• Au lieu de consolider le tissu économique légal, on l'a fragilisé au profit du commerce parallèle anarchique géré par le clan Ben Ali…L'UTICA a laissé faire • L'économie tunisienne victime des sur et des sous facturations • Une bonne partie du tissu économique a été victime de la « médiocratie»… Ils ont tout fait pour affaiblir l'unité productive tunisienne. • Il faut mettre fin au capitalisme sans foi ni loi…Attention à l'inflation du Chômage ! • L'heure est au travail, le travail, le travail Interview de M.Taïeb Souissi, PDG de « Souissi Home Center » - Aujourd'hui tout le monde sait comment fonctionnait l'économie nationale sous l'emprise du Clan Ben Ali et ses alliés. La famille déchue et ses alliés ont tiré sur « tout ce qui bougeait », sur toute activité licite et illicite dans le pays. Infraction à la loi, népotisme, corruption, abus de pouvoir…Tous les moyens étaient permis pour assouvir leur avidité illimitée. Résultat : l'organisation mafieuse a chamboulé et mis à l'écart une bonne part d'entreprises tunisiennes, d'hommes d'affaires et pas mal d'initiative indépendante, productive hors du clan. Plusieurs sont les victimes du clan mafieux, mais reste que sur le plan micro et macro économique, les pertes sont innombrables. Outre les séquelles du passé, aujourd'hui et après la Révolution, de nouvelles menaces se dessinent à l'encontre de l'économie nationale. « Inflation » du chômage, liquidation d'entreprises, fuite de capitaux étrangers, d'où le spectre d'une récession économique. Aujourd'hui des milliers d'entreprises sont en difficulté. L'Administration, les banques et les entreprises sont paralysées…Où va l'économie tunisienne ? M.Taïeb Souissi, PDG de « Souissi Home Center » entreprise spécialisée dans le bricolage, le sanitaire, décoration…), victime de l'ancien système témoigne de l'acte de l'affaiblissement de l'économie nationale. Après 32 ans de métier dans le domaine de la grande distribution (spécialité produits de bricolage et activités annexes), M.Souissi trouve encore des difficultés à finaliser le contrat de franchise avec Mr Bricolage, le numéro 3 dans le monde de la distribution en France. Les dix « D » du régime Ben Ali « 11 familles ont accaparé l'économie nationale. L'équivalent de 80% du budget de l'Etat sont allés dans les poches de l'ex-famille royale. L'impact du régime Ben Ali sur l'activité économique peut se résumer autour des « dix D ». Il s'agit de la Déception, le despotisme, le Découragement, la Démission, le Défaitisme, le Dérèglement, la Désorientation, le Désintéressement, le Désistement et la Déconnexion. La Tunisie est un pays qui vit des services, des transformations, des délocalisations…L'économie tunisienne est une économie intégrée. L'un des premiers pays du Sud de la Méditerranée à avoir signé l'Accord de Libre Echanges avec l'UE. Toutefois la libéralisation n'a pas été bien comprise. C'est plutôt la libéralisation anarchique qui s'est développée sous l'ère de Ben Ali et plus particulièrement le commerce parallèle. En 91, une loi sur le commerce de distribution a été promulguée prévoyant des réformes progressistes et modernes. Et au lieu de consolider le tissu économique légal on l'a fragilisé au profit du commerce parallèle anarchique administré par le clan Ben Ali. Et l'UTICA n'a joué aucun rôle là-dessus. Les textes de la loi 92 sont restés lettre morte. Au début et pour des objectifs sociaux, l'UTICA a toléré un seuil de marché parallèle de 15%. Avec le temps le commerce parallèle a dépassé les 50%. D'où le défaitisme et la démission des détenteurs de capitaux et des industriels intègres. Et au lieu de protéger les institutions et de profiter du commerce légal notamment en renflouant les caisses de l'Etat. Nous avons observé une migration du légal vers le marché parallèle. D'où une suprématie du parallèle sur le légal dans un gouvernement lui-même parallèle. Résultat: Avec la marginalisation de l'Administration, les institutions et entreprises ne fonctionnaient plus. Absence de projets productifs du fait de la déviation des crédits d'investissements productifs vers les crédits de la consommation. Une marginalisation des crédits a été développée sous le règne de Ben Ali. Et on se retrouve avec la famille Ben Ali décrochant un pactole de dizaine de milliards d'euros (soit 1,5 le budget de l'Etat). Mais le pillage, ne se limite pas seulement à la famille Ben Ali, le cercle est beaucoup plus large. Il faut voir les sommes faramineuses des fuites de devises. Les services d'enquête des Douanes ont fermé les yeux sur les actes de surfacturation. Des opérateurs sans foi, ni loi ont été les acteurs d'un vrai crime économique. En effet, et selon le code des douanes, la surfacturation est un crime pénal. Au lieu de facturer 100 euros, l'opérateur facture 110 euros (A compter les sommes cumulées de surfacturation !). Par ailleurs, la sous facturation, a beaucoup lésé les comptes de l'Etat. Les opérations d'importations sous-facturées ont dépouillé les droits de douanes. Il suffit de faire le bilan des comptes en devises. Une absence totale du contrôle. L'industrie intègre ne se trouverait plus dans un climat intoxiqué, si l'environnement des affaires devenait plus sain, l'investissement étranger deviendra alors plus confiant. Et si avec tous ces détournements et ces dépassements, la Tunisie est encore d'aplomb, on doit toucher du bois. C'est un miracle que nous n'ayons pas eu le même sort que celui subi à titre d'exemple par la Grèce. Aujourd'hui, la situation actuelle ne doit pas se poursuivre. Au bout d'un mois, si ça continue ainsi, c'est la catastrophe pour l'économie tunisienne. Gare à la décroissance ou à la récession économique. Il ne faut pas perdre de vue que le chômage est le détonateur initial de la Révolution. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises ont fermé, la majorité des hôtels ont cessé leurs activités…Nous nous trouvons ainsi dans une situation de sur chômage. En plus des chômeurs déjà existants, viennent s'ajouter les chômeurs ressortissants de la crise économique et financière, les chômeurs post-révolution et nos ressortissants débarquant de la Libye. Attention à l'inflation du chômage ! En l'absence de sécurité et d'argent, comment-va-t-on financer notre économie ? Les médias doivent prendre leurs dispositions, s'aviser de ne pas donner « l'antenne » à n'importe qui. Avec le nouveau slogan abusivement employé de « Dégage », on ne peut pas avancer comme çà. La démocratie est avant tout une responsabilité et une citoyenneté » Mais par les temps qui courent, toutes les opérations courantes de l'économie sont bloquées. Les entreprises ont besoin de leurs banques pour relancer leurs activités. Sinon c'est la paralysie totale. Si les institutions financières ne fonctionnent pas, c'est le chaos total. « Si tu raisonnes à court terme sème du blé, si tu raisonnes à moyen terme sème un olivier et sur tu raisonnes à LT tu dois former des Hommes ». L'heure est au travail, travail, travail. Ce cafouillage n'emmène nulle part. Pour instaurer une vraie démocratie sociale, on devrait s'inspirer de bonnes expériences vécues par la Turquie et le Brésil. Entre temps plusieurs entreprises sont aujourd'hui en difficulté. Les investissements étrangers sont également menacés. Or la personne morale tout comme la personne physique a un droit de vie. Un droit qui est aujourd'hui hypothéqué. Il faut concevoir des solutions urgentes. Pourquoi pas une amnistie fiscale au cas par cas. Il ne faut pas jeter tout le monde dans le même sac. Il faut séparer l'ivraie du bon gain et soutenir les entreprises sérieuses, intègres et citoyennes. La réhabilitation des entreprises « de bonne foi » est de mise. L'économie tunisienne a vécu le calvaire sous le règne de Ben Ali. Ils ont tout fait pour affaiblir l'unité productive tunisienne. Une bonne partie du tissu économique ont été victimes de la « médiocratie ». Il faut mettre fin au capitalisme ni foi ni loi. Un consensus doit être pris aujourd'hui autour de l'entreprise, orienter les crédits bancaires vers les projets productifs générateurs d'emplois. L'économie tunisienne est au bout du gouffre. L'heure est au travail collectif. Nous devons avancer dans le bon sens et non reculer. »