En l'absence des agents municipaux, désoeuvrés depuis des mois et en dépit des plaintes des commerçants exerçant dans les règles de l'art, les vendeurs de fruits et de légumes continuent à exposer leurs étalages tout autour des marchés, se livrant à une concurrence acharnée, voire illicite, avec les marchands réglementaires qui, eux, payent les impôts. « Ces vendeurs à la sauvette, a fait remarquer l'un de ces marchands, constituent une grande menace pour nous, d'autant plus que leur nombre dépasse parfois celui des commerçants légaux ! Ils vendent moins cher puisqu'ils ne payent ni loyer, ni taxes et ils ne sont pas contrôlés… » Si les marchands de fruits et de légumes dans la plupart des marchés municipaux se plaignent de ces vendeurs installés à proximité, il n'en est pas de même pour un citoyen lambda qui trouve, en revanche, que ces lieux sont d'un grand secours pour son budget familial qui, semble-t-il, s'est érodé depuis quelques mois. Nous nous en tenons aux témoignages de ces ménagères que nous avons rencontrées en train de faire leurs emplettes auprès de ces vendeurs à l'extérieur du marché d'Hammam-Lif. Certaines doivent faire leurs comptes en comparant les prix et achetant à peu de frais, pour faire face à la flambée des prix de certains produits. « Franchement, il y a une différence entre les prix, nous a confié une ménagère ; pour certains produits, elle est minime, pour d'autres elle est substantielle. Tiens, par exemple, pour les légumes de saison, les fèves sont à 500 millimes le kilo chez ces vendeurs ; à l'intérieur du marché, elles se vendent à 600 et plus. Même chose pour les petits pois et les artichauts, ces produits sont moins chers ici ! » Une petite virée que nous avons faite à l'intérieur et autour du marché nous a confirmé la chose. En effet, nous avons constaté une différence très nette entre les prix affichés par les commerçants légaux et chez ceux du marché parallèle. Pour ne citer que quelques exemples, le kilo des piments forts varie entre 2000 et 1500 dans les environs du marché alors qu'il se vend entre 2500 et 1700 dans les stands à l'intérieur. Idem pour les pommes de terre, les tomates et les oignons dont les prix sont modérés à l'extérieur alors qu'ils sont plus élevés à l'intérieur. Quant aux prix des fruits, ils sont plutôt abordables par rapport à ceux affichés par les marchands réguliers, sauf que la qualité des fruits exposés en dehors du marché laisse parfois à désirer. Les oranges d'arrière saison qui se font de plus en plus rares sont vendues presque au même prix ça et là. Les fraises sont, en revanche, plus vendues chez ces vendeurs informels en raison de leur prix plus avantageux. Pour 500 millimes seulement la livre, elles sont très demandées par les clients. Les bananes dont les prix ont flambé depuis la Révolution se vendent un peu moins cher que chez les marchands exerçant dans les marchés, quoique la différence soit minime et ne dépasse pas souvent les 20 millimes, ce qui est d'ailleurs un moyen habile pour attirer les clients. Les primeurs, notamment melons et pastèques, sont vendues chez ces marchands illégaux à des prix moins excessifs que ceux pratiqués à l'intérieur du marché. « C'est tout à fait normal, nous expliqua l'un des commerçants qui tient un stand de fruits dans ce marché, puisqu'ils ne payent pas de taxes. Nous autres, nous achetons nos marchandises au marché de gros et nous avons notre marge bénéficiaire que nous devons respecter. Eux, ils achètent directement du producteur, ils n'ont rien à perdre s'ils vendent moins cher ! Dans tous les cas, leurs bénéfices sont garantis ! » Ces marchands ne sont pas tous originaires de la ville d'Hammam-Lif. Certains viennent d'autres régions avec leurs camionnettes et prennent possession des lieux du matin au soir pour liquider leurs marchandises. Avant le 14 janvier, ils n'étaient pas autorisés à s'installer tout autour du marché municipal ; la police municipale était intransigeante avec ce genre de commerce qui pourrait nuire aux commerçants réglementaires qui exercent depuis plusieurs années dans le marché. Pourtant, certains commerçants, quoique touchés dans leurs activités par ce commerce parallèle, font preuve de compréhension et de tolérance envers ces vendeurs informels, sachant que la situation n'est que provisoire : « Nous n'avons rien à faire, ces gens ont le droit de gagner leur pain, nous a affirmé un marchand de légumes, c'est aux autorités de leur trouver les solutions adéquates. D'ailleurs, la situation où nous sommes n'est pas spécifique à Hammam-Lif, ces marchands se trouvent partout dans les voisinages des marchés municipaux ! On dit que les conseillers municipaux vont bientôt être remplacés par une nouvelle équipe. Peut-être que cette dernière va prendre en charge le problème de ces marchands illégaux ! » Pourtant, les occupants de ces lieux prétendent agir en faveur des « zaoualis » (personnes défavorisées) et déclarent à tout venant qu'ils sont là avec le consentement des autorités ! De quelles autorités s'agit-il ?