d'informer ; et, finalement entre les journalistes et les médias et les Tunisiens eux-mêmes. Il n'en fallait pas davantage pour accabler les journalistes de tous les maux de la société : normal, dans une démocratie qui se construit, le journalisme a la charge d'être le miroir de sa société et le miroir du monde. Mais il n'y a pas eu que le verrouillage occulte . Un singulier mélange des genres s'insinuait sournoisement dans nos mœurs journalistiques, exaltant la recherche du sensationnel, le plus souvent à coups d'amalgame, de montages et de désinformation. Et pourtant il y a de la place pour tous les goûts, pour tous ceux qui cherchent à s'informer et pour tous ceux qui veulent écouter tous les sons de cloche. D'où vient alors que le journaliste se soit retrouvé désabusé et incompris sur la scène pourtant pompeuse et vaniteuse de la mimique ! Et ce fut, haute béance, l'ère d'une rupture au sein du métier. Le journaliste en était réduit à être ce quelque chose – et non plus ce quelqu'un – sommé de transposer ce « on » censé parler pour lui Et pourtant le Chef de l'Etat n'a eu de cesse d'appeler les journalistes à transgresser ces lignes que « le système dans le système » avait fini par tracer dans notre mental ! Nous l'avons fait – du moins ici au Temps – nous nous en affranchissons, mais il y a encore à faire. Avant hier, les journalistes de DAR ASSABAH ont observé un temps d'arrêt de travail revendiquant une plus grande latitude dans le traitement de l'information quant aux événements douloureux que vit notre pays. C'était légitime. Or nos journaux «Le Temps» et «Assabah» avaient été les premiers à Sidi Bouzid et, depuis, ils n'ont pas lâché prise. Ce n'est que ces derniers jours que la télévision, par exemple, a suivi. Aujourd'hui, néanmoins, nous pouvons nous faire l'écho de l'appel présidentiel à «LA LIBERTE D'EXPRESSION». Forts de notre croyance en la noblesse de notre métier, nous oeuvrons et œuvrerons encore plus et dans l'intensité lucide à abattre les tabous, ces derniers remparts, empêcheurs de tourner en rond, ces forces de rétention qui cherchaient à asservir l'information. Si ces remparts tombent aujourd'hui c'est aussi parce que nous leur avons résisté et aussi parce que vous continuez de croire en nous. VIVE LA LIBERTE D'EXPRESSSION !