Les légendes sont quelques fois plus tenaces que l'œuvre de toute une vie. L'humanité se nourrit de légendes et ces dernières, à force de perdurer, deviennent plus réelles que la réalité objective des êtres. Il fallait donc, bien donner à Henri Matisse né le 31 décembre 1869, sa petite part de légende. A 20 ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines. Pour occuper ses journées, sa mère lui offre une boîte de peinture. Il découvre ainsi le plaisir de peindre. Et c'est dans cette même position, c'est-à-dire cloué au lit, qu'on le retrouve à l'âge de 80 ans. Il se déplace difficilement. Il avait délaissé son immense atelier et ne quitte pratiquement plus son lit, au centre de sa chambre. Il travaille sur une table roulante et réglable. Il éprouve un ardent besoin de créer et n'a trouvé qu'un moyen pour vaincre l'immobilité : un fusain au bout d'une perche dont il se sert pour dessiner sur le mur. Il était en train de peindre la chapelle de Vence, travail qui a été source de stupéfaction, sinon d'indignation dans les cercles d'initiés. Aragon ira jusqu'à la menace : « Quand nous serons au pouvoir, on en fera un musée, de la chapelle ». Le vieux fauve communisant ne peignait plus que des Saints depuis quelque temps. Sorti de l'obstacle de l'appendicite, le jeune Henri s'inscrit au cours de dessin de l'école Quentin de la Tour destinée aux dessinateurs en textile de l'industrie locale. En 1890, il monte à Paris où il est admis à l'école nationale supérieure des beaux-arts et où il fréquente l'atelier de Gustave Moreau. Il y rencontre Georges Rouaullt, Albert Marquet et visite les expositions de Jean-Baptiste Canille Corot et celles de Paul Cézanne. En1896, il organise sa première exposition et rencontre John Peter Russel qui l'introduit auprès d'Auguste Rodin et Canille Pissaio. Il éprouve de l'intérêt pour la peinture impressionniste qu'il découvre en 1897 au musée du Luxembourg. En 1903, il participe à la première édition du Salon d'automne et deux ans plus tard, scandale ! L'accrochage de ses œuvres avec celles de Marquet, Vlaminck, Derain et Van Dongers fait hurler les observateurs et les critiques. On compare le lieu de l'exposition à une « cage aux fauves », appellation aussitôt adoptée et revendiquée par les peintres eux-mêmes. Matisse devient, donc, le chef de file du fauvisme. De 1908 à 1912, il expose à Moscou, Berlin, Munich et Londres. En 1913, il expose à l'Armory Show de New York, à côté d'œuvres de Marcel Duchamp et Francis Picabia, comme autant de représentants de l'art le plus moderne qui soit. Avec le déclenchement de la première guerre mondiale, il s'installe sur la Côte d'Azur. EN1919, Il reçoit une commande d'Igor Stravinski et Serge Diaghilev pour dessiner les costumes et les décors du ballet « Le chant du rossignol». En 1941, il est atteint d'un cancer et les médecins lui donnent six mois à vivre. En Avril 1944, sa fille et son épouse sont arrêtées par la Gestapo pour faits de résistance. Elles arrivent à s'en sortir ! En 1945, une grande rétrospective est organisée au Salon d'Automne. En 1949, il commence à travailler au décor de la chapelle du Rosaire de Vence. Le 3 novembre 1954, Henri Matisse meurt à Nice, à l'âge de 84 ans. Sa cote n'a cessé depuis de monter et en 2009 « Les coucous, tapis bleu et rose » a atteint la valeur historique de 32 millions d'euros. L'homme qui a fermé la porte au nez de l'orientalisme de papa, fut un novateur absolu qui, sans s'en soucier le moins au monde, avait mis à feu et à sang, la meute de suiveurs qui l'ont précédé et quelques uns de ceux qui l'entourèrent.