La Haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique a adopté, lundi, un texte d'une importance majeure. Un texte qui va déterminer l'avenir politique du pays pendant des années voire des décennies. Le moment est grave et les conséquences imprévisibles. Si l'on admet que cette Haute instance tire sa légitimité de la Révolution, chose qui reste, d'ailleurs, discutable, on est en droit de s'attendre à un texte en symbiose avec les idéaux de cette Révolution. Il est nécessaire de rappeler que la glorieuse Révolution est, par essence, populaire et faite par les jeunes et qu'aucun parti ne l'a organisée et n'en ait même prévu l'avènement, excepté la présence de militants de certains partis parmi les manifestants. Les jeunes, aujourd'hui, supplantés par l'élite politique sont dans leur plein droit d'aspirer à vivre dans une société véritablement démocratique. Or, le mode de scrutin qui vient d'être adopté ne permettra pas, de l'avis d'éminents constitutionnalistes tunisiens, le doyen Sadok Belaïd en tête, d'atteindre cet objectif. Ce système dit «scrutin de liste mitigé de proportionnalité» ne favorise, en fait, que les partis. Or, ces partis sont peu représentatifs ou de création récente. Donc, on est parti avec le projet de décret-loi vers une assemblée qui sera dominée par les quelques partis ayant pu, tant bien que mal, se faire connaître depuis le 14 janvier. Ceci est-il représentatif de la volonté populaire et y aura-t-il des garanties pour que la future Assemblée ne devienne pas un « terrain » d'alliances et de contre-alliances partisanes, sans véritable relation avec les aspirations populaires ? Ceux qui poussent, aujourd'hui, vers ce mode de scrutin pour se présenter le 24 juillet prochain, en blocs de partis, prennent le risque de gouverner un pays en pleine mobilisation sociale et pas encore totalement sécurisé. Ainsi, une Assemblée non-représentative de toutes les sensibilités, franges d'âge, régions et personnalités nationales et locales ne sera pas à même d'apporter les solutions idoines en cette période délicate de l'histoire du pays. Un mode de scrutin qui débouche sur une Assemblée largement représentative demeure la seule garantie pour la réalisation des objectifs de la Révolution et pour ériger les bases d'une démocratie parlementaire susceptible de rompre définitivement avec la mainmise des partis, source de toutes les dérives politiques, économiques et sociales.