Par Bourguiba BEN REJEB - Le RCD a jusque là gagné toutes les élections, avec des pourcentages qui défient tout le rationnel. Il était évident que la machine à broyer remplaçait la logique de la démocratie. On n'avait même plus besoin de bourrer les urnes puisque ceux qui avaient l'occasion de voter faisaient partie d'une clientèle bien obligée de survivre. Cette idée a tellement été répétée que beaucoup avaient fini par s'en convaincre ou à abandonner la partie. Les témoignages abondent et c'est à qui apportera les détails les plus croustillants tirés d'un vécu dont le tragique le dispute au ridicule. Le moment historique l'exige, au moins pour prouver à tout instant que la peur a changé de camp, avec cette fois la peur des malfrats face à la justice du peuple. Ceux qui n'avaient pas de voix ont subitement retrouvé leur dignité. Les mots qu'utilisent ces derniers ne sont pas toujours bien choisis, mais la spontanéité est une vertu capitale de la jeunesse, celle qui accompagne la renaissance d'une nation. Il se trouve seulement que les professionnels des discours de circonstance remontent au créneau, après avoir pris la précaution de changer de veste. Inutile pour le moment d'égrener des noms, la liste des flagorneurs est tellement longue. Le commun des citoyens est si entièrement occupé à fêter sa victoire qu'il ne fait pas attention aux noms de ceux qui ont organisé, célébré, justifié toutes les exactions. Pour eux le Racket fut l'occasion de discours de bénédiction, la Criminalité politique une vertu morale et la Délinquance politique une preuve de bonheur incommensurable. La liste des Rackets, de la Criminalité et de la Délinquance étant longue, on va appeler ces journaleux le groupe RCD. Le sigle en question est devenu synonyme de perversion politique, après avoir symbolisé le ridicule des profiteurs de tout poil. Il n'est donc pas surprenant que la foule afflue de partout pour effacer la trace de cette honte pour la nation que fut cette machine à squatter tout le labeur du plus simple des citoyens. On aurait pensé que les moins englués dans le système fassent amende honorable et présentent les excuses les plus solennelles. A vue d'œil, il n'en est rien. Tout laisse croire que, bien au contraire, les plus mouillés reconstituent leurs réseaux pour défendre les biens mal acquis. Au lendemain du 7 Novembre, on nous avait inventé les clubs du 7 Novembre. Beaucoup ont été piégés par des promesses dont on connait la suite. Aujourd'hui, d'autres variantes circulent et vont du salut public aux initiatives citoyennes, à d'autres formulations supposées noyer le poisson et détourner la vigilance du commun des tunisiens de l'objectif fixé. La révolution tunisienne est celle de tout le peuple, et il est urgent pour certains d'en accaparer les fruits pour perpétuer les méthodes mafieuses. Le clan fait le dos rond et est prêt à sacrifier les moribonds du système ancien pour se refaire une virginité. On avait eu pendant 23 ans la théorie du changement qui n'arrêtait pas de faire du surplace. La peur de tout perdre est en train de nous réinventer les nouveaux démocrates il y a peu rouages d'une machine à broyer l'espoir. Il y a des politiques soudain saisis d'amnésie, il y a des journalistes subitement rattrapés par la soif démocratique, il y a des responsables locaux et régionaux tout à coup soucieux du bien commun. Et d'autres dont on taira momentanément les noms, au nom d'un principe semble-t-il moral de non chasse aux sorcières. Beaucoup de ceux qui ont été muselés ou embastillés savent pourtant que les mêmes n'ont jamais eu cette vertu morale, pour peu qu'on puisse imaginer qu'ils aient eu une morale. La foule remontée, et remontée des profondeurs du pays oublié a raison de tout demander, au moins au nom des sacrifices consentis. Ca peut déranger certains, mais ça leur passera. Après tout, le gardien des acquis est celui là même qui a fait tomber les symboles de l'injustice et de la prévarication. Sa voix doit rester au centre de la bataille engagée et que les vieux chevaux de retour tentent de récupérer. Il va falloir rester vigilant.