Par Khaled GUEZMIR – Beaucoup de nos amis lecteurs m'ont appelé au sujet de notre chronique sur le RCD pour exprimer différents avis et surtout pour rendre justice et hommage à Habib Bourguiba qui était un exemple d'intégrité morale économique et financière et qui à sa mort n'avait laissé aucun patrimoine mobilier ou immobilier à ses héritiers. Il est temps pour nos lecteurs de réhabiliter l'image du grand résistant qu'était Bourguiba, fondateur de l'Etat moderne et premier Président de la République Tunisienne et que l'ancien régime a envoyé aux oubliettes ! A ce sujet je me rappelle à la veille de l'avènement de ce 21e siècle, d'un débat télévisé en France sur le thème : qui était l'homme politique du siècle finissant à savoir le 20e siècle ! Des personnalités françaises de premier ordre participaient au débat et les propositions et suggestions étaient tout à fait plausibles et admissibles. Les uns proposaient De Gaulle le libérateur de la France et l'homme de l'appel du 18 juin 1940, fondateur plus tard, de la 5e République. Les autres donnaient Winston Churchill Premier ministre britannique vainqueur de la bataille d'Angleterre et tombeur du Führer, le fasciste Adolphe Hitler. D'autres plaidaient en faveur de Roosvelt et même Kennedy les présidents américains pour arriver à Gandhi libérateur de l'Inde pacifiquement et sans combat grâce à son idéologie de la « résistance passive »… ! Mais tout à coup une dame… en fait une merveille de dame, brillante avocate tunisienne d'origine, juive de confession du nom de Gisèle Halimi bien connue pour sa défense des causes justes et des droits de l'homme, a failli assourdir l'auditoire en clamant haut et fort : « Pour moi l'homme du 20e siècle c'est Habib Bourguiba » ! les gens tombaient des nues et l'animateur totalement pris de court a esquivé… « Quand même » ! pour se ressaisir et lui demander : « Enfin s'il vous plait madame expliquez-vous » ! Et notre avocate de génie d'argumenter et de répondre : « Bourguiba a été l'ennemi n°1 de la France… il a passé 15 ans des plus belles années de sa jeunesse et de sa vie, dans les prisons françaises et après l'indépendance de son pays il a non seulement pardonné mais il est devenu le plus grand ami de la France et du peuple français… Par ailleurs il est le premier sinon le seul chef d'Etat arabe et musulman à avoir libéré la femme tunisienne, interdit la polygamie et rationalisé la religion et séparé celle-ci de la politique…. Bourguiba est le seul président arabe à vouloir faire la paix avec Israël sur la base des deux Etats de 1947… Enfin citez moi un seul Chef d'Etat au monde qui n'a pas d'argent ni de maison… ni d'autres signes de richesse ! Voilà pourquoi je vote Bourguiba ! » Le plus beau c'est qu'à la fin du débat il fallait voter pour désigner symboliquement « l'homme du siècle » et les téléspectateurs à une grande majorité ont voté : Bourguiba ! – Cette petite histoire vécue résume très bien, à notre avis, les sentiments d'une grande partie de l'opinion tunisienne et internationale. Certes il ne faut pas occulter les excès de pouvoir du « Moujahid El Akbar », ni son entêtement à ne pas passer la main, et préparer l'évolution du pays de l'Etat national à l'Etat institutionnel. Nous regrettons tous, ses choix douteux qui ont favorisé quelque part le népotisme et le régionalisme peut-être sans le vouloir expressément, mais Bourguiba demeure dans la mémoire collective et populaire des Tunisiens comme le père de la nation, un homme d'une culture politique et civilisationnelle immense (voir ses lettres à son fils feu Habib Bourguiba junior et à ses pairs du destour) et surtout un homme qui a offert sa seule maison à Monastir, en plus héritée de son père, à la mairie pour en faire un musée. La seule grande erreur de Bourguiba c'est de n'avoir pas accepté l'instauration d'un système démocratique et d'alternance pacifique au pouvoir mais personne ne peut mettre en doute sa légitimité historique, son patriotisme, la grandeur en tant que penseur et acteur politique ni sa morale et son intégrité irréprochables ! Quand on se réveille sur « les milliards de dollars » que ses successeurs ont détournés, indûment en s'appropriant l'Etat, l'économie, la finance et même la culture de la Tunisie, on doit non seulement réhabiliter Bourguiba mais lui rendre l'hommage qu'il mérite d'avoir été un héros d'une trempe exceptionnelle de notre pays. Enfin, une prière que j'adresse au nouveau maire de la Goulette : la statue de Bourguiba à Goulette – Marine a été maintenue dans le noir par vos prédécesseur... sur ordre de leurs maîtres ! « S'il vous plait éclairez la statue de Bourguiba… Elle mérite bien une ampoule de 100 volts pour ne pas passer ses nuits dans le noir !» Bourguiba notre père a éclairé la Tunisie de mille feux et de mille victoires ! K.G. Post scriptum : L'ancien régime a déboulonné toutes les belles statues de Bourguiba. Celle de l'Avenue Bourguiba à Tunis a été replantée à l'entrée de la Goulette près du fort espagnol. Celle de Kairouan a été « jetée» dans un dépôt de débarras. Dieu pardonnez aux médiocres qui l'ont fait !