Par Khaled GUEZMIR - Cinquante cinq ans d'Indépendance c'est quoi au juste en 2011 et quel bilan pour les générations qui ont fait cette indépendance et ceux qui l'ont accompagnée ! Mais ce n'est pas de cela que nous traitons aujourd'hui ! Qui se souvient du système monarchique beylical qui était encore en 1956 le cadre institutionnel légal prévalant en Tunisie et qui se souvient des premiers accouchements douloureux qui vont faire naître cette première République 16 mois plus tard. Que de souvenirs dans cet écho lointain que le grand philosophe Mahmoud El Mesaâdi appelait « Tachwich al hayet » (Le brouhaha de la vie) dans sa pièce « Assod » (le barrage) pour faire dire à son héros « Ghaylan » : seule la mort s'adosse à l'absolu alors que l'œuvre humaine quelle que soit sa grandeur reste éphémère ! Pourtant des générations de militants et de combattants sont morts avant de voir ce jour de la victoire du peuple tunisien sur le colonialisme qui a duré soixante quinze ans, et ceux qui l'ont vécu, se rappelle encore la Cohue autour des leaders charismatiques immortalisés par quelques reportages filmés et dont les pellicules ont bien jauni depuis. C'est à croire que les Tunisiens ont un problème avec leur mémoire historique et tel des « Oedipes », ils ne sont jaloux que pour leur présent et comme le dit notre proverbe : « Adounia maâ El Wakef » (la réussite accompagne les nouveaux détenteurs du pouvoir. Le passé quant à lui doit être légué aux oubliettes. Faut-il reparler du « Démon berbère » qui est à la base de toutes les destructurations des systèmes de valeurs et des institutions existantes qu'on refuse « d'hériter » parce qu'illégitimes. Faut-il justifier toutes les « agressions », qu'on fait subir aux bonnes traditions et à certains acquis des « anciens » régimes parce que l'ordre ancien doit disparaître ! Ou alors qu'est-ce qui justifie le « rasage » de la « salle du trône » beylicale, au palais du Bardo sur ordre de qui ?... les historiens ne le sauront peut-être jamais ! Ne fallait-il pas, tout en éliminant l'ordre politique ancien, ce qui est légitime selon la volonté du peuple, garder tout ce qui peut préserver la mémoire historique et culturelle de notre pays. Les Français de la Révolution de 1789 ont certes détruit la Bastille mais ils ont préservé Versailles et le Louvre qui attirent aujourd'hui des millions de touristes du monde entier à Paris chaque année. Pourquoi, Bourguiba et ses mauvais conseillers et ministres de l'époque n'ont-ils pas eu la lucidité le Courage et finalement la grandeur de créer un « musée » de la dynastie husseinite qui a gouverné ce pays pendant deux siècles et demi et par la même un musée colonial comme c'est le cas en France. Faut-il avoir honte de son passé alors que le passé éclaire le présent ! Quel mal y a-t-il à préserver meubles et immeubles des temps passés, afin que notre jeunesse puisse coller à son identité tout en faisant son présent et son avenir. Le Dictateur Ben Ali a même fait pire. Il a déboulonné toutes les statues de Bourguiba et a interdit au peuple Tunisien d'écouter sa « voix » lui dont les discours étaient suivis pas seulement pour la politique, mais aussi pour « l'histoire », l'anecdote et même l'humour ! J'ai voulu faire un peu cette « déviation » au moment précis où notre peuple glorieux s'attelle à construire le « nouvel ordre » politique et culturel de la Révolution du Jasmin. De grâce préservons toutes les archives, les « meubles » et les immeubles de la mémoire de l'ordre « ancien » même s'il est abject et haïssable. Nos petits enfants dans 30 ou quarante ans auront la curiosité et le désir de comprendre et de savoir ce que leurs parents et grands parents ont vécu ! Il faut aussi préserver tout ce qui a pu enfanter la Révolution de la liberté et de la dignité qui nous enchante aujourd'hui, y compris les images et les objets qui ont fait ses douleurs et ses joies. Les Anglais sont-ils moins « nationalistes » que les Tunisiens, pour avoir préservé la « Tour de Londres » qui était tout simplement le haut lieu de triste mémoire, des exécutions et de la torture infligées aux « british » et même à certains Rois et Reines d'Angleterre ! Et pourtant cette tour reçoit des millions de visiteurs bien patients et heureux de faire la queue ! A vous de juger !