La toile, après s'être révoltée, s'agite ces derniers temps. Il devient dur de suivre les actualités qui sont postées toutes les deux minutes et l'internaute tunisien ne sait plus où donner de la tête. Des rumeurs, des secrets dévoilés, des analyses politiques, des informations, des appels aux sit-in, des appels au retour à la vie normale, des condamnations, des blanchissements de personnes… les milliers de Tunisiens adhérents au réseau social Facebook sont entre récepteurs et participants à la riche matière existante sur le réseau. Ce qui se passe dans la rue est immédiatement transmis sur le net et aussitôt l'information diffusée, les réactions ne tardent point. Ainsi, la Kasbah 3 par exemple n'a point laissé les internautes indifférents… La Kasbah 3 Non seulement cet évènement a suscité différentes réactions entre ceux qui la soutiennent et ceux qui la refusent, mais a également mis le ministère de l'Intérieur et le gouvernement dans une situation délicate face au peuple. Un appel au sit-in a parcouru le net bien avant l'évènement en soi. Quelques milliers y ont adhéré appelant justice pour le sang des martyrs, clamant la consolidation des réformes en Tunisie et exigeant l'arrestation de ce qui reste des agents de l'ancien système, policiers, politiciens ou autres… D'autres groupes, toujours comptant des milliers de personnes ont refusé le sit-in prétextant que la Tunisie s'écroule et rappelant ce qui s'est passé le vendredi de la colère à l'Avenue Habib Bourguiba. L'arrestation de certains organisateurs de la Kasbah 3 et la décision du ministère d'arrêter certains activistes de Facebook a augmenté l'intensité du débat portant sur le sit-in. La majorité a refusé ce « retour à la représsion » et cette interdiction de la liberté d'expression. Parmi elle, on y trouve même ceux qui refusaient l'organisation de Kasbah 3. Pourquoi laisser en liberté ceux qui ont volé, torturé, réprimé le peuple tunisien et arrêté quelques jeunes pour avoir tenté de s'exprimer et est-ce là le gouvernement de Qaïd Essebsi ? Que de questions parcourent le net depuis la fin de la semaine. Quelques vidéos ont été postées pour démentir la version officielle qui dit que les organisateurs des sit-in ont fait preuve de violence. Le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre ont vu alors leur cote baisser… C'est peut-être pour cela qu'à l'instant même que le gouvernement a annoncé la destitution de Farhat Rajhi et son remplacement par Habib Essib, l'information a circulé comme une traîné de poudre. Cet évènement a également suscité une réaction par rapport aux administrateurs des principales pages mobilisant les jeunes dans la « lutte ». Quelques milliers ont respiré, considérant que ces administrateurs sont coupables d'incitation à la haine et à la violence et qui sont peut-être plus enclins à détruire la Tunisie plutôt qu'à la construire. D'autres milliers de facebookers voient en ces administrateurs des héros et des braves et qu'il ne faut point emprisonner quelqu'un car il tente de « mettre à nu les crimes du régime ». Néanmoins, les internautes ont pris l'initiative de dévoiler les noms de certaines personnalités « nuisibles » et activistes sur le net. Ainsi, ils ont monté et partagé une vidéo présentant un administrateur qui a fait circuler plusieurs vidéos insultant des personnes publiques et attaquants les pros-laïcs. On le voit alors sur la vidéo menant sa vie à l'étranger et appelant les jeunes ici à sortir manifester. Sur les passages où il défend l'Islam et attaque la laïcité sur la vidéo, on le voit en parallèle dansant avec des jeunes filles étrangères ou buvant de l'alcool. Cette initiative avait pour but de mettre fin à l'influence qu'il avait en présentant « son côté hypocrite ». Laïcité, Islam Et justement, cette vidéo entre dans le cadre de la prévention contre ceux qui incitent à la haine certes, mais également pour démontrer que ceux qui attaquent les laïcs ne sont pas forcément les plus pieux ! Et le débat laïcité/ Islam continue à faire rage sur la toile. On note par ailleurs, un amalgame – et l'on ne sait point si c'est conscient ou pas – entre laïcité et athéisme et les antis laïc choisissent justement cette argumentation pour contrer ceux qui appellent à la laïcité. Les internautes remarqueront alors des mises en garde telle que « Ils veulent détruire l'identité arabo-musulmane de la Tunisie », « c'est le combat contre l'Islam » et d'autres slogans de la sorte. Le discours revêt alors un caractère sacré et une guerre sainte s'annonce de la sorte sur le net. De l'autre côté, les laïcs, alliés aux personnes qui refusent la présence de partis islamistes au pouvoir, partagent des vidéos rappelant les évènements de Bab Souika ou alors des scènes de flagellations et de lapidation en demandant « voulez-vous de cela en Tunisie ? ». Entre argumentation, passion, « Takfir » ou appel à découvrir l'Islam, la toile tunisienne dévoile des courants qu'on croyait jusque là inexistants en Tunisie. La peur augmente face à quelques discours parfois violents et extrémistes et cette peur fait que l'on imagine déjà les Islamistes au pouvoir. Les sympathisants des Islamistes partagent quant à eux des informations et des vidéos visant à rassurer les Tunisiens par rapport au model musulman dans le gouvernement. Partis politiques et économie Et ils restent curieux et vigilants les internautes tunisiens suivent les différents partis politiques naissants. On partage alors la liste des partis avec leurs orientations, chef et positionnement et l'on ne rate aucun discours d'un chef d'un parti naissant. Les articles publiés présentant chaque parti sont aussitôt partagés et critiqués. Non seulement les Tunisiens veulent apprendre à mieux choisir, mais ils veulent également passer l'information pour être aidé les autres à apprendre et à bien choisir… Dans ses débats politiques, les Tunisiens n'oublient nullement l'économie du pays. Ainsi, on retrouve sur Facebook les informations relatives à la bourse, aux évènements économiques, aux achats et ventes des entreprises, mais aussi des vidéos postées dans le but de promouvoir le tourisme en Tunisie. Ils lancent un appel aux touristes de choisir notre pays comme destination de leur voyage et argumente leur appel en diffusant les atouts de la Tunisie. Divertissement voyeuriste ? Malgré le côté intellectuel et le profil politisé de la toile en Tunisie, les Tunisiens qui s'intéressent aujourd'hui à la politique et à l'économie, continuent à ressentir de la curiosité en tout ce qui concerne l'ancienne famille présidentielle. Ainsi, les vidéos des Trabelsi au pèlerinage, de Belhassan Trabelsi en vacances, de Leila aux Seychelles, et – la cerise sur le gâteau, de toute la famille quelque part dans le monde – sont aussitôt partagées et commentées. C'est là un divertissement qui amusent les Tunisiens et qui alimentent leur curiosité face à une famille qui a été présente mais distante pendant 23 ans. Bien évidement, les appels continuent à être lancés pour que la famille soit jugée et leurs fortunes restituées au peuple…